Les hommes ont une moins bonne santé que les femmes

Dernière mise à jour 23/10/16 | Article
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En moyenne, la population masculine est plus vulnérable en termes de santé, et son espérance de vie, bien qu’elle tende à augmenter en Suisse, reste plus courte que celle des femmes. Pourquoi?

De quoi on parle

La Revue médicale suisse consacre son dernier numéro de septembre à la santé masculine et lance, sur sa une, cette question impertinente: «L’homme, le nouveau sexe faible?» Les chiffres et les études le montrent: les représentants du «sexe fort» rencontrent plus de problèmes de santé et ont une espérance de vie plus courte que ceux du sexe dit «faible». Comment prendre en main sa santé lorsqu’on est un homme? Revue et explications de spécialistes.

Sexe fort ou sexe faible? A chacun sa vision des choses. Mais les statistiques sont formelles: les hommes vivent moins longtemps que les femmes. En 2015 en Suisse, leur espérance de vie, à la naissance, est de 80,7 ans contre 84,9 ans pour les femmes selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique. Depuis les années 1990, l’écart tend à se réduire, mais cette différence historique demeure. Une vaste étude publiée par la Commission européenne (2011), incluant 290 millions d’hommes issus de 34 pays, dont la Suisse, confirme que la population masculine connaît une plus grande vulnérabilité dans sa santé et un taux de mortalité prématurée nettement supérieur à celle des femmes.

Pourquoi cette différence? D’après les spécialistes interrogés, elle résulte d’une combinaison de facteurs. D’un point de vue génétique, «la plus grande fragilité des hommes pourrait s’expliquer par le fait qu’ils ne possèdent qu’un chromosome X. En cas de mutations génétiques à l’origine de maladies, il n’a pas de «copie» du X pouvant faire office de «sauvegarde», contrairement à la femme qui en a deux», déclare le Dr Idris Guessous, responsable de l’unité d’épidémiologie populationnelle aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et médecin agréé à la Policlinique médicale universitaire de Lausanne (PMU). Ensuite, le profil hormonal et lipidique propre au sexe masculin pourrait jouer un rôle sur son métabolisme: «Il sécrète moins de «bon» (ou HDL) cholestérol, protecteur pour la santé», poursuit le spécialiste. Autre explication, tandis que la femme s’astreint à un suivi médical rapproché, en consultant au moins une fois par an son gynécologue, ce n’est pas le cas de l’homme. «Ce n’est qu’après 50 ans que celui-ci rejoint le nombre de consultations médicales de la femme», confirme le Dr Guessous. D’un point de vue social, les hommes s’entourent de moins d’amis et de relations, et ont de ce fait moins de soutien social, ce qui peut aussi être dommageable pour leur santé.

La dépression masculine existe

Il se pourrait que la dépression, deux fois plus fréquente chez la femme que chez l’homme, soit sous-estimée chez ce dernier. En effet, des facteurs socio-culturels, mais aussi neurobiologiques confirment aujourd’hui l’existence d’une dépression masculine.

Chez les deux sexes, la maladie se traduit par une baisse de l’humeur, une perte d’intérêt et d’énergie. A cela, peuvent s’ajouter d’autres symptômes (baisse de la concentration, de l’estime de soi, pessimisme, culpabilité, troubles du sommeil, voire idées suicidaires). Mais chez l’homme, ces symptômes s’exprimeraient davantage à travers le comportement (irritabilité, impulsivité, intolérance au stress, abus de substances – alcool en particulier –, prises de risques exagérées, colère, etc.) que dans l’émotionnel ou le somatique.

Autre particularité, il semble que des barrières émotionnelles et sociales maintiennent les hommes plus longtemps dans le déni de la maladie. Par peur de se montrer faibles, ils ont tendance à moins demander d’aide. Connaître ces spécificités permet de mieux poser le diagnostic de dépression chez l’homme. Et ainsi, de tenter de diminuer leur taux de suicide, trois à cinq fois plus élevé que chez les femmes.

