Jouer pour bien grandir
Les êtres humains sont des animaux sociaux. Dès lors, les interactions entre eux, qu’elles soient verbales ou non, sont essentielles. Chez les plus jeunes, le lien avec l’autre se fait en grande partie grâce au jeu. «Le bébé humain naît très vulnérable et il doit sa survie aux interactions avec ses parents. Cela lui confère une bonne capacité d’adaptation et le force à découvrir le monde qui l’entoure et à entrer en relation avec lui. Pour cela, le jeu est un excellent outil d’exploration tridimensionnelle», explique le Dr François Hentsch, médecin adjoint co-responsable de l’Unité guidance petite enfance aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Empiler des blocs en bois, faire tinter un trousseau de clefs ou encore jouer avec des cuillers sont autant de manières de découvrir l’environnement et d’acquérir tout une série de compétences. «Proposer au bébé des objets colorés, texturés, des tissus qui font du bruit, des clochettes et tout ce qui est adapté à son âge lui permet de développer sa motricité et d’interagir avec les autres. Les tout-petits sont des machines à créer des relations sociales et il est important que les adultes qui les entourent soient disponibles physiquement et psychiquement pour jouer avec eux», poursuit le médecin.
Isabelle Kovacs, co-responsable du Service petite enfance de la ville de Meyrin, précise: «Tous les apprentissages des petits se font à travers le jeu. Dans nos espaces de vie enfantine par exemple, nous mettons l’accent sur la découverte par le jeu, en proposant notamment des moments d’activités libres. Il ne s’agit pas de laisser les enfants livrés à eux-mêmes, mais de leur permettre d’explorer et de laisser libre cours à leur imaginaire sans essayer de les restreindre avec des jouets qui n’auraient qu’une seule fonction. Nous favorisons les objets polyvalents et défonctionnalisés.»
Régulateur d’émotions
Par la répétition des mêmes gestes, par l’observation de ses prouesses et de ses déboires, par la réaction suscitée chez l’adulte ou chez ses copains, le bambin va apprendre à réguler ses émotions, à faire face à la frustration de ne pas réussir comme il le souhaite, à perdre et à persévérer. «Il apprend aussi à prendre des risques pour s’améliorer. Cela suscite en lui l’envie de se dépasser. Les parents ont tendance à penser que pour qu’un jeu soit utile, il doit forcément être pédagogique. Ce n’est pas nécessaire, car en jouant, l’enfant apprend énormément de choses», explique Isabelle Kovacs. Il n’y a qu’à se rappeler de nos aïeux qui se vantaient de passer des heures à s’inventer des aventures extraordinaires et des mondes fantastiques avec trois fois rien à disposition: un bout de bois, un morceau d’étoffe…
Jouer seul, mais sans écran
Jouer seul permet donc d’apprendre l’autonomie, mais les plus jeunes sont très rapidement en demande d’attention. «C’est important que l’enfant puisse explorer parfois seul, pour autant qu’il soit en sécurité et qu’un adulte soit disponible pour lui. Dans les jeux sur écran, il n’y a, d’une part, aucune coopération qui s’installe entre enfant et adulte et, de l’autre, les algorithmes ne s’adaptent pas du tout au joueur. C’est captivant et hypnotique, mais cela ne permet pas de développer de compétences spécifiques. Les petits sont passifs et ceux qui passent trop de temps devant un écran ont des retards de langage, des difficultés à réguler les émotions, entre autres», alerte le Dr Hentsch. Et de conclure: «Mieux vaut un bambin casse-pieds qui réclame de l’attention, qu’un petit qui reste de longues heures calme sur le canapé à regarder la télévision…»
Partager, encourager, explorer
Rien de plus tentant, pour les parents, que d’allumer la petite lucarne ou de laisser un écran dans les mains de son enfant pour avoir un moment de répit et s’atteler à certaines tâches du quotidien. Pourtant d’autres solutions existent et sont bien plus profitables pour les petits:
- Pendant la préparation du repas, proposer à l’enfant de venir à la cuisine et lui donner des ustensiles inoffensifs (éviter le couteau à viande!) pour qu’il puisse imiter ou jouer à la dînette pendant que l’adulte cuisine. Cette solution «participative» est valable également dans d’autres cas de figure (en faisant le ménage, en faisant les courses: les possibilités de «faire comme les grands» sont infinies).
- Mettre à disposition plusieurs types de jeux et d’objets sans réduire les possibilités d’exploration au genre, autrement dit sans restreindre les poupées aux filles et les voitures aux garçons. Chacun et chacune peut s’amuser à pouponner ou imiter un pompier.
- Ne pas donner uniquement des jouets «high-tech» tout en bruit et en lumière aux plus jeunes afin d’éviter qu’ils ne soient plus en mesure de s’intéresser à des objets plus simples et que cela réduise leur champ des possibles.
- Miser aussi sur les jeux en extérieur: dans la forêt avec des bouts de bois, à la plage avec du sable et des galets, en ville avec le mobilier urbain ou en coursant les pigeons par exemple. L’important est encore et toujours de découvrir le monde.
- Encourager l’enfant dans ses réussites et l’aider à persévérer en cas d’échec!