Un épuisement extrême et inexpliqué
On se traîne. On se sent au bout du rouleau. Le moindre effort – préparer un repas ou même parfois simplement tenir une tasse de café – exténue. On souffre vraisemblablement du syndrome de fatigue chronique (SFC). Cette intolérance systémique à l’effort, comme on l’appelle aussi, se manifeste par divers symptômes, notamment des douleurs à la tête, à la gorge et au ventre, des troubles du sommeil, des vertiges, des difficultés à se concentrer, etc. Mais ce qui prédomine dans cette affection, qui touche surtout les adolescents et les adultes de 30 à 40 ans, c’est l’épuisement permanent.
Bien qu’il soit reconnu depuis 1969 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce syndrome fait encore l’objet de controverses. Il est vrai que la fatigue est une notion subjective qu’il est impossible de mesurer avec précision. En outre, «on a beau soumettre les patients à de multiples analyses et leur faire de nombreux examens, on ne trouve rien», souligne le Pr Bernard Favrat, médecin-cadre au Département vulnérabilité et médecine sociale d’Unisanté. Il n’existe pas de marqueur biologique qui servirait de signature au SFC et qui permettrait de poser le diagnostic de manière fiable. C’est pourquoi nombreux sont celles et ceux, y compris dans le corps médical, qui considèrent que tout se passe «dans la tête» des personnes concernées. «Pour elles, c’est très dur à vivre», constate le médecin d’Unisanté. Aux difficultés qu’elles doivent affronter dans toutes leurs activités – professionnelles, familiales, sociales – s’ajoute en effet une non-reconnaissance du mal dont elles souffrent.
Pourtant, si l’on se fonde sur des études épidémiologiques faites aux États-Unis et qu’on les rapporte à la population suisse, notre pays compterait «autant de personnes souffrant de syndrome de fatigue chronique que de patients infectés par le virus du sida», selon Bernard Favrat.
Reconditionnement physique
Les causes du SFC sont encore très mal connues. «Il y a probablement des facteurs génétiques et d’autres liés au vécu des individus qui prédisposent au développement du syndrome, explique le Pr Favrat. Puis vient un élément déclencheur, qui peut être une infection bactérienne ou virale ou encore un choc émotionnel. Cela pourrait engendrer un dysfonctionnement du système immunitaire, peut-être aussi de certaines fonctions hormonales, ou encore du système nerveux autonome (nerf vague en particulier). Mais ce n’est encore qu’une théorie.»
La prise en charge actuellement proposée consiste en une thérapie cognitivo-comportementale associée à un reconditionnement très progressif à l’effort. «Il faut fixer aux patients des objectifs atteignables – pour certains cela peut être simplement de faire le tour de leur maison –, car un effort trop poussé peut aggraver la situation et rendre le remède pire que le mal», souligne le médecin. Il est aussi recommandé aux personnes concernées d’adopter une bonne hygiène de sommeil. Toutefois, «les progrès restent modérés et, globalement, on estime que seul un tiers des patients voient leur qualité de vie s’améliorer».
_______
Paru dans le hors-série «Votre santé», La Côte/Le Nouvelliste, Novembre 2021.