Comment ne pas se laisser happer par un conjoint dépressif?

Dernière mise à jour 15/10/22 | Article
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La dépression est un mal qui ronge près d’une personne sur dix. Pour les proches, le conjoint en particulier, la maladie peut entraîner des répercussions importantes. Comment aider son partenaire atteint d’un syndrome dépressif tout en se préservant soi-même?

Reconnaître la dépression

Plusieurs symptômes peuvent être présents lors d’une dépression. Mais ils ne le sont pas toujours et se manifestent de manière plus ou moins importante d’une personne à l’autre. En voici quelques-uns:

  • Épuisement général avec perte d’énergie.
  • Troubles du sommeil.
  • Perte d’appétit.
  • Perte de confiance en soi ou de l’estime de soi.
  • État d’anxiété durable.
  • Retrait social, repli sur soi.
  • Consommation excessive de substances (alcool, drogues, médicaments).
  • Douleurs.
  • Tristesse, désespoir.
  • Idées suicidaires, idées noires.

«Pour le meilleur et pour le pire» se promettent mutuellement les couples mariés. Qu’en est-il lorsque l’un des deux est atteint dans sa santé physique ou mentale? C’est désormais connu, le rôle de proche aidant expose à un risque accru de développer soi-même une dépression, des problèmes somatiques ou, plus globalement, des difficultés relationnelles. 

Au sein de la consultation couple-famille du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Romaine Dukes, psychologue associée, reçoit des couples dont l’un des membres est en proie à un état dépressif. «Souvent, le motif qui les amène dans mon bureau n’est pas la dépression, mais elle fait partie du paysage, explique-t-elle. Les gens viennent en premier lieu avec une demande de soutien suite à un constat d’éloignement, une insatisfaction conjugale ou une perte d’intimité, des signes qui peuvent eux-mêmes être le fait de la dépression.» 

Savoir se préserver

Être un bon soutien pour son conjoint tout en ne sombrant pas soi-même relève d’un travail d’équilibriste parfois délicat. «La frontière entre "aider" et "absorber la charge" est très difficile à déterminer, explique la psychologue. D’autant que les signes de la dépression ou du burnout sont insidieux, surgissent progressivement et mettent parfois du temps à s’imposer comme les symptômes d’une maladie.» 

Certains éléments peuvent témoigner d’une répercussion de l’état dépressif sur le conjoint soutenant. Le manque d’entrain pour des loisirs et des sorties, une perte d’énergie, une tristesse, une irritabilité ou encore des troubles du sommeil sont spécifiques à la dépression. «D’une façon plus générale, lorsque l’on commence à sentir que sa propre santé est en jeu, que notre économie psychique est en tension, cela indique que l’on n’est plus dans un rôle de soutien, mais bien dans un statut de proche aidant, ce qui peut avoir un impact réel sur la santé», conclut l’experte. 

Des clés pour bien aider

Il n’existe bien sûr pas de mode d’emploi universel, chaque situation étant différente, selon le contexte ou le degré de gravité de la dépression. «Le conseil que l’on peut donner est de se préserver soi en tant que proche et, en fonction de ce que l’on perçoit chez l’autre, adapter son attitude et chercher de l’aide si on se sent débordé», recommande Romaine Dukes.

Appeler un chat un chat

Si la dépression n’est pas nommée, la personne qui en souffre peut avoir des difficultés à prendre conscience de la situation et renoncer à consulter. C’est alors bien souvent le conjoint qui pallie tous ses besoins, sans aide extérieure. «Assumer toutes les tâches et suivre un mode de vie dicté par la maladie n’est pourtant sain pour aucun des deux membres du couple, prévient la psychologue.Poser un diagnostic permet d’externaliser le problème et de se confronter à sa réalité pour mieux le combattre.» 

Encourager la recherche de soins

L’aidant n’est pas le médecin, mais il peut être un facilitateur, après avoir aidé à identifier le mal-être. Plusieurs portes d’accès aux soins sont possibles. «Le médecin généraliste peut être un bon premier contact, non stigmatisant, qui ne "psychiatrise" pas les choses, explique Romaine Dukes. Il peut poser un diagnostic de dépression et éliminer des causes somatiques, comme un problème endocrinien ou métabolique, par exemple.» Un service psychiatrique ambulatoire ou une consultation auprès d’un spécialiste sont d’autres voies pour demander de l’aide. En cas de crises avec idées suicidaires ou attaques de panique, un service d’urgences, sur place ou par téléphone, doit être consulté. «Il ne faut pas que le conjoint aidant gère tout, tout seul. Il est primordial de laisser des professionnels prendre le relais, pour évaluer la gravité de la situation et mettre en place un traitement si nécessaire», conclut la psychologue. 

Faire preuve de bienveillance

Face à la dépression et aux difficultés du quotidien que la situation génère, il est facile d’accuser l’autre, de porter sur lui et sur son état un regard négatif ou de prendre les choses à la légère. Une attitude délétère qui ne fera qu’accentuer les souffrances des deux côtés. Une communication bienveillante est préférable. Par exemple, en ramenant à soi la situation pour éviter d’accabler l’autre. «Je te sens déprimé», «Je suis inquiet(e) pour toi», «Je peux t’aider à trouver un médecin»… sont des phrases qui permettent d’aborder le sujet sans regard accusateur. 

Oser demande de l’aide pour soi

Que ce soit auprès de son médecin traitant, d’une consultation spécialisée pour les proches aidants ou encore d’une association, demander de l’aide si on se sent débordé permet de se protéger soi-même mais aussi d’obtenir un regard extérieur sur la situation, afin d’évaluer sa gravité et ses enjeux. «C’est également une manière de montrer l’exemple à son conjoint, ajoute Romaine Dukes. Dans un couple, si l’un des membres montre qu’il recherche des solutions, cela encourage l’autre à le suivre dans cette démarche.»

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Paru dans Générations, Hors-série «Comment rebondir… dans son corps, dans sa tête, dans son couple, dans sa famille, dans sa vie», Octobre 2022.

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