Bienvenue dans l'assiette du sportif

Dernière mise à jour 06/05/21 | Questions/Réponses
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Ça y est, la machine est lancée: reprise du sport et motivation au sommet sont au programme. Faut-il pour autant changer son alimentation? Pas forcément et, si oui, pas n’importe comment. Plongée dans une problématique bien plus subtile qu’elle n’en a l’air.

L’équation est tentante et empreinte de bon sens: un plat de pâtes la veille de l’effort, une banane juste avant le match, une barre de céréales dans la poche, le tout arrosé d’une boisson vitaminée et suivi d’un encas gourmand bien mérité. Le problème? Les besoins réels de l’organisme. Très vite, la recette passe de potentiellement universelle à hautement individuelle. L’enjeu, lui, se résume facilement: apporter à l’organisme ce dont il a besoin pour assurer la performance envisagée, ni plus ni moins. Le risque du «plus»? Surcompenser l’effort par le biais d’une alimentation trop abondante ou trop riche exposant, entre autres, à une prise de poids au fil du temps. Celui du «moins»? Obliger le corps à puiser dans ses réserves, mettant en péril la performance le jour J mais également la santé dans son ensemble. Et pour cause, un apport énergique insuffisant peut notamment se traduire par un risque accru de blessures et une fragilisation du système immunitaire.

Dès lors, comment s’y retrouver? Réponses de spécialistes.

1. Une activité physique modérée justifie-elle de manger plus?

Le plus souvent non. Mais tout dépend de la situation de départ. «La première étape est de s’interroger sur son alimentation, indépendamment de toute pratique sportive, suggère Maaike Kruseman, professeure au sein de la filière Nutrition et diététique de la Haute école de santé de Genève. Si les apports sont sains, équilibrés et suffisants en termes de calories, a priori et aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’y a rien à changer.» L’explication est simple: «Si l’alimentation couvre les besoins en macroéléments – glucides, protéines, lipides – en général, les apports en micronutriments (minéraux, vitamines et oligo-éléments) suivent naturellement», poursuit la spécialiste.

Tout dépend ensuite du volume d’entraînement. «Il n’existe pas de limite clairement établie à partir de laquelle il faudrait augmenter notablement les apports, mais on estime qu’en dessous de six heures de pratique réparties sur la semaine, aucune compensation n’est nécessaire, poursuit Maaike Kruseman. Il est en revanche possible, et tout à fait normal, que l’appétit s’accentue légèrement. Il faut y être attentif, surtout pour ne pas se ruer sur des aliments trop gras, sucrés ou salés qui mineraient en partie les bienfaits des efforts fournis.»

Si la pratique hebdomadaire excède six heures ou que le régime alimentaire expose à un risque de carences (régime faible en calories, végétarien ou vegan par exemple), il est en revanche conseillé de consulter un médecin du sport ou un ou une diététicienne pour faire le point et ajuster les apports.

2. Plat de pâtes la veille d’une pratique exigeante et banane avant l’effort le jour J: une stratégie judicieuse?

Absolument. «Tout l’enjeu avant l’effort est de s’assurer que les muscles sont suffisamment nourris», rappelle Valérie Ducommun, diététicienne spécialisée en nutrition du sport à l’Hôpital de la Tour. Leur carburant préféré pendant un effort intense: le glucose. Ses principaux lieux de stockage (sous forme de glycogène): les muscles eux-mêmes et le foie. Dès lors, la stratégie est à adapter au cas par cas selon l’activité envisagée, mais peut se décomposer en deux temps: la veille au soir, la consommation de féculents (un plat de pâtes par exemple) permet d’assurer une réserve de glycogène qui sera délivrée au moment de l’effort. Puis, dans les deux heures précédant l’activité, si aucun repas n’est prévu, un apport en glucides est conseillé. Parmi les collations optimales: un morceau de pain, quelques fruits secs ou une banane.

3. Après l’activité physique, place aux protéines?

C’est juste. Après un effort soutenu, les protéines favorisent régénération et réparation musculaires. «On sait que dans les 30 minutes à 2 heures suivant une séance d’activité physique, une fenêtre métabolique apparaît et favorise l’absorption des nutriments. Se jouent alors des processus physiologiques clés que l’on peut favoriser grâce à des apports adaptés», indique Maaike Kruseman. En pratique: «Si un repas équilibré contenant une source protéinée telle que viande, poisson, œufs ou tofu est prévu dans les deux heures, cela peut tout à fait suffire, précise la diététicienne. Si ce n’est pas le cas ou que l’activité physique a été particulièrement intense, envisager un encas protéiné est judicieux.» La suite est une affaire de goût et d’envie. Parmi les suggestions de la spécialiste: 3 à 5 dl de lait, du fromage blanc, deux œufs, de la viande séchée ou du jambon, un shaker protéiné ou, pour miser sur des protéines végétales, boisson au soja ou tofu.

4. Boire beaucoup d’eau: le secret de la réussite?

Non. «Le message clé est qu’il faut être à l’écoute de son corps et boire selon sa soif, rappelle le Pr Bengt Kayser, médecin à l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne. Malheureusement, des messages aussi erronés que tenaces se sont répandus au fil du temps. L’un des plus dangereux repose sur l’idée qu’il faut boire avant d’avoir soif, abondamment si possible. Dans un contexte sportif où l’effort s’annonce extrême, ce conseil peut virer au cauchemar, en attestent les décès de plusieurs marathoniens…» À l’origine du drame, une série de réactions physiologiques induites par un apport hydrique excessif, aboutissant à une dilution des sels minéraux présents dans le sang et, si rien n’est fait, à un œdème cérébral potentiellement fatal. Que penser alors des boissons isotoniques qui envahissent le marché? «Le plus souvent, l’eau du robinet comble à elle seule les besoins d'hydratation, une supplémentation en sels minéraux n’est donc pas nécessaire, note le Pr Kayser. Ces mélanges qui contiennent aussi du sucre peuvent toutefois être intéressants pour optimiser les apports lorsque l’effort est particulièrement intense et que les pauses sont limitées, dans le cadre d’un marathon par exemple.»

