Chasser la fatigue
Nous en avons tous fait l’expérience: après un effort physique ou intellectuel intense, la fatigue nous envahit et nous n’avons plus envie de rien faire. C’est aussi le cas lorsque, après avoir connu des moments très stressants –des jours de travail intensif ou la préparation et le passage d’un examen– nous prenons enfin des congés. Peut-être parce qu’après avoir produit de grandes quantités d’hormones du stress (en particulier le cortisol), notre organisme se trouve soudain «en manque». Quoi qu’il en soit, la fatigue est une réaction normale du corps. Cette «bonne fatigue» nous incite à nous reposer. Après quelques heures de pause ou une nuit de sommeil, nous nous sentons frais et dispos, prêts à redémarrer nos activités quotidiennes. En revanche, quand un tout petit effort nous laisse sur le tapis, que l’on se met à bailler à la moindre occasion, que l’on s’ennuie en écoutant un orateur qui en temps normal nous aurait passionné, que l’on n’arrive plus à se concentrer, etc., il ne s’agit plus d’une saine réaction normale. La fatigue prend un tout autre tour et elle est considérée comme non physiologique. C’est le cas lorsqu’il existe un décalage entre une tâche ou une activité donnée et l’effort qu’il faut déployer pour l’accomplir. Elle se manifeste alors par une sensation d’éreintement accompagnée d’une perte d’énergie et d’élan vital. La fatigue, qui n’est pas une maladie, devient alors un symptôme. Un individu sur cinq est concerné.
De multiples facettes
Cette fatigue non physiologique est dite «récente» lorsqu’on l’éprouve depuis un mois, «prolongée» lorsqu’elle dure depuis un à six mois et «chronique» lorsqu’elle perdure au-delà de six mois. Elle peut aussi se manifester de manière courte, dans des conditions ou situations particulières (on la qualifie alors d’aiguë ou de subaiguë), ou tout le temps. Elle peut être physique, psychique, cérébrale ou émotionnelle et, dans certains cas, devenir invalidante. On estime en effet que dans environ un tiers des cas, la fatigue est liée à un problème somatique (physique), que dans un autre tiers elle est associée à des troubles de l’humeur, et que dans les autres cas elle provient de causes non identifiées sur le plan médical. Fréquente dans la population, la fatigue cache rarement une maladie sous-jacente et encore moins une pathologie grave. Mais il ne faut pas pour autant la banaliser. Certains signes doivent inciter à consulter un médecin: manque de vitalité, mauvaises nuits de sommeil, perte d’appétit ou au contraire tendance à manger plus, troubles digestifs, douleurs osseuses ou articulaires inhabituelles, maux de tête, transpiration abondante la nuit, ou encore troubles de l’humeur, épisode dépressif ou burnout.
Lors de la consultation, le médecin retracera l’histoire médicale de la personne concernée tout en l’interrogeant sur son mode de vie. Puis il procédera à un examen clinique: tension artérielle (pour rechercher une éventuelle hypotension provoquée par des médicaments), palpation des artères temporales (qui sont souvent douloureuses dans les maladies inflammatoires) ou diverses articulations (qui peuvent être douloureuses dans certaines maladies rhumatismales). Viennent ensuite les prises de sang suivies, si le besoin s’en fait sentir, par d’autres examens et investigations.
Des moyens de la dissiper
Lorsque la cause de la fatigue est identifiée, un traitement peut dans certains cas être mis en place. Une carence en fer ou une hypothyroïdie peuvent être soignées relativement aisément à l’aide, dans le premier cas, d’un changement d’alimentation, de médicaments appropriés ou d’un apport de fer et, dans le second, d’hormones thyroïdiennes. Il est par contre plus difficile de venir à bout de la fatigue lorsqu’elle est due à une maladie sous-jacente (polyarthrite rhumatoïde, troubles du sommeil, inflammations et infections chroniques, sclérose en plaques, cancers). Néanmoins, dans de nombreux cas, le seul fait de traiter la maladie et/ou ses symptômes permet de diminuer le sentiment d’épuisement. Il peut aussi être utile par ailleurs de regarder de près les médicaments prescrits qui peuvent occasionner de la fatigue. Lorsque celle-ci est d’ordre psychique (dépression, anxiété, addiction), des thérapies cognitivo-comportementales, parfois associées à des traitements médicamenteux, permettent de la soulager. Quant à l’épuisement dû au burnout, son traitement consiste essentiellement à modifier l’environnement professionnel de la personne concernée.
Retrouver de l’énergie
De manière générale et sans contre-indication médicale pour des pathologies spécifiques, le seul remède réellement efficace est l’activité physique, excellente pour la santé physique et psychique. Il s’agit simplement de bouger –de marcher par exemple ou, dans la mesure de ses moyens et de ses forces, de pratiquer un sport d’endurance. Et cela, quel que soit son âge. L’activité physique est bonne pour le cœur et les poumons, notamment. Elle est profitable pendant et après un traitement anticancéreux dont elle diminue les effets indésirables, parmi lesquels la fatigue. Elle permet aussi de mieux lutter contre le stress, la dépression et l’anxiété, ce qui, indirectement, est de nature à soulager l’épuisement. Elle améliore enfin le sommeil.
Pour prévenir la fatigue ou éviter qu’elle ne nous submerge, il est également important d’avoir une bonne hygiène de vie (alimentation saine, consommation d’alcool modérée, ne pas fumer). Il est aussi nécessaire d’adopter de bonnes habitudes de sommeil (lever et coucher tous les jours à heures fixes, limiter l’usage de somnifères). Il est important enfin de s’exposer régulièrement à la lumière, afin de «mettre à l’heure» son horloge biologique et de lutter contre la dépression.
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* Adapté de J’ai envie de comprendre… La fatigue, d’Elisabeth Gordon et Gérard Waeber, Éd. Planète Santé, 2021.