La sortie du coma passe par la stimulation des sens
De quoi on parle?
Les faits
Début mars, une méningite frappe le jeune hockeyeur formé en Suisse Tim Bozon, appelé à jouer en NHL pour Montréal. Pour mieux le soigner, les médecins de l’hôpital de Saskatoon, au Canada, le plongent dans un coma artificiel.
Les causes
Le coma peut résulter d’un traumatisme du cerveau après un choc à la tête, d’un saignement spontané du cerveau (suite à une rupture d’anévrisme, par exemple)ou encore d’une infection (méningite ou encéphalite). Parfois, pour protéger le cerveau, les médecins provoquent un coma artificiel à l’aide de médicaments.
Le bilan
Après deux semaines de coma artificiel, Tim Bozon s’est réveillé. Il est sorti de l’hôpital la semaine dernière et donnait, le lendemain, le coup d’envoi pour un match de son équipe.
Le coma peut survenir après un accident ou une infection. Ou être provoqué par les médecins pour mettre le cerveau au repos et le protéger en diminuant son métabolisme. Provoquée ou non, la perte de conscience qui en résulte nécessite des soins constants. Le traitement commence dans une unité de soins intensifs, explique le Pr Bara Ricou, spécialiste des soins intensifs aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), où les patients restent jusqu’à ce qu’ils puissent assurer eux-mêmes leurs fonctions vitales (respiration et activité cardiocirculatoire stable).
S’ils passent ce cap, «il faut assurer les soins de base et éviter des complications, ajoute le Pr Armin Schnider, neuroréhabilitateur aux HUG. Une personne dans le coma doit être nourrie artificiellement, généralement à l’aide d’une sonde. Pour éviter des escarres et des contractures, il faut aussi la bouger fréquemment.»
Musique, goûts et parfums
Les soignants mettent ensuite en place des routines précises pour l’ensemble des soins et les détaillent par écrit afin qu’ils soient fidèlement répétés chaque jour. «Se trouver dans le coma s’apparente à être pris dans une avalanche, explique le Dr Karin Diserens, neurorééducatrice au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). On ne sait plus où sont le haut et le bas. Avec des procédures de soins répétées à l’identique, on offre au malade des points de repère, notamment temporels.»
Les soins doivent donc être pratiqués de manière «coordonnée», insiste le Dr Diserens. En dans le même temps, on parle au patient, on le masse, ce qui sollicite ses capacités cérébrales. En cas de lésion du cerveau, on privilégie les structures fonctionnelles qui ne sont pas atteintes. «Chez une personne dont le langage est affecté, on préfère par exemple solliciter le toucher, précise la spécialiste. Nous tentons de stimuler les zones qui fonctionnent moins bien par le biais de celles qui sont intactes.»
Le cerveau est donc mis en activité sans que le patient s’en rende compte. Le patient dans le coma «ne perçoit pas consciemment les informations que nous lui envoyons via son traitement, explique le Pr Schnider. Il ne peut pas les intégrer, leur donner du sens et initier une réaction dirigée.» Ce qui n’enlève rien à l’importance de cette stimulation.
Sollicitation des proches
Recréer un univers familier est un autre axe de traitement. Pour ce faire, la famille ou les proches remplissent un «questionnaire de vie» à propos du malade. Cela permet de lui proposer des repas selon ses goûts, de lui faire écouter la musique qu’il aime, d’adapter les traitements à ce que l’on sait de sa personnalité. «Les proches participent à une stimulation personnalisée, notamment en faisant goûter des aliments familiers ou sentir des parfums qu’il apprécie», détaille encore le Dr Diserens.
Dans presque tous les cas, le coma, provoqué ou accidentel, ne se dissipe que lentement. «Les cellules du cerveau se remettent progressivement à fonctionner, explique le Pr Marc Levivier, neurochirurgien au CHUV, et les transmissions entre elles reprennent. Cela se fait petit à petit, un peu comme un bras insensible se réveille après que l’on s’était endormi dessus.»
Il existe des critères précis pour mesurer les stades de ce réveil (voir infographie). La personne peut-elle tousser? Avale-t-elle? Peut-elle respirer sans assistance? Serrer la main ou entendre? «Personne ne se réveille d’un coup, comme dans un film hollywoodien, prévient le Pr Schnider. Le réveil du coma s’annonce par des petits signes, comme ouvrir les yeux ou faire une grimace sur commande. Avec le temps, ces réactions deviennent de plus en plus reproductibles, jusqu’à ce qu’une véritable interaction s’installe. Le patient a certes besoin de stimulation, mais aussi de beaucoup de repos. On ne peut pas forcer les choses.»
Altération de la personnalité
Les lésions du cerveau qui ont conduit à un coma peuvent avoir des séquelles facilement observables, comme une perte de motricité ou de la coordination. Mais des conséquences neurocognitives moins visibles peuvent être tout autant invalidantes, détaille le Pr Bara Ricou, spécialiste des soins intensifs aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
En effet, les troubles de la concentration, de l’attention, de la mémoire, du langage ou même du caractère empêchent ou rendent difficiles la communication et les relations sociales. Ces troubles affectent beaucoup le psychisme du patient et celui de ses proches.
Dans tous les cas, quelles que soient la nature et l’intensité des séquelles, la personnalité est altérée. Certaines souffrent de stress post-traumatique, mais, relativise le médecin, «d’autres sont changées positivement, car l’expérience les a amenées à considérer leur vie différemment».
Des objectifs plutôt que des constats
La période du réveil est par ailleurs très délicate, reprend le Pr Ricou: «Les patients peuvent se montrer agités, avoir les yeux ouverts ou faire des mouvements, sans pour autant être conscients. Nous expliquons aux proches que l’agitation n’est pas synonyme de souffrance et que celui qui émerge du coma est bien traité contre la douleur. Mais ce que les familles peinent naturellement à comprendre, c’est qu’un réveil partiel ne veut pas dire qu’un patient est près d’être complètement avec nous.»
A chaque réveil, l’incertitude est triple. Quel degré de réveil le patient atteindra-t-il? Combien de temps durera cette phase? Les séquelles subsisteront-elles? Celles-ci sont fréquentes, mais pas inévitables, tant les situations varient. «La probabilité d’être sévèrement handicapé augmente avec chaque mois de coma, relève le Pr Schnider. Mais même une personne qui sort du coma après six mois peut recouvrer une grande partie de ses capacités et avoir une interaction satisfaisante avec son entourage.»
«A la sortie du coma, nous établissons des objectifs pour guider la rééducation, explique le Dr Diserens, que ce soit en matière de mobilité, de fonctionnement cognitif, d’autonomie ou de réinsertion professionnelle.» Le traitement se focalise sur le but à atteindre, pas sur la situation à la sortie du coma. «Je préviens toujours les familles: c’est un marathon», conclut la neurorééducatrice. En règle générale, l’itinéraire médical d’une personne passée par un coma dure de trois mois à deux ans.
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