Mécaniciens sur sportifs
EXPERTS
Un travail d’équipe
Une salle en longueur, claire et ensoleillée, nous sommes à Cressy Santé, dans l’Unité d’orthopédie et traumatologie du sport (UOTS) des Hôpitaux universitaires de Genève. Le docteur Stéphane Borloz et la physiothérapeute Suzanne Gard (photo) y accueillent ce matin un sportif pour une séance de rééducation. «La collaboration est la pierre angulaire de l’activité de la médecine physique et de réadaptation, explique le médecin. Nous formons un cercle autour du patient avec des physiothérapeutes, des physiologistes du sport, des chirurgiens orthopédistes, des cardiologues, des nutritionnistes, des ergothérapeutes et autres spécialistes.»
Une récupération très progressive
L’UOTS a beau passer en revue la santé des joueurs du Genève Servette Hockey Club chaque année, neuf personnes sur dix qui la consultent sont des sportifs amateurs. Ils viennent ici faire un bilan médicosportif (en vue d’un objectif précis comme un marathon ou avant de se remettre au sport), bénéficier d’une consultation médicale spécialisée ou accomplir une rééducation après une blessure.
C’est le cas de Yannick Bertrand, 32 ans (photo). Descendeur dans l’équipe de France de ski, il s’est déchiré les ligaments croisés du genou gauche en fin de saison. Opéré il y a quatre mois, il a pu très progressivement réutiliser son articulation et commencer une rééducation spécifique.
Au début de la séance, on le retrouve debout sur un pied. Il étend son autre jambe dans toutes les directions sur un cercle gradué. Une manière de «mesurer» sa récupération, tant physique que psychologique. Stable, «le genou ne part pas aux fraises». Le docteur Borloz apprécie l’évolution.
L’importance de respecter le plan de traitement
En équilibre sur un gros ballon, Yannick Bertrand fait passer un medicine ball de 4 kg de chaque côté de son torse. L’exercice impressionne: pour ne pas tomber, il exige une maîtrise de chaque muscle et une parfaite conscience de la position de son corps.
«Les sportifs professionnels se connaissent si bien qu’ils travaillent seuls selon un programme préétabli, en dehors des séances», explique Suzanne Gard. Pour autant, des bilans réguliers permettent d’une part de mesurer les progrès de la rééducation, et d’autre part de «montrer à l’athlète ses limites actuelles. Cela permet d’éviter une reprise trop précoce et le risque d’une nouvelle blessure», insiste le Docteur Borloz. D’expérience, la plupart des pros respectent le plan de traitement établi, ce qui n’est pas toujours le cas des amateurs. Après son opération, Yannick Bertrand n’a pas posé le pied gauche par terre pendant un mois à la demande de son chirurgien.
Retrouver la confiance en son corps
Le sportif continue les exercices. Après un passage en équilibre sur un plan instable, il doit, en sautant sur un seul pied et sans toucher le sol passer d’une structure vacillante à une autre. Un redoutable test de la confiance qu’il porte dans son genou opéré. L’occasion aussi d’observations précises de la récupération pour le médecin. Qui les compare ensuite au ressenti du patient. «La perception que l’on a de son corps peut être faussée après un traumatisme. Le cas échéant, il faudra la travailler.»
La rééducation: aussi compliquée pour un pro que pour un amateur
En l’occurrence, après quatre mois, le genou du skieur est presque remis, tout au plus faudra-t-il remuscler sa jambe. Pour autant, l’idée que les champions guérissent plus vite que les simples mortels est fausse. Certes, on peut suivre des protocoles de rééducation dit «accélérés», mais c’est en prenant appui sur le travail de musculation effectué avant la blessure et, surtout, en capitalisant sur les exercices quotidiens qu’effectuera le sportif de haut niveau dont l’entraînement est l’activité principale.
Avoir un objectif est important
Le jour où a lieu la séance, Suzanne Gard revient tout juste des Jeux Olympiques de Londres où elle a travaillé à la Polyclinique, un hôpital temporaire pour les athlètes. Les exercices d’étirement et de mobilisation qu’elle réalise avec Yannick Bertrand permettent de cibler des muscles bien précis. Au prix, parfois, d’une certaine douleur. Le plan d’une rééducation comporte toujours un objectif. Ici, il s’agit de débuter la saison de ski fin novembre à Lake Louise au Canada. Pour le moment, il est encore trop tôt pour remonter sur des skis mais tout est mis en œuvre pour que le Français parvienne à son but. Nous le quittons pour poursuivre la visite du centre de Cressy (qui accueille aussi des bains ouverts au public). Une heure plus tard, nous recroisons le skieur qui pratique des exercices conseillés lors de la séance. Après quarante minutes de vélo, «pour se délasser».