Comment traverser un deuil
C’est une période de la vie que nous redoutons toutes et tous. Pourtant, le deuil, qui obéit à certaines étapes définies, est une phase nécessaire dans l’acceptation de la perte d’une personne chère. Le cheminement s’étale le plus souvent sur plusieurs mois, voire années, mais n’excède généralement pas deux ans. La première phase du deuil est un état de choc, caractérisé par une réaction de sidération affective, un abattement. Elle peut aussi être associée à un déni ou à des symptômes dissociatifs, la personne endeuillée n’arrivant pas à intégrer la réalité de la perte de l’être aimé. Vient ensuite la phase dépressive, marquée par de la colère, de la protestation, avec parfois la recherche d’un coupable, et un état de tristesse lié au manque de l’être cher. Puis apparaît le temps du rétablissement et de la réorganisation, caractérisé par l’acceptation de la réalité et l’adaptation de la vie quotidienne. Cet apaisement retrouvé marque la fin du processus de deuil.
Quand les choses durent…
Dans un cas sur dix néanmoins, le deuil se complexifie et persiste: il s’agit de deuil prolongé ou pathologique. Afin d’en définir les contours et les critères diagnostiques, l’American Psychiatric Association a inscrit ce trouble dans la dernière révision de son Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5). Ainsi, si l’état d’abattement et de sidération se prolonge au-delà de douze mois chez l’adulte et six mois chez l’enfant, et qu’il s’accompagne d’au moins la moitié des symptômes caractéristiques (parmi lesquels: difficulté marquée à accepter la mort, à faire confiance à autrui, sentiment de vide, perte de sens et d’intérêt pour la vie, etc.), il est question alors de deuil complexe et persistant.
Dans certains autres cas, le deuil se complique avec, par exemple, un épisode dépressif ou un trouble de stress post-traumatique dans les situations de deuil traumatique. «Il est nécessaire d’être vigilant quant au risque suicidaire dans toutes les situations de complication de deuil, tout comme aux risques de développement ou d’aggravation des conduites addictives», indique la Dre Lamyae Benzakour, médecin adjointe en charge de la psychiatrie de liaison aux HUG.
Comment se faire aider?
Un soutien psychologique adapté est recommandé lorsque les symptômes du deuil durent ou s’intensifient. «En tant que thérapeute, la première action lorsque je suis face à une personne en deuil est de repérer les facteurs de risque de complications, comme l’isolement, ou encore un contexte soudain ou violent de décès, qui peuvent être propices à une persistance du trouble», explique la spécialiste.
Parmi les outils disponibles, la thérapie cognitivo-comportementale, dont le principe est de travailler en collaboration active avec la personne sur les pensées, les émotions, les comportements et aussi sur les sensations physiques, s’avère efficace. Les groupes de soutien, qui permettent d’échanger entre pairs, sont également souvent bénéfiques. «Le but est de normaliser le deuil afin d’aider à prendre conscience de cette réalité tout en accueillant les émotions, sans chercher à les combattre», confie la psychiatre.
Enfin, pour tout un chacun et chacune, la mise en place de rituels propres à sa culture est aussi à favoriser, car ils permettent de prendre acte de la perte.
Le paradoxe du deuil «blanc»
Accompagner quelqu’un qui souffre d’une maladie neurodégénérative est une épreuve qui, sous certains aspects, peut s’apparenter au processus de deuil. Il s’agit alors de deuil «blanc». «La personne que nous connaissions est encore avec nous, mais les symptômes cognitifs de la maladie la font disparaître jour après jour. C’est un paradoxe: la mort n’est pas encore là, mais le processus du deuil est entamé, face au sentiment de la perte progressive d’un être cher», explique Lara Fazio, neuropsychologue responsable d’un programme de soutien aux familles de personnes atteintes de troubles cognitifs.
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Article repris du site pulsations.swiss