Décalages horaires: une molécule pour remettre notre pendule biologique à l’heure
Le décalage horaire, mieux connu sous la dénomination anglophone jet lag, est le type même du «mal moderne». Le Dr Stephen Perrig, responsable du Laboratoire du Sommeil aux Hôpitaux universitaires de Genève, expliquait déjà dans cet article de quoi il retourne. Il dit que cette pathologie, induite notamment par de longs voyages aériens, ne peut être simplement prévenue par voie médicamenteuse – à l’exception, dans d’étroites limites, par la mélatonine.
La piste du VIP
Une équipe de dix chercheurs travaillant dans deux universités américaines (l’Université Washington de Saint Louis et l’Université de Californie à Santa Barbara) annonce avoir identifié une piste moléculaire: le vasoactive intestinal polypeptide (ou VIP). Ce travail a été dirigé par le Pr Erik Herzog, l’un des grands spécialistes des rythmes biologiques. Les résultats de ces chercheurs viennent d’être publiés(1) dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine (PNAS). C’est déjà l’équipe du Pr Herzog qui était parvenue, il y a quelques mois, à décrypter l’ensemble du «câblage» neuronal et moléculaire qui, chez les mammifères, assure le fonctionnement, à la minute près (sur une journée de 1440 minutes) de leur horloge biologique –soit au sein du «noyau suprachiasmatique» situé dans l’hypothalamus et constitué d’environ vingt mille neurones.
Obésité et dépression
Le Pr Herzog a entre autres comme objectif de mieux comprendre ces mécanismes intimes et, ainsi, de trouver des solutions à de nombreux troubles métaboliques (obésité) et psychiques (dépression) inhérents aux différents dérèglements de cette horloge. Ses derniers travaux laissent espérer la mise au point prochaine d’un traitement de nature à prévenir les troubles ressentis par tous ceux qui souffrent des conséquences des décalages horaires, travailleurs de nuit ou voyageurs des vols aériens sur longue distance.
Naturellement secrété par différents tissus, le vasoactive intestinal polypeptide a de multiples actions au sein de l’organisme. Et notamment celle de pouvoir désynchroniser les neurones de l'horloge biologique (ou «horloge circadienne») et de faciliter ainsi l’adaptation de ces cellules aux décalages horaires. Les derniers travaux américains démontrent qu’à fortes doses, le VIP parvient à désynchroniser les neurones spécialisés du «noyau suprachiasmatique», leur permettant de s'adapter ensuite rapidement aux changements d’horaires quotidiens.
Acides aminés et horloge déréglée
Chacune des vingt mille cellules nerveuses de cette région cérébrale participe de manière séparée et très légèrement différente à la régulation de l’ensemble. Et c’est cet ensemble qui assure la coordination harmonieuse des rythmes quotidiens de la vigilance et du métabolisme. Or ces neurones hautement spécialisés communiquent entre eux via le VIP, molécule constituée de vingt-huit acides aminés. En l’absence de VIP (ou de récepteur cellulaire de VIP) la synchronisation des cellules n’est plus possible: l’horloge biologique se dérègle.
L’équipe du Pr Herzog a cherché à comprendre de quelle manière le VIP est libéré, de quelle manière il assure la synchronisation des cellules. Les chercheurs ont observé en substance qu’un excès de VIP nuit à la synchronisation. Mieux: au-delà d’un seuil critique, les cellules ne parviennent plus à communiquer. Loin de s’en inquiéter les chercheurs ont posé l’hypothèse que la perturbation des rythmes cellulaires pouvait être un phénomène bénéfique en assurant l’adaptation aux changements d'horaires. C’est ainsi qu’ils ont développé un modèle assurant une production accrue de VIP pour tester la validité de leur hypothèse d’amélioration des capacités d’ajustement de l’horloge.
Concept validé chez la souris
Ces chercheurs expliquent aujourd’hui avoir validé leur hypothèse chez la souris: l’équipe parvient à réduire de moitié chez ce rongeur l’effet du décalage horaire avec une dose de VIP. C’est là une première preuve dite preuve «de concept». Ces chercheurs vont désormais poursuivre leurs travaux. Objectif: élaborer un traitement permettant au cerveau de libérer ses propres stocks de VIP. Il s’agira ici des cerveaux des grands voyageurs mais aussi des travailleurs de nuit. Et plus généralement de l’ensemble des personnes dont les rythmes biologiques sont perturbés car soumises à de multiples signaux environnementaux négatifs comme les lumières et les nuisances sonores nocturnes.
(1) Un résumé (en anglais) de cette recherche peut être lu ici.
Un voyageur averti en vaut deux!
Voyages à l’étranger: quelles applis santé télécharger?
La malaria, cauchemar du voyageur
Rencontre avec Valérie d’Acremont, une spécialiste de la médecine tropicale
Mal des transports: un conflit de sensations
Le jetlag des cellules favoriserait l’apparition du diabète
Paludisme
Appelé aussi malaria, le paludisme est une infection causée par un parasite microscopique (Plasmodium) transmis par la piqûre de la femelle d'une race de moustique.