Perdre du muscle avec l’âge: une menace pour l’autonomie
Avec l’âge, notre corps subit de nombreuses transformations, en particulier un changement dans sa composition: davantage de graisse, moins de muscles. Il s’agit d’une évolution normale liée au vieillissement. Cependant, au-delà d’un certain seuil, cette situation risque d’entraîner une diminution de la force musculaire qui peut avoir de fâcheuses conséquences, limitant certains gestes de la vie quotidienne et augmentant le risque de chutes. A terme, c’est l’indépendance de la personne âgée qui est alors menacée.
Un grand syndrome gériatrique
Cette diminution de la masse et par conséquent de la force musculaire liée à l’âge porte un nom: la sarcopénie. Il n’est pas simple pour autant de la diagnostiquer, ni de déterminer avec pertinence à quel stade cette manifestation du vieillissement devient problématique.
Si vous êtes âgé de 65 ans ou plus, il est possible que votre médecin aborde avec vous l’état de votre capital musculaire et vous propose quelques tests dans son cabinet. Selon votre poids et votre taille, vous pouvez être plus ou moins à risque de développer une sarcopénie, dont les symptômes seront par exemple plus manifestes en cas d’important surpoids.
Pour définir un degré de perte musculaire excédant la normale, un praticien peut en quelque sorte faire usage de sa «calculette», afin de mesurer un indice de masse squelettique appendiculaire (c’est-à-dire la musculature des membres supérieurs et inférieurs). Cette mesure prend en compte la masse musculaire des membres et la taille. Pour cela, il utilisera un appareil à rayons X spécialement étudié à cet effet.
Si la masse musculaire a son importance, la force et la puissance musculaires sont des indices encore plus utiles pour déterminer une diminution des capacités physiques susceptible d’avoir des conséquences indésirables. Pour obtenir des critères diagnostiques plus solides, des experts européens ont mis en commun leur expérience et ont défini la sarcopénie comme un grand syndrome gériatrique, au même titre que l’ostéoporose. Un lien est ainsi clairement établi entre la perte de force et de masse musculaire et des conséquences telles que le handicap physique, une altération de la qualité de vie, voire un risque accru de décès.
Evaluation de la marche et de l’équilibre
Vitesse de marche et force de préhension sont autant de critères pris en compte dans diverses recherches visant à préciser les contours de la sarcopénie et les risques qu’elle entraîne. Il s’agit là de mesures complexes dont les résultats ne sont pas toujours simples à interpréter.
Parallèlement, il existe des dépistages cliniques plus concrets et plus directement liés aux activités physiques de la vie quotidienne.
C’est le cas d’un outil fonctionnel tel que le «Short Physical Performance Battery» qui comprend un test d’équilibre, un test de vitesse de marche, et un test de lever de chaise. Un médecin soumettant son patient à ce test lui demandera de maintenir sa position debout, en équilibre, avec les pieds côte à côte, puis décalés, et enfin l’un derrière l’autre. Tenir 10 secondes dans la troisième position apporte quatre points, soit le maximum. Le test de vitesse de marche mesure le temps nécessaire pour effectuer quatre mètres à une vitesse de marche confortable. Au-dessous de cinq secondes, le test vaut aussi quatre points. Enfin, le test de lever de chaise consiste à se lever de sa chaise cinq fois de suite, aussi vite que possible, sans l’aide des bras: quatre points pour un résultat au-dessous de onze secondes. Cette batterie de trois tests permet de définir, selon le score total, un niveau faible, intermédiaire ou élevé de performance physique.
D’autres tests simples consistent à monter dix marches d’escalier le plus rapidement possible, ou encore à se lever d’une chaise, faire trois mètres et se rasseoir aussi vite que possible.
Un questionnaire permet également de faciliter un diagnostic de sarcopénie et les conséquences que peut avoir la maladie. Il est demandé au patient s’il a des difficultés pour lever et transporter cinq kilos, pour marcher dans une pièce, pour se lever d’une chaise, pour monter dix marches d’escalier, et combien de fois il est tombé dans l’année écoulée.
Diagnostiquer, dépister, mais aussi prévenir
Au vu de la prévalence de la sarcopénie dans la population vieillissante –jusqu’à 5% chez l’homme et 13% chez la femme, un taux qui peut tripler en milieu institutionnel– on comprend mieux l’importance d’un diagnostic toujours amélioré pour une maladie dont on parle moins que de l’ostéoporose, mais qui entraîne elle aussi un risque accru de chutes, de fractures, de perte de mobilité et d’autonomie.
Mieux dépister la sarcopénie représente donc un gage de qualité de vie jusqu’à un âge avancé. Il s’agit aussi, en amont, de mieux la prévenir, notamment par une alimentation équilibrée et une activité physique régulière, tous deux garants d’un bon maintien de la masse musculaire.
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Référence
Adapté de «Définition et évaluation de la sarcopénie au cabinet», Dr Andrea Trombetti, Service des maladies osseuses, HUG. In Revue Médicale Suisse 2015:11:651-6, en collaboration avec l’auteur.