Particules fines: de quoi s’agit-il?
Les alertes à la pollution aux particules fines, les PM10 ou PM 2,5, se multiplient un peu partout dans le monde. En mars dernier, c’est dans l’air du Plateau suisse qu’on les trouvait en surabondance, et aussi plus loin, à Paris notamment. Mais de quoi s’agit-il exactement?
L’abréviation PM vient de l’anglais Particulate Matter, signifiant «particules». Les particules fines sont des micro-particules en suspension dans l’air intérieur ou extérieur. «Ces polluants se différencient tant par leur composition chimique que par leur taille», explique le Pr Thierry Rochat, pneumologue aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et directeur de l’étude de cohorte suisse «SAPALDIA» sur la pollution atmosphérique et les maladies respiratoires chez l’adulte. Les particules fines comportent en effet un grand nombre de composés chimiques, dont certains très nocifs, tels les infimes particules de suie, cancérogènes, qui contiennent elles-mêmes d’autres substances toxiques, comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).
Ces HAP sont issus des processus de combustion partielle du bois, du carburant au diesel notamment, du charbon, du mazout ou du tabac. Ils se lient aux particules de suie et se répandent ainsi dans l'air ambiant.
Plus petites, plus nocives
Plus les particules sont fines, plus elles sont dangereuses, pouvant pénétrer l’organisme profondément. On distingue ainsi:
Une situation inquiétante
Neuf citadins sur dix vivent dans une ville à l’air chargé en particules fines. Mais quels en sont les risques? Peut-on les prévenir?
Réponses dans notre dossier Particules fines: les risques à court et long terme
- Les particules ultrafines, dont le diamètre est inférieur à 0,1 μm ou 100 nanomètres. Dans le domaine des nanotechnologies, on les appelle aussi «nanoparticules». Mais dans le domaine de la pollution atmosphérique on préfère le terme de particules ultrafines.
- Les particules fines ou PM2,5, au diamètre inférieur à 2,5 μm, qui incluent les particules ultrafines. Elles peuvent pénétrer profondément dans les poumons et dans le sang à travers leurs alvéoles.
- Les PM10, au diamètre inférieur à 10 μm –à titre de comparaison, un cheveu mesure entre 50 à 150 μm. Ces particules entrent dans l’organisme par les voies respiratoires (nez, bronches). Elles incluent les PM2,5 et les particules ultrafines. En Suisse, en moyenne, environ 75% des PM10 sont constituées de PM2,5.
Les causes du smog hivernal
Normalement, les particules sont évacuées naturellement par le brassage de l’air, de bas en haut. Cette évacuation ne peut se faire lors de certaines conditions atmosphériques, en particulier en cas d’inversion des températures provoquée par un temps froid et couvert en plaine et ensoleillé en altitude. Dès lors, le couvercle nuageux empêche l’évacuation naturelle de la pollution.
En parallèle, certaines sources de cette pollution, telles les installations de chauffage, les cheminées, etc., fonctionnent à plein régime durant la saison d’hiver, chargeant davantage l’air ambiant. D’où le smog hivernal.
Quelques sources d’émission de PM10 en chiffres
A titre d’exemple, 1 kg de PM10 est émis par:
- 50 kg de broussailles mal séchées incinérées en plein air
- 1000 kg de bois brûlé dans une cheminée
- 3000 km parcourus en camion
- 30000 kg d’ordures ménagères incinérées dans une usine d’incinération
- 100000 kg de mazout brûlé dans une installation de chauffage
Origine naturelle et humaine
Les particules fines sont d’une part issues de la nature –poussières, pollens, irruptions volcaniques, érosion par les vents, transformations chimiques dans l’atmosphère, etc. D’autre part, elles résultent des activités humaines: trafic automobile, moteurs diesel, installations de chauffage (à bois en particulier), usines d’incinération des ordures ménagères, feux de cheminées, feux de plein air, travaux agricoles (engrais), chantiers, etc.
L’installation de filtres à particules sur les véhicules et les installations de chauffage à bois notamment permettent de réduire les émissions les plus nocives, telles les suies.
