La peau des fillettes n’a pas besoin de soins pour adultes

Dernière mise à jour 30/10/24 | Article
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La «routine» beauté des «Sephora kids», ces demoiselles qui utilisent crèmes, maquillages et autres lotions pour faire comme les «grandes», n’est pas anodine pour leur épiderme.

De tout temps, les petites filles ont imité les femmes: piquer les chaussures à talons dans l’armoire de Maman, mettre ses robes et se barbouiller les lèvres avec du rouge font partie des rituels classiques et inoffensifs des enfants. Le problème survient lorsque ces jeux deviennent une habitude quotidienne et qu’en lieu et place des vêtements empruntés aux grandes, les filles s’approprient les produits de beauté destinés aux adultes. C’est le phénomène des «Sephora kids» (du nom de la chaîne de magasins de cosmétiques), qui a pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux. Les fillettes imitent les influenceuses et reproduisent leurs «routines» de beauté. «Il ne se passe pas une semaine sans qu’un enfant parmi ma patientèle ne me pose de questions sur les soins à apporter à son visage. Y songer est plutôt positif, mais cela devient problématique lorsque des produits non adaptés sont utilisés quotidiennement sur des peaux jeunes et bien plus vulnérables que celles des adultes», explique la Dre Aude Rimella, dermatologue à Crans (VS).

Faire de l’éducation aux images

Les injonctions à atteindre une beauté irréaliste existent depuis la nuit des temps. Les fillettes d’hier s’inspiraient des magazines de mode et des publicités vantant des visages et corps parfaits. «On a progressé dans le combat de la représentation des corps féminins, mais les réseaux sociaux étant un reflet de notre société, leur utilisation doit être accompagnée chez les plus jeunes et être prise en compte parmi les indicateurs de leur santé mentale», explique Niels Weber, psychologue à Lausanne et spécialiste de l’hyperconnectivité. «Vouloir ressembler aux plus grands est normal et passe, malheureusement, aussi par les canons esthétiques. Les adultes doivent essayer de faire de l’éducation aux images. Lorsqu’un enfant est en présence d’une vidéo d’influenceuse vantant les mérites d’un produit de beauté, c’est l’occasion d’ouvrir le dialogue, de lui demander ce qu’il en pense. Les réseaux sociaux permettent également à l’enfant d’être en contact avec d’autres du même âge et qui se trouvent dans la même situation. Il ne faut pas les interdire, car ils ne sont pas les seuls responsables de la situation», précise le psychologue. L’école, la télévision, les affiches, mais aussi l’environnement dans lequel évolue le jeune l’influencent. Discuter de ce que l’enfant voit et perçoit, sans diaboliser, est un bon pas vers une prise de conscience et une meilleure compréhension du phénomène de quête de perfection...

De plus en plus d’acné précoce

Les préados utilisent ainsi des produits pour nettoyer leur visage qui ne sont pas adaptés aux caractéristiques de leur épiderme. «Plus on expose tôt une peau à des composés agressifs ou mal dosés, plus le risque d’allergie augmente. Les produits de beauté contiennent souvent du parfum et des conservateurs, qui sont irritants. Avant l’adolescence, filles et garçons devraient se limiter à se nettoyer le visage le soir, avec du savon doux, pour enlever les impuretés accumulées pendant la journée. Si la peau est sèche, ils peuvent ensuite mettre une crème hydratante sans parfum et rien de plus. Le matin, se rincer le visage à l’eau claire suffit», précise la Dre Rimella. 

En soumettant la peau à une ribambelle de produits inutiles, elle va produire davantage de sébum pour se protéger, ce qui va favoriser l’acné. «Lors de mes consultations, je constate de plus en plus d’acné très précoce et ces rituels de beauté en sont, en grande partie, la cause. Sans oublier qu’un grand nombre de ces produits contient des parabènes, des phtalates ou du triclosan, qui sont de plus en plus décriés car ils agissent comme perturbateurs endocriniens, induisant des déséquilibres hormonaux. Plus inquiétant: dans la composition de certains entrent des ingrédients tels que l’acrylate et le formaldéhyde, allergènes et potentiellement cancérigènes», poursuit la spécialiste. 

Nettoyage en douceur et hydratation

S’il est clair que les préados n’ont, en principe, pas besoin de produits spécifiques, les adolescents doivent – en cas d’acné – apporter un soin particulier à l’hygiène de leur visage. Mais attention à ne pas se ruer sur tout et n’importe quoi censé purifier l’épiderme. «Nettoyer la peau avec un produit destiné aux peaux acnéiques permet d’éliminer le sébum en surplus, mais cela assèche également beaucoup l’épiderme. Il est donc primordial d’hydrater ensuite avec une crème spécifique», explique la dermatologue. Il faut toutefois éviter de tomber dans l’excès de nettoyage, qui modifie le pH de la peau et agresse son microbiote, la rendant plus sujette aux allergies et aux infections. Enfin, les masques purifiants et décapants vendus dans des emballages aux couleurs pop et attractives sont à utiliser avec modération. «Idéalement, pas plus d’une ou deux fois par mois et toujours en vérifiant leur composition», précise Aude Rimella. 

Encore plus surprenante est l’utilisation de produits antirides et anti-âge par des jeunes filles, et ce, de plus en plus tôt. À ce sujet, la Dre Rimella met en garde: «L’usage régulier de ces cosmétiques peut en plus accentuer la sensibilité au soleil et provoquer des troubles de la pigmentation. Cela peut non seulement aggraver les cicatrices, mais aussi, de manière paradoxale, accélérer le vieillissement prématuré de la peau, notamment à cause de l'inflammation et de la photosensibilité induites par ces produits.»

Crème solaire et anticernes

Les «Sephora kids» ont tendance à abuser de l’anticerne, des fonds de teint et autres maquillages qui camouflent les imperfections et les font ressembler à leurs idoles. «Ces produits empêchent la peau de respirer. Les pores se bouchent et les boutons apparaissent. Ils ne sont pas utiles, au contraire: ils irritent et perturbent l’équilibre de l’épiderme. À une adolescente qui veut impérativement cacher ses boutons, je conseille d’employer une crème fluide légèrement teintée et conçue pour les peaux mixtes. Elle peut aussi opter pour une fine couche de poudre minérale», explique la Dre Aude Rimella, dermatologue à Crans (VS). Même constat pour ce qui est de l’usage de la crème solaire: elle est cruciale pour prévenir les dommages cutanés et le vieillissement prématuré, mais une application systématique n’est pas nécessaire lors de courtes expositions, comme le trajet maison-école. «Certaines crèmes solaires contiennent des filtres chimiques pouvant provoquer des irritations, des allergies ou même agir comme perturbateurs endocriniens. Il faut les utiliser lors d’expositions prolongées ou aux heures les plus à risque, comme la pause de midi ou pendant les activités en plein air. Dans ces cas, privilégier des crèmes solaires fluides et adaptées aux jeunes peaux qui permettent de se protéger efficacement tout en minimisant les risques pour la santé.»

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Paru dans Le Matin Dimanche le 20/10/2024

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