Bien dormir en été
Dormir à poings fermés, comme une masse, comme une marmotte. On en rêve tous. Un bon sommeil résulte d’un ajustement subtil entre différents paramètres: une fatigue suffisante, une hygiène de vie saine, un esprit serein, une literie confortable, un environnement extérieur agréable. Si l’été est la saison de tous les possibles, il n’est pas forcément propice à un bon sommeil, surtout en cas de forte chaleur. Pour comprendre comment la température extérieure influe sur la qualité du sommeil, il est bon de revenir sur les processus qui dictent sa survenue.
Vous prendrez bien un petit somme?
Elle n’est pas une perte de temps et encore moins une marque de fainéantise. La sieste est aujourd’hui reconnue à sa juste valeur. A savoir, comme une parenthèse qui peut être salutaire pour la santé. Déjà parce que ce petit coup de mou en début d’après-midi est commandé par notre horloge biologique. Ensuite, parce que de nombreuses études ont prouvé que ce moment de repos nous rendait beaucoup plus performant pour le reste de la journée.
En cas de forte chaleur, la sieste est d’autant plus bienvenue qu’elle permet de récupérer un sommeil nocturne insuffisant, en termes de quantité ou de qualité. Les gens du Sud l’ont bien compris. Après un petit somme, on est ainsi plus reposés et plus aptes à affronter les longues soirées d’été. Par contre, pour qu’elle soit profitable, elle doit être relativement courte. Idéalement, elle ne devrait pas durer plus de vingt à trente minutes. Cela est suffisant pour recharger les batteries. Dormir plus longtemps peut être contre-productif, en particulier chez les personnes en proie à des insomnies. Car pour pouvoir s’endormir le soir venu, il faut être suffisamment fatigué. De même, une sieste trop longue peut nous entraîner dans un sommeil trop profond dont aura de la peine à se sortir.
En tant qu’êtres humains, nous sommes homéothermes, ce qui veut dire que notre température interne doit rester relativement stable, sinon notre corps réagit, par différents mécanismes de thermorégulation, pour rétablir l’équilibre: les frissons pour se réchauffer, la transpiration pour se rafraîchir. Au cours de la journée toutefois, notre température corporelle connaît de légères variations, notamment le soir et tôt le matin. Celles-ci sont dictées par notre horloge biologique, située dans le cerveau, précisément dans le noyau suprachiasmatique.
Chute de la température centrale
Ainsi, au cours de la soirée, la température centrale chute, comme un signal que le corps envoie pour nous dire d’aller nous coucher. C’est le moment où on sort sa couverture ou enfile son gilet. Aussi, «plus cette chute est importante, plus l’endormissement est facile», explique le Dr Stephen Perrig, neurologue et médecin adjoint au Centre de médecine du sommeil des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). A l’inverse, le matin, la température centrale remonte, ce qui favorise le réveil. Mais quand il fait encore très chaud à la nuit tombée, on perd cette sensation de froid, qui est contrecarrée par la température extérieure, d’où un endormissement plus difficile.
Lorsqu’on dort, ces mécanismes de thermorégulation sont au repos. Or, «quand les nuits sont chaudes, ils doivent être réactivés, la transpiration étant nécessaire pour refroidir le corps, décrit le Dr José Haba-Rubio, neurologue et médecin associé au Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Le cerveau commande le réveil pour qu’ils puissent se remettre en action». Conséquences: le sommeil est plus léger, plus fragmenté, les réveils nocturnes plus nombreux, il y a moins d’épisodes de sommeil profond et de sommeil paradoxal. Autrement dit, on dort moins bien.
Idéalement, la température de la chambre à coucher devrait se situer entre 16 et 22°C, selon les préférences individuelles. Mais lorsqu’on glisse sous la couette, se produisent des échanges thermiques entre notre corps et le lit. S’installe ainsi un microclimat d’une température moyenne de 28 à 30°C. Notre couette abrite ainsi une niche thermique qui nous permet de dormir confortablement. Mais toute dérive de la température extérieure va perturber ces phénomènes.
Rafraîchir l’atmosphère
Que faire dès lors pour préserver son sommeil? Les mesures classiques sont de rigueur, à savoir, pour commencer, aérer la chambre au petit matin quand il fait encore frais et refermer fenêtres et volets ensuite. Créer des courants d’air, recourir à un ventilateur ou à un climatiseur le plus silencieux possible. «Ces appareils doivent être placés vers la tête du lit, la tête et le tronc étant les parties du corps qui recherchent le plus la fraîcheur», précise le Dr Perrig.
Pour rafraîchir l’atmosphère, on peut aussi mettre du linge à sécher ou placer un bol d’eau dans la chambre. Si possible, optez pour une literie perméable, qui permet les échanges de température, et choisissez pour les draps des textiles naturels, comme par exemple le lin. Afin de dissiper cette chaleur, on peut aussi se dévêtir, s’attacher les cheveux et si nécessaire, dormir seul, pour se prémunir de la chaleur dégagée par son partenaire. Il faut penser aussi à bien s’hydrater, puisqu’en cas de chaleur, on transpire plus, et veiller à des repas légers le soir, une alimentation trop riche pouvant fragiliser le sommeil. Le spécialiste des HUG recommande par ailleurs de rester souple dans son rapport au sommeil, c’est-à-dire ne pas dramatiser si l’on n’a pas ses huit heures de sommeil en continu et de compenser autrement (lire l’encadré).
Mieux dormir à l’avenir
Trois questions au Dr Stephen Perrig, médecin adjoint au Centre de médecine du sommeil des HUG.
Avec le réchauffement climatique, comment préserver le sommeil de la population?
Notre société doit évoluer par rapport à ses habitudes et prendre exemple sur les pays du Sud qui s’adaptent à l’environnement. Les horaires des magasins par exemple sont différés en été pour permettre à chacun de se reposer aux heures les plus chaudes. En Suisse, on a trop rigidifié l’expérience du sommeil, notre société étant basée sur le rendement et la discipline. Il est important de revenir aux besoins biologiques et d’adapter le monde du travail (télétravail, souplesse dans les horaires, etc.) pour que chacun puisse dormir suffisamment et dans de bonnes conditions.
L’espace dans lequel on vit doit-il aussi être repensé?
Une nouvelle vision de l’urbanisme tenant compte du réchauffement climatique a émergé depuis quelques années. Augmenter la circulation de l’air dans les villes, et sa qualité en introduisant davantage de verdure, sous la forme par exemple de murs végétaux, en ajoutant des fontaines, etc. Cela doit être couplé avec une nouvelle vision de l’architecture (agencement des bâtiments, des appartements, des chambres, mobilier, etc.). Ces réflexions existent, mais c’est aux citoyens de faire pression sur les politiques pour qu’elles soient appliquées rapidement.
La technologie peut-elle nous porter secours?
Oui, en Chine, il y a beaucoup de développements de ce côté-là. Il faut comprendre que durant la journée, on peut s’adapter à des températures élevées par différentes stratégies (aller à l’ombre, se baigner, etc.). Mais lorsqu’on dort, on est statique et donc plus soumis aux conditions de notre environnement. On peut s’attendre à une «gadgétisation» de la literie avec des ventilateurs ou rafraîchisseurs intégrés par exemple. Le risque étant toujours que seules les populations les plus riches bénéficient de ces améliorations.
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Paru dans le Quotidien de La Côte le 14/08/2019.
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