Soutenir la santé mentale des tout-petits : mode d’emploi
Les enfants en âge préscolaire (0-4 ans) évoluent considérablement au fil des mois, tant sur le plan physique et psychique qu’émotionnel. Les parents, les éducateurs et les personnes proches des bambins jouent un rôle essentiel pour assurer leur épanouissement global, dont une bonne santé mentale. « L’environnement familial agit clairement sur le développement psychomoteur des tout-petits. Il est donc important que les adultes qui les entourent, ainsi que les éventuels grands frères ou grandes sœurs, leur parlent, interagissent avec eux, leur offrent des opportunités d’explorations par le corps et les sens, par exemple au travers de jeux. Raconter des histoires est aussi une activité importante, non seulement sur le plan de l’interaction, mais également comme source d’enrichissement linguistique. Le mot d’ordre est de ne pas être passif », explique Joël Fluss, médecin en neurologie pédiatrique à l’Hôpital des enfants des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Dès les premiers jours de vie, ces moments de partage avec les adultes, en particulier les parents, sont primordiaux. « Le nouveau-né a besoin de soins, mais en plus de la présence physique de l’adulte, il a besoin de sa disponibilité psychique. La mère ou le père doivent le porter, lui parler, le déplacer afin de varier les stimuli sensoriels. Cela est important pour garantir un bon développement moteur, mais aussi pour que le bébé se sente entouré et qu’il puisse développer un attachement sécure avec ses parents », explique Russia Ha-Vinh Leuchter, médecin adjointe au Service de développement et croissance des HUG. La docteure insiste sur le fait que le bien-être psychique des enfants de moins de 3 mois passe par une présence presque constante d’un adulte. « Laisser un bébé longtemps dans une poussette sans lui donner la possibilité de bouger, ni d’interagir avec les autres, n’est pas adapté à son développement. Pour que le parent puisse être disponible pour son enfant, il doit toutefois être bien entouré et ses propres besoins doivent aussi être pris en compte. »
Les enjeux
Entre 6 et 18 mois se déroule la période des premiers apprentissages moteurs et des prémices du langage. La communication est alors essentielle. « Il est important de placer les tout-petits dans différentes situations où leur sécurité émotionnelle est garantie par une présence rassurante, mais où ils ont la possibilité de faire des apprentissages », poursuit la Dre Ha-Vinh Leuchter. Et le Dr Fluss de préciser : « La plasticité cérébrale dans le domaine sensoriel, moteur et langagier d’un enfant est à son maximum jusqu’à 24 mois. Il s’agit d’une période essentielle déterminante pour les années suivantes. »
L’importance du rythme
Un certain rythme s’installe, dicté par les repas, la sieste, la nuit. Aménager des pauses est aussi indispensable. « Les contraintes de la vie professionnelle des parents ne collent pas toujours avec les besoins des plus jeunes, notamment d’activités adaptées et calmes. Respecter le rythme des tout-petits est essentiel pour leur éviter du stress ou de la fatigue », explique Isabelle Kovacs, co-responsable du Service petite enfance de la ville de Meyrin.
Vers 2 ans, les petits commencent à réaliser qu’ils peuvent agir sur le monde qui les entoure. « À cet âge, l’enfant ne connaît pas les dangers du monde. Les parents doivent donc poser un cadre clair dans lequel il peut agir en toute sécurité. Leur rôle n’est pas que le petit soit joyeux tout le temps. Il ne faut pas craindre ses pleurs, ses colères ou sa révolte. Les émotions négatives sont aussi acceptables », précise la Dre Ha-Vinh Leuchter.
Isabelle Kovacs constate que « de plus en plus de parents sont démunis face à des injonctions parfois paradoxales de la société qui génèrent beaucoup de pression tant sur eux que sur leurs enfants. Il faut trouver de nouvelles astuces pour que le temps de l’enfance, de la rêverie, soit respecté ».
L’omniprésence des écrans a aussi son impact sur l’attitude et le développement des plus jeunes. Isabelle Kovacs voit assez vite lorsque les écrans sont trop présents dans le quotidien d’un petit. Elle explique : « Ce sont des enfants qui ont souvent un retard du langage, qui font des crises lorsqu’ils sont privés du smartphone. Il est important de sensibiliser les parents et de les accompagner pour restreindre le plus possible son usage. »
Quelques conseils
1) Parler, interagir, partager des moments et des émotions : c’est le b.a.ba d’un bon développement mental dès les premiers jours de vie. « Ce n’est pas parce que le bébé ne comprend pas le sens des mots prononcés qu’il ne faut pas lui parler. Le développement n’est pas quelque chose que l’on peut enseigner à un petit, mais on peut le mettre dans des situations qui l’aident à y parvenir », explique la Dre Russia Ha-Vinh Leuchter, médecin adjointe au Service de développement et croissance des HUG.
2) Lire : l’apprentissage de la lecture va de pair avec le développement de la grammaire et du vocabulaire. Ce qui va enrichir le langage oral.
3) Bannir, ou du moins limiter les écrans avant l’âge de 3 ans. Les spécialistes de l’enfance le disent haut et fort : ils n’apportent rien de bon aux plus jeunes. « Au même titre que raconter des histoires est un facteur protecteur pour le développement du langage, un temps d’exposition abusif aux écrans a clairement un impact négatif », explique le Dr Joël Fluss, neurologue à l’Hôpital des enfants des HUG. Aux adultes également de donner l’exemple…
4) Respecter le rythme de l’enfant, tant pour le sommeil que pour les repas. Proposer un rituel d’endormissent pour l’aider à lâcher prise à ce moment charnière de la journée s’avère bénéfique.