Les scooters, principaux pollueurs
Une étude dirigée par l’Institut Paul Scherrer à Villigen (AG) vient de mettre en évidence que les scooters munis d’un moteur à deux temps émettent particulièrement de grandes quantités de particules fines. C’est même le principal émetteur dans les pays, où ces deux-roues sont un moyen de transport très répandu.
Valeurs limites des PM 10 et PM2,5
Les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de qualité de l’air ambiant déterminent des valeurs limites maximales de concentration de PM à ne pas dépasser:
- PM2,5: 25 μg/m3 d’air en moyenne journalière, 10 μg/m3 en moyenne annuelle.
- PM10: 50 μg/m3 en moyenne journalière, 20 μg/m3 en moyenne annuelle.
A titre indicatif, un adulte au repos respire en moyenne 15 m3 d'air par jour.
La Suisse fixe les mêmes valeurs pour les PM10 dans l’Ordonnance fédérale sur la protection de l’air (OPair). La Commission fédérale pour l’hygiène de l’air recommande d’inscrire également les valeurs limites pour les PM2,5 dans cette ordonnance (lire encadré ci-dessous). Bien que notre pays respecte actuellement la moyenne annuelle de 20 μg/m³ pour les PM10, les teneurs en PM2,5 continuent en effet de dépasser de 50% les valeurs recommandées par l’OMS.
Mesures en cas de dépassement des valeurs
La Conférence suisse des directeurs des travaux publics, de l'aménagement du territoire et de l'environnement (DTAP) a établi un Concept intercantonal d’intervention PM10 définissant les mesures à prendre selon le niveau de concentration de PM10.
Il stipule qu’un avis d’information donnant des conseils préventifs à la population doit être émis dès qu’une concentration supérieure à 75 μg/m3 d’air est enregistrée sur trois stations de mesure, dans deux cantons romands différents, et lorsque les prévisions météorologiques indiquent que ce pic de pollution de l’air risque de se prolonger au moins trois jours. Et si tel est le cas, dès le seuil de 100 μg/m3 atteint, les autorités peuvent prendre des mesures contraignantes pour la population, par exemple des limitations de la vitesse pour les véhicules à moteur, ou encore la gratuité des transports publics.
La Suisse doit s’aligner sur les valeurs limites de l’OMS
Suite à l’étude «Les poussières fines en Suisse 2013», menée par la Commission fédérale de l’hygiène de l’air (CFHA), et aux vues notamment des récentes études sur les effets nocifs avérés de cette pollution sur la santé –hausse de la mortalité et des cancers notamment–, ses experts ont recommandé d’introduire dans l’Ordonnance sur la protection de l’air (OPair) une valeur-limite spécifique pour les PM2,5. Et d'ancrer la valeur moyenne sur une année de 10 μg/m3 d'air recommandée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Actuellement, la Suisse n’applique que les valeurs limites pour les PM10.La Commission a en effet constaté qu’en dépit des progrès réalisés au cours des vingt dernières années en matière de qualité de l’air en Suisse, les valeurs limites de concentration des particules fines PM2,5 sont toujours dépassées.
L’Ordonnance fédérale sur la protection de l’air (OPair) exige que les cantons mettent en œuvre un plan de mesures d’assainissement lorsque les valeurs limites d’immission (VLI) sont ou risquent d’être dépassées. Les experts ont également recommandé de définir un objectif contraignant pour les cantons, visant à réduire d’ici dix ans les concentrations de suies cancérogènes à 20% des valeurs actuelles. Cela notamment en limitant davantage les émissions des véhicules et machines à moteurs diesel et des chauffages à bois –principaux responsables de la charge en poussières fines– et en interdisant les feux en plein air, tout comme l’utilisation de cheminées à des fins de chauffage domestique.
Les cantons sont par ailleurs tenus d’élaborer des plans cantonaux de mesures contre la pollution de l’air. Jusqu'à présent, 25 cantons ont établi un tel plan. L’Office fédéral de l’environnement a publié une liste actualisée de ces plans cantonaux en février 2014 (à consulter ou télécharger sur son site).
Bonne nouvelle toutefois : selon une étude de l’Office fédéral de l’environnement, la Confédération s'attend à un nouveau recul des particules fines de 15% d'ici 2020 sur le territoire suisse.