Problèmes multipliés par «dys»
Marc*, 47 ans, infirmier: «Un handicap invisible et complexe»
«À 2 ans déjà, notre fils se montrait particulièrement dispersé et "brouillon". Puis est arrivée l’école et les choses n’ont cessé d’empirer. Les apprentissages pour écrire, lire, compter, frôlaient l’impossible. À la maison, tout était compliqué et ses colères fracassantes. Le diagnostic a été posé aux HUG: notre fils souffre de trouble déficitaire de l’attention avec dyslexie, dyscalculie et dysorthographie. Un traitement a été introduit et une prise en charge intensive mise en place. Aujourd’hui? Entre le neuropédiatre, le neuropsychologue, la psychomotricienne ou encore le logopédiste, nous courons partout, mais notre fils avance et reprend confiance en lui. Ces troubles "dys" restent un handicap invisible et complexe. Notre priorité est de l’aider à avoir autant de chances que les autres pour construire sa vie.»
* Prénom d'emprunt.
Un stylo toujours tenu étrangement, des lacets impossibles à nouer, des calculs désespérément infaisables: certains signes, apparaissant parfois dès le plus jeune âge, peuvent alerter. Quand penser aux troubles dits «dys», qui touchent entre 5 et 10% des enfants en âge scolaire? «Dès lors que les difficultés sont palpables, qu’elles ont une répercussion sur le quotidien, les apprentissages, les interactions avec les autres», estime le Dr Joël Fluss, neuropédiatre et responsable d’un programme des troubles d’apprentissage scolaire aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Tout l’enjeu est alors de poser le bon diagnostic, sachant que ces troubles peuvent se cumuler les uns aux autres. Difficultés d’acquisition de l’orthographe pour la dysorthographie, des mathématiques pour la dyscalculie, de la coordination générale ou de la motricité fine pour la dyspraxie, du tracé des lettres pour la dysgraphie, de l’expression orale pour la dysphasie et du déchiffrage du langage écrit pour la dyslexie: le tableau peut être complexe.
Lorsque le problème est avéré, il faut agir
«Nous ne disposons pas de marqueurs biologiques pour attester des troubles "dys" et ils se rencontrent parfois chez des enfants particulièrement vifs ayant appris à contourner certaines difficultés, ce qui peut brouiller les pistes pour le diagnostic. Mais les outils de dépistage s’améliorent et c’est une bonne chose, car lorsque le problème est avéré, il faut agir. Il en va des apprentissages actuels et futurs de l’enfant, mais également de l’estime qu’il a de lui-même», alerte l’expert. Les solutions à disposition? Le plus souvent, une combinaison de thérapies ciblées (ergothérapie, logopédie, etc.) et d’aménagements scolaires (temps supplémentaire et outils informatiques, par exemple).
À l’origine de tout cela? «Il s’agit de problèmes inhérents au neurodéveloppement, autrement dit à la façon dont certains circuits neuronaux, influencés par les gènes et le contexte de vie, se sont établis et fonctionnent», explique le Dr Fluss. Et de conclure: «Les difficultés scolaires peuvent avoir de multiples causes, il ne s’agit pas de faire passer des tests à tous les enfants. Mais quand les troubles "dys" sont bel et bien présents, un diagnostic précis s’impose pour aider les enfants, mais également leurs parents et enseignants, bien souvent désemparés eux aussi.»
Suzanne, 13 ans: «Je me dis que personne n’est parfait»
«Je sais que je ne fais pas de très beaux dessins, je ne comprends pas grand-chose en maths et je suis moins rapide que les autres quand on joue dans la cour. Mais je vois que mes copines aussi peuvent avoir des problèmes. Alors je me dis que personne n’est parfait…»
Hélène, 43 ans, maman de Suzanne: «Il faut prendre son bâton de pèlerin»
«S’habiller, lacer ses chaussures, dessiner, compter : toutes ces choses du quotidien se sont avérées très compliquées pour Suzanne. Nous savons aujourd’hui qu’elle souffre d’une dyspraxie sévère associée à un trouble logicomathématique et d’un déficit de l’attention. La prise en charge aux HUG a été exceptionnelle pour le diagnostic et le suivi annuel, mais le combat est quotidien. Il faut prendre son bâton de pèlerin pour obtenir et coordonner les rendez-vous avec les spécialistes en ville (ergothérapeute, psychomotricien, logopédiste, etc.), ainsi qu’avec l’école pour la mise en place des adaptations nécessaires. Cela représente beaucoup de temps et d’énergie, mais s’avère payant. Suzanne a fait des progrès formidables.»
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Article repris du site pulsations.swiss