Somnolence au volant: apprendre à ne pas en être victime
Le transport est bien souvent un moment où nous compensons notre manque de sommeil. C’est souvent vrai dans les transports en commun, ce qui ne prête généralement guère à conséquence. La situation est bien évidemment très différente quand celui qui s’assoupit est au volant d’une voiture automobile.
Une enquête menée par l’Institut national français du sommeil et de la vigilance (INSV) vient de fournir sur ce thème une série de données précises qui mettent en lumière le déficit chronique de sommeil d’une fraction importante de nos contemporains1. Elle fournit aussi l’occasion aux spécialistes d’indiquer de quelle manière on peut remédier à cette situation potentiellement dangereuse quand elle concerne les conducteurs d’engins automobiles.
«Petit endormissement»
L’enquête établit qu’en France plus de 10% des personnes actives qui conduisent leur voiture automobile pour aller au travail ou en revenir déclarent avoir déjà somnolé au volant, au point d’avoir des difficultés pour conduire, voire d’être obligées de s’arrêter. Ce pourcentage augmente avec la distance à accomplir entre le domicile et le lieu de travail. Le risque d’un «petit endormissement» sur le trajet du travail est plus élevé parmi les 18-24 ans: ils sont près d'un sur cinq (18%) à s'être endormis en conduisant au moins une fois dans l'année.
Une large majorité de celles et ceux qui ont été victimes d’un épisode de somnolence au volant se sont ressaisis à temps: environ 93% disent avoir ouvert l’œil avant l’accident. Et 7% ont eu un accident mineur, sans dommages matériels ou corporels. Les hommes et les jeunes (18-24 ans) apparaissent en moyenne plus concernés. Et il apparaît clairement, sans surprise, que le risque de s’endormir au volant est augmenté chez celles et ceux qui dorment six heures ou moins par nuit. Les personnes actives disent s’être endormies plus souvent le matin (38%).
Pas assez de sommeil
Les endormissements ont eu lieu plus souvent (40%) sur de grands axes (autoroutes ou quatre voies). Mais aucun réseau routier n’est épargné:
26% se sont endormis sur une route nationale ou départementale à deux voies, 19 % sur une route secondaire et 15 % n’ont pu résister à l’envie de dormir même en ville.
Une personne sur trois justifie son endormissement en expliquant ne pas avoir assez dormi la nuit précédente. Une sur cinq incrimine des décalages horaires et autant font état de difficultés générales pour trouver le sommeil.
Ne pas accélérer
Près des trois quarts des conducteurs qui se sont endormis au moins une fois dans l’année déclarent utiliser au moins une méthode pour pallier le risque de somnolence ou d’endormissement. Il s’agit le plus souvent de faire des pauses lors de la conduite ou consommer du café ou des boissons énergisantes. La très grande majorité de ces conducteurs réagissent lorsqu’ils ressentent l ’arrivée d’une somnolence et le risque d’endormissement.
La plupart s’arrête sur une aire de repos ou passe le volant à une autre personne présente dans l’habitacle. Mais il faut aussi savoir que près d’un individu sur cinq augmente sa vitesse en espérant ainsi être plus «stimulés». Or, l’idée selon laquelle l’accélération de la vitesse stimulerait l’attention du conducteur est une idée fausse qui ne repose sur aucun élément objectif. Et, bien évidemment, augmenter sa vitesse ne peut qu’aggraver les conséquences d’un éventuel accident de la circulation.
20 % des accidents
Au-delà de cette enquête française, il faut savoir qu’à l’échelon international la somnolence au volant est maintenant reconnue comme un enjeu de santé publique, au vu des données des spécialistes de l’accidentologie. On estime en effet que 20% des accidents de la circulation sont en rapport avec une forme d’endormissement au volant. Ce qui est une proportion considérable.
Ces endormissements peuvent être d’origine comportementale (privation de sommeil) mais aussi pathologique (maladies induisant une somnolence diurne). Ils peuvent aussi être la conséquence de la prise de médicaments agissant sur le système nerveux central (médicaments psychotropes). Souffrir d’une restriction de sommeil et conduire la nuit (notamment entre 2 et 5 heures du matin) sont également des éléments majeurs de risque de survenue d’accident.
Benzodiazépines
Les maladies les plus fréquemment concernées sont le syndrome d’apnées du sommeil, la narcolepsie et certaines maladies neurologiques. Parmi les médicaments pouvant causer des somnolences, les benzodiazépines sont le plus fréquemment incriminées. Toutefois, des molécules de type antihistaminiques peuvent être directement associées à la survenue d’accidents de la circulation.
Une stratégie globale de réduction de ce type d’accident nécessite une véritable approche médicale avec une analyse de l’hygiène du sommeil, un diagnostic clinique et une évaluation de la dose et de la durée de prise des médicaments psychotropes.
Un plan pour dormir
Les études ayant évalué l’impact des traitements améliorant la vigilance sur l’accidentologie routière montrent qu’un enseignement de la médecine du sommeil plus largement étendu au corps médical pourrait significativement améliorer la lutte contre la violence routière.
La fréquence de ces phénomènes vient rappeler toute l’importance que chacun doit accorder à l’hygiène de son sommeil. Et, plus généralement, l’importance qu’il y a à mettre en place un véritable plan de soins accordés à la qualité de son sommeil.
1. Les résultats de cette enquête sont disponibles ici. L’institut national français du Sommeil et de la vigilance (INSV) est une association fondée en 2000 sous l’impulsion de la Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS), qui regroupe l’ensemble de la communauté sommeil: société savante, associations de patients et professionnels de santé. Le but de l’INSV est de promouvoir le sommeil et ses pathologies comme une composante de santé publique. A ce titre, il sensibilise, informe et éduque sur les troubles du sommeil et de la vigilance.