L’influence des comportements 

En ce qui concerne les facteurs environnementaux – qui jouent un rôle prépondérant à mesure qu’on avance en âge – les hommes sont plus concernés par des comportements à risque pour leur santé (consommation de substances, alcool, tabac, violence, sexualité à risque). Même si les choses sont en train de changer. «Une meilleure prévention des risques au travail ces dernières années a diminué leur exposition à des composés toxiques, avec une influence sur la santé et la longévité. On a par ailleurs constaté moins de décès sur les routes et moins de morts violentes, bien que les chiffres varient selon les tranches d’âge. De même, la diminution de la prévalence du tabagisme chez l’homme ces dernières années a eu des conséquences positives», explique la Dre Carol Claire, médecin-cadre à la PMU et spécialiste de la problématique du genre en santé. Malgré cette amélioration, le cancer du poumon, directement lié au tabagisme, reste le cancer le plus mortel chez l’homme, ce qui illustre bien l’impact que peut avoir un comportement sur la santé. A noter que le tabagisme a progressé chez les femmes, ce qui a pour conséquence une augmentation de la mortalité due au tabac dans cette population. Sur le haut du podium des maladies les plus mortelles pour le sexe masculin, on retrouve les maladies cardio-vasculaires. Parmi les autres causes de supplément de décès, le taux de suicide est nettement plus élevé (trois à cinq fois plus) chez l’homme que chez la femme. Les maladies du foie sont quant à elle trois fois plus fréquentes, et la transmission du VIH plus répandue. L’anévrisme de l’aorte est elle aussi une pathologie qui est beaucoup plus fréquente chez l’homme, si bien que son dépistage ne se fait que dans la population masculine.

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Les dépistages

Comment chaque homme peut-il s’occuper au mieux de sa santé? Concernant la prévention, les dépistages systématiques se font généralement dès 50 ans, l’âge où le risque augmente significativement et où la balance entre bénéfices et inconvénients devient favorable. C’est en prenant en compte les facteurs de risques individuels et en discutant la décision entre soigné et soignant que le dépistage des maladies cardio-vasculaires, du cancer de la prostate (le cancer le plus fréquent) et du cancer colorectal (le numéro 3 des cancers chez les deux sexes) devrait se faire. Le dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) peut en revanche être pratiqué à tout âge, en fonction des risques pris par chaque individu. Le plus important, cependant, est d’adopter le plus tôt possible dans l’existence de bonnes habitudes de vie (activité physique, alimentation équilibrée, alcool avec modération, prévention des IST, entretien d’un réseau relationnel). Le Dr Idris Guessous remarque cependant que, à 40 ans, les hommes sont plus réceptifs aux mesures de prévention et ressentent le besoin de prendre soin d’eux. C’est donc une période propice pour les aider à prendre des décisions qui vont leur permettre d’améliorer leur santé.

Le mythe de l'«andropause»

A partir de 40 ans, la production d’hormones masculines – dont la testostérone – diminue d’environ 1% par an chez l’homme. Par analogie à la ménopause, on en a alors conclu à une «andropause» chez ce dernier, au mitan de sa vie. 

Pour le Dr Francesco Bianchi-Demicheli, spécialiste en médecine sexuelle aux HUG, «le parallèle est malheureux et le terme lui-même stigmatisant et réducteur». Selon lui, les deux phénomènes ne sont pas comparables: «La ménopause correspond à une baisse hormonale indéniable et rapide, alors qu’elle est beaucoup moins systématique et moins brutale chez l’homme. Le mot andropause fait penser à une cessation de la production hormonale ce qui n’est pas le cas. De plus, les effets du déficit androgénique lié à l’âge ou «DALA» sont très variables selon les individus», insiste le spécialiste. Il n’en est pas moins un phénomène reconnu médicalement. Toutefois, la majorité des hommes n’en souffre pas. Chez une minorité, cette baisse de testostérone s’accompagne d’une constellation de symptômes sexuels (baisse de la libido, de la fonction érectile et des érections matinales). Parfois, d’autres symptômes y sont associés tels qu’une baisse d’énergie physique et psychique, une perte de motivation, une augmentation de la masse graisseuse, notamment.

Ces changements sont souvent insidieux et peuvent aussi être liés à d’autres causes (dépression, changement de rôle, événements de la vie, maladie chronique, etc.). C’est la raison pour laquelle il est important, estime le sexologue, de distinguer avec nuance les pathologies et de ne pas poser de diagnostic hâtif. «Il y a des hommes qui présentent un taux bas d’androgènes et qui ont une vie sexuelle très riche. Pour ceux qui souffrent d’un DALA, des traitements hormonaux efficaces existent», rassure le médecin.

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