La canicule cause déshydratation, coups de chaleur et insomnies
La chaleur gêne, fatigue, énerve. Elle peut aussi tuer. Lors de la canicule de 2003, on a compté 70 000 décès supplémentaires en Europe par rapport à la normale. Depuis, les autorités ont développé des plans canicule pour éviter une nouvelle hécatombe. Mais, en pratique, comment éviter le pire?
Le coup de chaleur
Le coup de chaleur est une forme extrême d’hyperthermie, autrement dit une situation où le corps n’arrive plus à maintenir la température en dessous de 37,7 degrés. Il résulte d’«un déséquilibre entre la quantité de chaleur que le corps subit et sa capacité à la dissiper», explique le professeur Lucas Liaudet du service des soins intensifs du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Au-delà d’un certain seuil, le coup de chaleur peut être mortel et sa prise en charge représente une urgence vitale.
«Dans les cas graves, la température peut atteindre plus de 40 degrés et des troubles neurologiques se manifestent, comme un état de confusion, des hallucinations, une perte de conscience, voire une crise d’épilepsie, décrit le médecin. Lors de hautes températures, le coup de chaleur touche les personnes qui n’ont pas la capacité de s’adapter, poursuit le spécialiste. C’est-à-dire surtout les personnes âgées et les jeunes enfants.»
Pour rappel, «nous sommes des animaux qui doivent garder une température constante, poursuit le professeur Liaudet. Si elle monte trop et trop longtemps, nos processus cellulaires sont touchés. Certaines protéines se dégradent, en premier lieu dans le cerveau, ce qui explique l’apparition de troubles neurologiques. Le stress que connaît le corps produit ensuite une inflammation excessive qui a un impact sur le fonctionnement de l’ensemble des organes. La coagulation du sang peut aussi se déséquilibrer: des caillots sanguins se forment dans différents organes. Sans soins, on risque le décès.»
Si une personne est victime d’un coup de chaleur, il faut contacter le 144 ou les secours sur place puis la refroidir aussi vite que possible en enlevant ses habits, en la mettant à l’abri de la chaleur et en humidifiant son corps, par exemple avec des vêtements mouillés. Si elle est consciente, il faut aussi lui donner à boire. Le recours sans avis médical à des médicaments (type paracétamol ou aspirine) est inutile, voire dangereux. Une fois à l’hôpital, une surveillance et des analyses seront réalisées pour prévenir toute complication (des atteintes du foie, des reins, du cœur ou du sang notamment).
«Repérer rapidement un coup de chaleur est parfois difficile», prévient l’intensiviste. La prudence s’impose donc en amont, en veillant sur les personnes âgées de son entourage (lire encadré) et en évitant absolument de laisser un bébé en pleine chaleur, dans une voiture par exemple.
La déshydratation
L’astuce
Vous avez autour de vous, dans votre famille ou dans votre voisinage une personne âgée qui vit seule? Soyez solidaires quand le thermomètre s’envole: «Veillez à avoir un contact quotidien avec elle», recommande le professeur Philippe Huber. Rappelez-lui d’aérer son logement la nuit, de fermer les stores et de ne pas trop s’habiller la journée. Assurez-vous qu’elle boive suffisamment, par exemple en fixant avec elle un objectif chiffré, et incitez-la à continuer à manger, car la nourriture est une source très importante d’énergie, d’eau et de sels minéraux. Les plats froids peuvent être plus appétissants quand il fait très chaud. Rappelez-lui enfin de limiter ses efforts physiques.
Boire un litre et demi par jour, c’est un minimum vital en période de canicule. Une recommandation qui s’applique à tous les adultes, mais plus encore aux personnes âgées. «Avec les jeunes enfants, elles sont les plus menacées par la déshydratation, explique le professeur Philippe Huber, interniste-gériatre aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Les tout-petits peuvent en effet avoir du mal à signaler qu’ils ont soif, mais ils ont généralement un adulte à proximité pour y remédier.»
Ce n’est pas le cas des personnes âgées, souvent seules. Sans compter que «la sensation de soif diminue avec l’âge», précise le spécialiste, et que les personnes âgées «compensent» plus lentement leur déficit en eau. Leur corps est moins efficace pour concentrer l’urine et elles suivent souvent des traitements médicamenteux qui influencent leur hydratation. «Pendant les périodes de grandes chaleurs, certains médicaments, notamment les diurétiques, peuvent donc être stoppés avec profit, relève le gériatre. Il faut en parler avec son médecin.»
La déshydratation n’entraîne pas de symptômes typiques, prévient encore le professeur Huber. «On se sent fatigué, on souffre peut-être de crampes, de vertiges, de maux de tête, de confusion. Parfois, on transpire moins.» Et pourtant, les conséquences, spécialement chez des personnes fragiles, peuvent être importantes: syndrome confusionnel (delirium), troubles du système nerveux, baisse de tension ou problèmes de rein. Comme la déshydratation peut finir en grave coup de chaleur, la vigilance des proches ou des voisins est capitale.
L’insomnie
«Les températures extrêmes perturbent le sommeil, confirme le Dr José Haba Rubio du Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du CHUV. On met plus de temps à s’endormir quand il fait chaud et on dort ensuite d’un sommeil plus fragmenté qui compte moins de sommeil profond et de sommeil paradoxal.» Ces troubles proviennent de l’influence de la température sur notre rythme circadien (l’alternance entre les périodes de veille et de sommeil). En temps normal, «nous nous endormons en effet quand la température commence à diminuer», explique le chercheur. Enfin, en ville, l’été et la chaleur amènent plus de bruit dans les rues, alors qu’en même temps les fenêtres sont davantage ouvertes. Or le bruit constitue un élément perturbateur important du sommeil.
Pas de miracle pour mieux dormir l’été: il faut aérer sa chambre pour obtenir une température agréable et se couvrir d’un couchage léger. Prendre une douche avant de se coucher peut aussi aider à entrer dans le sommeil.
Le coup de chaleur d’exercice
Le coup de chaleur peut aussi toucher les personnes qui font du sport, ou qui sont trop couvertes par obligation professionnelle. Ne parvenant plus à évacuer la chaleur que produit l’activité physique, la température corporelle s’élève anormalement. C’est le coup de chaleur d’exercice, dont les symptômes, la gravité et le traitement sont les mêmes que ceux du coup de chaleur classique.
Evitez donc cet été le sport en plein zénith, a fortiori si vous manquez d’entraînement. Les responsables sont l’humidité et la chaleur dans l’atmosphère, alliées à un habillement trop hermétique pour les pompiers et les militaires, par exemple. La transpiration est en effet le moyen le plus efficace pour dissiper la chaleur corporelle. «Mais son efficacité diminue beaucoup dans un environnement surchargé en humidité», explique le professeur Liaudet. Le coup de chaleur d’exercice frappe ainsi parfois des soldats au petit matin, quand l’air est saturé de rosée.