5. L’eau: LE remède anti-courbatures?

A priori pas. Les courbatures ne sont pas liées à un état de déshydratation, mais résultent d’un effort excessif ou inhabituel d’un groupe musculaire. Les douleurs traduisent des microlésions au niveau des fibres musculaires. Ces dommages ne sont pas dangereux, bien au contraire. «Un processus naturel de réparation se met spontanément en place et les fibres musculaires en sortent renforcées, explique le Pr Kayser. Ce phénomène est facile à observer en reproduisant une semaine plus tard un effort qui avait engendré des courbatures: les douleurs musculaires sont généralement moins intenses, voire inexistantes.» Quid du lactate, souvent incriminé par les sportifs aux muscles endoloris? «Il est considéré à tort comme une toxine à faire disparaître à grands renforts de verres d’eau, indique le spécialiste. La démarche est vaine et infondée. En effet, la présence de lactate reflète simplement l’activation de voies métaboliques spécifiques lors de l’activité physique. Il constitue par ailleurs une source d'énergie dont raffolent cerveau, cœur et muscles eux-mêmes.»

6. Compléments alimentaires et antioxydants: une bonne idée?

Rarement. Dans le cadre d’une pratique sportive, la tentation est grande de piocher du côté des vitamines, antioxydants et autre compléments alimentaires tous plus prometteurs les uns que les autres. Pourtant, cet arsenal de pilules s’avère le plus souvent non seulement inutile, à moins de combler une carence avérée (lire encadré), mais également contre-productif. «Le risque des compléments alimentaires utilisés sans nécessité médicale est de court-circuiter des phénomènes physiologiques naturels, souligne le Pr Kayser. L’absorption de simples comprimés de vitamine C, par exemple, peut éteindre des états inflammatoires spécifiques, ponctuels et bénéfiques dans le cadre de l’activité physique.» Les experts sont unanimes: tout ou presque repose sur une alimentation équilibrée. Un levier pourtant pas si facile à ajuster lorsqu’on entame ou accentue la pratique sportive, comme le confirme Valérie Ducommun: «Activité physique et alimentation sont deux domaines hautement individuels pour lesquels de multiples paramètres sont à passer au crible. Lorsque la pratique sportive s’installe, des conseils personnalisés sont précieux pour ajuster les apports selon les besoins.»

7. Pour perdre du poids, l’idéal est-il de limiter les apports au moment de l’effort?

Surtout pas. «Au-delà du risque de blessures et de péjoration de la santé, le fait d’imposer à l’organisme une activité physique sans lui fournir des apports caloriques suffisants est contre-productif sur la balance, alerte Valérie Ducommun. Et pour cause: ressentant l’épreuve comme un stress, le corps bascule en mode "protection". Le métabolisme ralentit et les processus de stockage s’accentuent.» Que faire alors si l’objectif est de perdre du poids? «Ne pas abandonner l’activité physique, cruciale pour la santé dans son ensemble, mais surtout, corriger les erreurs alimentaires», alerte Maaike Kruseman. «Nous sommes ce que nous mangeons, insiste le Pr Kayser. L’activité physique ne peut à elle seule compenser les excès et les choix alimentaires néfastes.» Mais elle peut constituer un allié extrêmement puissant, tant pour le moral que pour la silhouette. Parmi les stratégies à explorer: «La pratique, le matin à jeun, d’une activité physique de basse intensité, un footing doux d’une trentaine de minutes par exemple, ou à l’inverse, dans la journée, des entraînements alliant séquences de haute et de basse intensité (comme le High Intensity Interval Training (HIIT)) peuvent être intéressants», illustre Valérie Ducommun. Des pistes à ajuster au cas par cas avec un professionnel du sport et/ou de la diététique.

Gare aux carences

Parce qu’elle bouscule (positivement) l’organisme et démultiplie les dépenses énergétiques, l’activité physique peut révéler ou générer des carences. À la clé, des symptômes tels que fatigue chronique, défaut de performance ou difficultés de récupération physique. Zoom sur quelques-uns des apports à surveiller de près, avec Maaike Kruseman, professeure au sein de la filière Nutrition et diététique de la Haute école de santé de Genève.

  • Vitamine B12. Systématique chez les personnes véganes, la carence en vitamine B12 résulte d’une alimentation exempte de produits d’origine animale.
  • Fer. Fréquente chez les femmes, souvent liée à des menstruations abondantes ou à une alimentation excluant la consommation de viande, la carence en fer peut aussi résulter d’une activité physique intense, incluant la course à pied ou des entraînements en altitude.
  • Calcium. Qu’il résulte d’une intolérance au lactose ou d’un rejet des produits laitiers, un apport insuffisant en calcium est à prendre en compte, en particulier en cas d’activité physique intense et lorsque l’âge s’installe, fragilisant la santé osseuse.
  • Vitamine D. Si une supplémentation systématique de la population reste soumise à controverse, la carence en vitamine D serait une réalité pour 50% des athlètes de haut niveau en Suisse. Les facteurs de risque: faible exposition solaire (celle-ci assurant 80 à 90% de l’approvisionnement en vitamine D) et maigres apports par le biais de l’alimentation (parmi les sources intéressantes: sardines, thon, avocat, œuf, etc.).

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Paru dans Le Matin Dimanche le 02/05/2021.

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