La testostérone: une supplémentation à double tranchant

Dernière mise à jour 03/12/14 | Article
La testostérone: une supplémentation à double tranchant
Aux Etats-Unis, 3% des hommes de plus de 40 ans seraient traités par un substitut de testostérone. Or 20% seulement de ces prescriptions seraient médicalement justifiées. Face à un traitement qui prend des allures de phénomène de mode, il convient de rappeler quelles sont les indications et les précautions à prendre en compte.

Les prescriptions de testostérone (sous forme de gel, comprimés, patchs, injections…) ont été multipliées par cinq au cours des vingt dernières années aux États-Unis. Promettant de traiter les symptômes liés au vieillissement chez l'homme, ce traitement substitutif semble parfois considéré comme un «remède magique». Or cette supplémentation n'est pas sans danger. Une controverse existe notamment en ce qui concerne les liens entre testostérone et risque d'accidents cardiovasculaires.

Quand le déficit en testostérone est-il avéré?

Le diagnostic d'un déficit en testostérone (hypogonadisme) est d'autant plus facile à poser que les symptômes (voir tableau 1) apparaissent chez un homme jeune. L'hypogonadisme est confirmé quand la concentration sanguine en testostérone est abaissée lors de dosages réalisés deux matins consécutifs.

La plus grosse partie de la testostérone produite dans l’organisme (principalement par les testicules) est liée à deux protéines: l'albumine et la Sex hormone binding globuline (SHBG). Seuls 1 à 3% de l'hormone circulent sous forme libre et donc biologiquement active dans le sang. A partir de 30 ans, cette fraction active diminue, d'une part car la production de testostérone baisse (moins 1 à 2% par an) alors que celle de la SHGB augmente. Après 45 ans, un homme sur trois présente ainsi des valeurs basses de testostérone. Il n'existe cependant pas de seuil strict pour définir un déficit en testostérone passé cet âge.

Le vieillissement n’est pas la seule cause de diminution des taux de testostérone. Ceux-ci sont aussi abaissés chez les patients atteints de certaines maladies chroniques (voir tableau 2), sans que l'on ne sache si la concentration d'hormone est diminuée par la maladie ou si la diminution de testostérone précède la maladie.

Bénéfices et risques de la supplémentation

Un apport en testostérone a pour but de maintenir les caractères sexuels secondaires, la fonction sexuelle, la densité minérale osseuse, la masse maigre ainsi que la force musculaire. Mais l’hormone pourrait aussi avoir un effet sur le système cardiovasculaire.

C’est en tout cas ce que suggèrent plusieurs études qui ont mis en évidence un lien entre une concentration basse en testostérone et la survenue de maladies cardiovasculaires. Des résultats qui plaident en faveur d’une supplémentation en testostérone mais qui sont controversés. Plusieurs études ont en effet montré une augmentation de la survenue d’accidents cardiovasculaires chez certains hommes âgés au bénéfice d’un apport en testostérone.

Les relations entre testostérone et système cardiovasculaire sont donc complexes, et les effets bénéfiques d’un substitut hormonal sur la force musculaire, les performances sexuelles ou encore la densité osseuse pourraient s’exercer au prix d’une augmentation des accidents cardiovasculaires.

En attendant de nouvelles études randomisées contrôlées, la Société américaine d'endocrinologie ne recommande la supplémentation en testostérone que chez les patients qui présentent des symptômes associés à un déficit sanguin en testostérone. Pour les patients âgés ou atteints d'une maladie chronique, le bénéfice de la supplémentation est moins évident. Lorsqu'un traitement substitutif est prescrit, un suivi à trois mois, puis chaque année pendant cinq ans, est fortement conseillé afin d'évaluer son efficacité ainsi que sa sécurité.

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(1) Bhasin S, Cunningham GR, Hayes FJ, et al. Testosterone therapy in men with androgen deficiency syndromes: An Endocrine Society clinical practice guideline. J Clin Endocrinol Metab 2010;95:2536-59.

Références

Adapté de «La testostérone: un traitement pour la prévention des maladies cardiovasculaires?», par Dr Baris Gencer, Pr François Mach, Service de cardiologie, Hôpitaux universitaires de Genève, Dr Bettina Köhler Ballan, Pr Jacques Philippe, Service de diabétologie et d’endocrinologie, Hôpitaux universitaires de Genève. In RMS 2014;10:1173-8. En collaboration avec les auteurs.

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