Le déclin du sperme, inéluctable?
Le sperme des Français est en déclin constant. C’est ce que démontre une étude réalisée dans l’Hexagone entre 1989 et 2005, auprès de quelque vingt-six mille six cents hommes. Les résultats relèvent une diminution de 32,2% de la concentration du sperme, soit 1,9% par an… La mobilité des spermatozoïdes est aussi atteinte, tout comme leur morphologie – les chercheurs ont ainsi constaté une diminution de 33,4% de la proportion de spermatozoïdes de forme normale. Ces résultats ont de quoi alerter bien au-delà de la France car ils confirment d’autres études. Si, pour l’instant, la qualité du sperme reste dans les normes fertiles, doit-on craindre que sa baisse de qualité régulière ne mène tout simplement à une stérilité masculine générale? L’avis d’Alfred Senn, biologiste de la reproduction et consultant au Centre de procréation médicalement assistée à Lausanne.
Une étude sur la fertilité masculine est en cours à Lausanne. Où en êtes-vous?
Alfred Senn: L’étude porte sur les jeunes recrues de 18 à 22 ans. Nous voulions faire un état des lieux de la fertilité des hommes en Suisse. Nous avons malheureusement dû l’interrompre faute de moyens. Il nous manque encore quelques résultats, notamment concernant le nord-est du pays. Mais nous connaissons la valeur médiane du sperme de ces jeunes, soit une concentration de quarante à quarante-quatre millions par millilitre de liquide séminal. Ce qui est assez proche des résultats de l’étude française qui fait état d’une moyenne de 49,9 millions/ml. Des valeurs que l’on retrouve également aux Etats-Unis et au Danemark. Si bien que l’on peut considérer cette valeur comme étant la moyenne actuelle; elle se situe pratiquement à la moitié des concentrations relevées au début du XXe siècle, 70 à 80 millions/ml!
L’étude française fait état d’une baisse continue de la qualité du sperme. Jusqu’à la disparition totale des spermatozoïdes?
Il faut bien comprendre que l’on parle d’une population entière devenant de moins en moins fertile et non d’individus. Ce qui implique que ces personnes ont probablement été exposées à des substances nocives au moment où leur appareil uro-génital était en formation. Soit entre la 7e et la 12e semaine de gestation. Il faut donc rechercher ce à quoi leurs mères ont été exposées à ce moment-là. Car c’est à cette période que se joue la qualité future du sperme. On a pu mesurer par exemple que la distance entre l’anus et les testicules était plus petite à la naissance chez les enfants des femmes exposées à des perturbateurs endocriniens pendant cette période clé. Ce qui est associé à une «féminisation» de ces petits garçons. Tout cela est extrêmement complexe mais cela montre que ce qui se passe aujourd’hui est lié à des influences qui ont eu lieu il y a une vingtaine d’années. La diminution continue de la qualité du sperme n’est donc pas inéluctable si l’on agit sur les facteurs environnementaux.
Ce ne seraient pas les facteurs environnementaux d’aujourd’hui mais ceux des années 1970 qui seraient à l’origine de la baisse de la fertilité masculine actuelle?
De ce point de vue, il est regrettable que les chercheurs français n’aient pas mesuré la taille des testicules des participants à l’étude. Car, si cette théorie est juste, ils devraient être plus petits. A une diminution de 30% de la quantité de spermatozoïdes, devrait correspondre une diminution équivalente des cellules de Sertoli, qui «élèvent» les spermatozoïdes, leurs mères en quelque sorte! Ou, encore, une diminution du volume des tubules séminifères, où se forment les spermatozoïdes. Car chaque testicule en contient deux cent cinquante mètres, soit un demi-kilomètre pour les deux! Quoi qu’il en soit, la fertilité se joue dans les premières semaines de vie de l’embryon. Il faut donc être très attentif aux conditions environnementales et ne pas mettre n’importe quel produit sur le marché, sans anticiper ses effets possibles sur la santé!
_________
|
Extrait de : Check-Up. Les réponses à vos questions santé |
|