Soixante greffes de pénis bientôt pratiquées aux Etats-Unis
La première greffe concernera un soldat blessé en Afghanistan, a indiqué le Centre hospitalier universitaire Johns Hopkins. Le greffon pénien proviendra d’un donneur décédé et l’opération devrait durer environ douze heures et coûter entre 184 000 et 368 000 euros.
Sensations et rapports sexuels
L’affaire est traitée dans de nombreux médias anglo-saxons, comme par exemple la BBC («Penis transplant plans for wounded US vétéran», (Projets de greffes de pénis pour des vétérans blessés de l’armée américaine) et le New York Times («Penis Transplants Being Planned to Help Wounded Troops», Des greffes de pénis prévues pour venir en aide aux troupes blessées), sans oublier The Washington Post («Groundbreaking penis transplant will give wounded veterans a ‘sense of self’» (La première greffe de pénis [aux Etats-Unis] donnera aux vétérans blessés une nouvelle estime d’eux-mêmes).
Les chirurgiens de Johns Hopkins ont précisé qu’ils espéraient pouvoir rétablir la fonction urinaire mais aussi les «sensations» et la capacité d’avoir des rapports sexuels quelques mois après les interventions. Les chiffres officiels du Pentagone font état, entre 2001 et 2013, de 1367 militaires américains déployés en Irak et en Afghanistan ayant été victimes de blessures aux parties génitales. La quasi-totalité d’entre eux avaient moins de 35 ans et ont été la cible de bombes de fabrication artisanale.
Régions pelviennes détruites
«On ne parle pas souvent de ces blessures génito-urinaires, observe le Dr W. P. Andrew Lee, chef du service de chirurgie reconstructive du Johns Hopkins, dans le New York Times. Ces blessures sont aussi dévastatrices que tout autre traumatisme qu’un soldat peut subir.» Peut-être même plus. Le chirurgien évoque notamment «le retour de jeunes hommes dans la vingtaine avec la région du pelvis totalement détruite». Le quotidien évoque les différents aspects de ces émasculations via une conférence qui s’est tenue fin 2014 dans le cadre de la Bob Woodruff Fondation, intitulée «Intimacy after Injury» (L’intimité après une blessure). Jeffrey Kahn, un spécialiste de bioéthique du Johns Hopkins, y parlait des femmes de ces vétérans en ces termes: «(…) wives said that genitourinary injuries had eroded their husbands’ sense of manhood and identity» (les épouses ont déclaré que ces blessures uro-génitales avaient miné la virilité et l’identité de leurs maris).
Une fois les soixante greffes réalisées, les responsables du Johns Hopkins décideront si une telle intervention peut ou non être pratiquée plus largement dans la population. La bibliographie médico-chirurgicale sur ce thème n’est pas volumineuse. On se souvient surtout de l’intervention très médiatisée pratiquée en Afrique du Sud en décembre 2014, le jeune homme concerné ayant, selon ses chirurgiens, réussi à procréer quelques mois après l’intervention.
Cette intervention avait été pratiquée pendant près de neuf heures par des spécialistes de l’Université de Stellenbosch et de l’hôpital Tygerberg. Le greffon avait été prélevé sur un cadavre, toutes les règles éthiques ayant été respectées. L’un des chirurgiens, le Dr Andre Van der Merwe, spécialiste des transplantations rénales, avait alors déclaré à la BBC que les difficultés rencontrées tenaient notamment au diamètre des vaisseaux sanguins. Dans ce pays, la principale indication de ces greffes concerne les conséquences désastreuses de circoncisions rituelles pratiquées en dehors de toutes les règles d’hygiène et conduisant à des infections suivies d’amputations péniennes. La bibliographie garde aussi en mémoire une intervention pratiquée en 2006 en Chine. Triste première: le greffon avait dû être «retiré» en raison de problèmes psychologiques rencontrés par le patient et son épouse. La chirurgie fait rarement l’économie de la psychologie.