Ils ont décidé de ne plus faire l’amour
«Je n’ai plus d’activité sexuelle depuis trois ans, explique François*, la cinquantaine. J’ai toujours vécu ma sexualité entre attrait et répulsion. Lorsque j’ai eu mon premier enfant, je me suis progressivement désintéressé de la chose.» Ce Lausannois a décidé de ne plus se forcer à avoir des rapports sexuels avec son épouse. «N’ayant jamais été très actif sexuellement, ma femme est allée voir ailleurs. Nous en avons parlé ouvertement et avons redéfini les termes de notre «contrat». Je ne fais désormais plus l’amour et je me sens libéré.» François* ne ressent pas de manque, il est plus serein ainsi.
«Il y a une multitude de raisons qui poussent une personne à faire le choix de l’abstinence sexuelle, explique Nicole Dubois, spécialiste en sexologie à Fribourg. Certaines personnes le font en réaction à la société hypersexualisée dans laquelle nous vivons. Celle-ci donne le sentiment que le porno est la norme et cela conduit des gens à se détourner de la sexualité car ce modèle ne leur convient pas. Pour d’autres, une sexualité à deux demande trop d’efforts. Ces personnes peuvent alors se contenter de la masturbation. Et puis il y a toutes celles et ceux qui deviennent abstinents suite à une agression ou à des déceptions sentimentales.»
C’est le cas de Josiane*. Cette quadragénaire avoue n’avoir jamais eu une sexualité épanouie. «Dans ma famille, le sexe a toujours été considéré comme quelque chose de sale. À 17 ans, j’ai subi des abus sexuels. J’ai pris du poids, je me sentais très mal dans ma peau.» Adulte, elle admet s’être forcée. «J’ai toujours associé l’activité sexuelle à la pénétration et elle ne m’apporte pas de plaisir. J’ai donc décidé de renoncer à avoir une vie sexuelle. Cela me manque, mais je ne veux plus faire semblant. J’espère tomber un jour sur un homme qui me redonne envie de faire l’amour.»
Nombreux sont celles et ceux qui se détournent de la sexualité non pas à cause de convictions religieuses ou de valeurs personnelles, mais par dégoût de pratiques qui n’ont jamais apporté de réel plaisir. «Nous vivons dans une société où la sexualité est très thématisée, mais nous oublions qu’il y a toujours eu dans les populations des personnes dont la sexualité est absente, explique Véronique Eckert, sexologue et conseillère en santé sexuelle à Sion. Aujourd’hui, il faut revendiquer son choix d’abstinence comme si cela était hors normes, mais il n’y a pas de norme établie.»
L’activité sexuelle est-elle indispensable au bien-être? «Non, mais une bonne sexualité contribue à une bonne santé physique et psychologique (lire encadré), explique la Dre Elena Rota, gynécologue responsable de la consultation de sexologie de l’Hôpital du Valais, à Sion. Elle fait partie des droits et des plaisirs de l’être humain, tout comme l’activité sportive. Attention, le sexe peut aussi être dangereux pour la santé s’il est pratiqué sans sécurité et sans respect de l’autre.»
Une façon de dire non
Un accouchement, un cancer, un traumatisme, peuvent mettre la sexualité en veilleuse sans que cela soit définitif. L’auteure française Emmanuelle Richard a publié un livre sur le sujet de l’abstinence sexuelle**. Elle a elle-même été abstinente pendant près de cinq ans. Elle écrit: «(…) Ce vide, alternativement subi ou choisi, a connu un nombre infini de variantes. (…) Parfois, il s’agissait d’une abstinence subie, douloureuse et frustrante. À d’autres moments, cela a été une nécessaire récupération de moi-même (…).»
Rares semblent être les personnes abstinentes qui vivent avec une sérénité durable cette absence de sexualité. «Le mouvement #metoo a été favorable à ce que les femmes prennent confiance en elles, en leurs corps et en leurs besoins, précise Nicolas Leuba, psychologue à Lausanne. Elles osent plus facilement rejeter la sexualité androcentrée. L’abstinence est alors leur façon de dire non à un modèle qui ne leur convient pas.»
Le sexe: un super allié pour la santé
La sexualité, lorsqu’elle est vécue de manière épanouissante, apporte des bienfaits physiques indéniables qui dépassent de loin le plaisir instantané qu’elle procure. «Attention, il ne faut pas se plier à une activité sexuelle dans un but purement hygiénique, avertit le Pr Francesco Bianchi Demicheli, responsable de l’Unité de médecine sexuelle et sexologie, et médecin adjoint agrégé au Département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Mais il est vrai que les bienfaits psychologiques et physiques d’une sexualité active sont nombreux et ont été démontrés par différentes études.»
Psychologiquement: elle améliore l’estime de soi, régule la réponse émotionnelle et a un effet de consolation. Grâce aux pics d’endorphine, elle est un super allié pour le moral. L’acte sexuel augmente l’action dopaminergique (à savoir, le circuit cérébral qui active la sensation de plaisir et de motivation), il provoque la sécrétion d’ocytocine (l’hormone de l’attachement), de testostérone, et modifie la réponse au stress.
Physiquement: la sexualité améliore la réponse immunitaire, diminue les bouffées de chaleur de la ménopause, abaisse la pression artérielle, améliore le tonus des muscles pelviens et la fluidité articulaire. C’est une alliée précieuse du système cardiovasculaire. Elle diminue le risque de développer certains cancers, comme celui de la prostate.
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* Prénoms d’emprunt.
** Emmanuelle Richard, Les corps abstinents, Flammarion, 2020.
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Paru dans Planète Santé magazine N° 40 – Mars 2021
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