Stimuler le nerf vague pour lutter contre l’inflammation
Le nerf vague, c’est quoi?
Il s’agit d’une paire de nerfs crâniens constituée à 80% de fibres nerveuses sensorielles qui transmettent les informations de nature chimique, mécanique et thermique issues de nos organes internes jusqu’au cerveau. Les fibres restantes, elles, font le chemin inverse en véhiculant des commandes issues de notre cerveau à destination de l’ensemble de nos viscères. Ainsi, le nerf vague aide à la récupération physiologique en favorisant le sommeil, le calme émotionnel, le bon fonctionnement digestif et immunitaire. Il est donc impliqué dans l’adaptation à notre environnement et plus largement dans notre santé.
Sensations de satiété, de douleur, augmentation du rythme cardiaque, sécrétions des glandes… Sans que nous ne nous en rendions compte, le système nerveux autonome échange constamment des informations et des commandes entre le cerveau et les différents organes du corps, comme le cœur, le poumon et les intestins. Au sein de ce système: le nerf vague, qui fait partie du système de régulation parasympathique et dont l’activité est prédominante quand nous sommes au repos.
Une fonction essentielle du nerf vague est la régulation de l’état inflammatoire de l’organisme. En agissant sur le système immunitaire, il permet d’empêcher un emballement inflammatoire.
Récemment, une technique appelée neurostimulation du nerf vague a été proposée pour exploiter ses propriétés anti-inflammatoires. À l’aide d’un neurostimulateur, elle consiste à stimuler les fibres du nerf vague pour en renforcer son activité. Cette méthode pourrait être utilisée dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques, des troubles fonctionnels et des douleurs chroniques. Dans le cas de la maladie de Crohn et de la polyarthrite rhumatoïde, des études pilotes ont montré l’efficacité de la neurostimulation vagale. Celle-ci pourrait aussi prévenir et réduire les effets liés au stress, comme les états de stress post-traumatiques ou le burn-out, voire limiter les effets secondaires de traitements médicamenteux. «Nous nous intéressons de près à la prévention des troubles physiques et mentaux liés au stress chronique, et dans le cadre des pathologies chroniques, aux rechutes inflammatoires et au prolongement des périodes de rémission. Toutefois, les essais thérapeutiques dans ce domaine sont encore peu nombreux », constate Sonia Pellissier, physiologiste à l’Université Savoie Mont-Blanc.
Émotions, nerf vague et inflammation: un lien étroit
De nombreuses études mettent par ailleurs en évidence un lien entre le niveau d’activité du nerf vague et notre état émotionnel. «Lorsque nous sommes dans un état de calme intérieur et que nous ressentons des émotions de gratitude ou de compassion, l’activité du nerf vague est à son plus haut niveau, explique Sonia Pellissier. Il agit notamment sur notre rythme cardiaque en le faisant ralentir: c’est ce qu’on appelle le frein vagal». Sans lui, notre rythme cardiaque de repos s’élèverait à 100-110 battements par minute au lieu des 50-90 en temps normal.
Au contraire, lorsque nous ressentons de la peur ou en cas de stress, l’activité du nerf vague diminue très rapidement. Avec l’action combinée du système sympathique (opposé au système parasympathique), cela fait augmenter le rythme cardiaque. De plus, comme le stress inhibe l’activité du nerf vague, il l’empêche d’exercer son pouvoir anti-inflammatoire.
En temps normal, une fois un événement stressant surmonté, le nerf vague reprend le relais afin d’assurer la récupération au niveau du corps et du mental. Mais dans certains troubles émotionnels, comme la dépression ou l’anxiété, on observe un effondrement de l’activité vagale.
Le stress et les émotions jouent également un rôle dans l’initiation et l’aggravation de certaines maladies, comme le syndrome de l’intestin irritable, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et la polyarthrite rhumatoïde. Dans ces maladies, on observe souvent des anomalies dans la communication entre le cerveau et l’intestin.
Renforcer soi-même son nerf vague
Même sans implant neurostimulateur, il est possible de stimuler son nerf vague soi-même. «Toutes les techniques permettant de lutter contre les effets du stress ont potentiellement un effet sur l’activité du nerf vague», précise Sonia Pellissier. C’est le cas par exemple de la cohérence cardiaque. Elle permet la régulation du rythme cardiaque par le biais d’une respiration lente et contrôlée d’environ six cycles inspiration-expiration par minute. Le but est d’augmenter la variabilité du rythme cardiaque pour améliorer le tonus vagal (lire encadré) et, au final, le «tonus» anti-inflammatoire. D’autres techniques comme la méditation de pleine conscience, la sophrologie ou l’hypnose permettent d’atteindre cet objectif.
La stimulation du nerf vague est prometteuse et les cibles potentielles de régulation de l’inflammation multiples. Il reste toutefois encore à déterminer les conditions de pratique pour atteindre un renforcement vagal optimal et des essais thérapeutiques pour valider ces méthodes. C’est sur quoi travaillent actuellement Sonia Pellissier et ses collaborateurs.
Mesurer le tonus vagal
Un bon tonus vagal est associé à une bonne santé générale. Les scientifiques ont la possibilité de le mesurer indirectement au travers de l’activité des viscères qui sont innervés par le nerf vague. La méthode la plus utilisée consiste en l’enregistrement continu d’un électrocardiogramme sur plusieurs minutes, voire plusieurs heures. La variabilité du rythme cardiaque enregistré reflète l’activité du nerf vague. En effet, au moment de l’expiration, le nerf vague augmente son activité et fait ralentir le rythme cardiaque. Au contraire, à l’inspiration, l’activité du nerf vague est réduite et le rythme cardiaque accélère. Ainsi, plus l’écart entre le rythme cardiaque instantané à l’inspiration et à l’expiration est grand, plus le niveau d’activité du nerf vague est élevé.