Accompagner les parents dans le deuil périnatal
Deuil et dépression
Malgré les souffrances qu’il peut engendrer, le deuil n’est pas une maladie et ne doit donc pas être traité comme une dépression. Le désespoir intense et profond qui l’accompagne est l’expression momentanée d’un processus naturel, au cours duquel se succèdent cinq phases distinctes (voir encadré). L’ordre et la durée de ces étapes peuvent cependant varier selon les individus. Et il est important que l’accompagnement prodigué par les soignants ne se limite pas à la seule période de tristesse, même si c’est souvent la plus spectaculaire.
Les étapes du deuil
- Déni: refus de la réalité.
- Colère,protestation: recherche d’un coupable – possiblement le personnel médical et soignant.
- Désorganisation,prise de conscience du caractère définitif de la perte: peur, douleur, impuissance, désespoir – repli, parfois rupture de communication entre conjoints.
- Réorganisation,résignation,recherche de sens: recherche de soutien, reprise du quotidien.
- Acceptation, ou plutôt adaptation: stabilité, paix, sérénité.
Un deuil particulier
La mort périnatale peut survenir, selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en cours de grossesse, à la naissance ou durant les sept premiers jours de vie. Le deuil périnatal se singularise donc par le fait qu’il intervient à un moment qui était destiné à l’arrivée de la vie. Ce n’est donc pas un deuil du passé mais celui de l’avenir, de la vie qui ne se déroulera pas. L’assimilation de la réalité du décès est compliquée par le fait que l’être perdu n’a pas (ou peu) été physiquement présent. Il n’y a donc pas d’absence remarquable, ni de souvenirs.
Réagir en tant que soignant
La douleur intense ressentie par les parents endeuillés peut induire chez les soignants deux mouvements contraires. Ils peuvent dans un premier temps exprimer une compassion hyperactive, puis fuir, voire développer une certaine agressivité. Le temps de tolérance de l’entourage ne correspond pas toujours à celui dont ont besoin les parents pour progresser dans leur processus de deuil. Le temps pour dire et le temps pour entendre ne sont pas toujours les mêmes.
La difficulté à se confronter à un deuil impensable et les possibles maladresses devant l’insupportable nécessitent une prise en charge conjointe. Un accompagnement pluridisciplinaire est assuré par exemple au sein des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Il réunit des professionnels du Département de gynécologie-obstétrique, du Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise, de la Direction des soins, de l’Unité de néonatalogie, du Service de pathologie clinique et aussi de l’Aumônerie. Ce travail conjoint apporte un soutien important à ceux qui partagent avec les parents ces moments où la naissance est synonyme de mort, en permettant une reconnaissance de leur souffrance.
Rencontrer son enfant mort
Il arrive souvent que la sage-femme ait été l’une des seules personnes à avoir vu, touché ou manipulé le bébé mort-né. Elle peut aider le couple à clarifier son envie de «rencontrer» son enfant, de le toucher, le porter et lui dire au revoir d’une façon plus tangible. Une photo, l’empreinte du pied, le bracelet de naissance ou encore une mèche de cheveux de l’enfant peuvent constituer des souvenirs qui aident à rendre visible la présence de ce bébé, de concrétiser son existence si brève qu’elle ait été.
Pour pouvoir perdre leur bébé et s’en séparer, les parents doivent d’abord avoir pu le faire exister dans le réel. Il importe d'individualiser et personnaliser les rituels d'accompagnement selon les repères culturels, familiaux ou moraux des parents, afin d'intégrer la mort dans ce qui fait la vie pour le couple concerné.
Le soutien psychologique
S’il n’est pas pathologique, le deuil peut parfois atteindre un degré de souffrance qui nécessite un accompagnement psychothérapeutique ou psychiatrique. La psychothérapie vise la «mise au monde» du bébé malgré la mort, afin de favoriser le processus de séparation entre la mère et son enfant. Une étape particulièrement importante lorsque le bébé est mort in utero.
Cet accompagnement permet aussi d’aborder la possible différence de vécu entre le père et la mère, et d’apporter à chacun des réponses adaptées. Il peut également s’avérer utile lors d’une nouvelle grossesse, qui peut réactiver les émotions intenses vécues lors du deuil prénatal, et devenir source d'angoisse aux dépens du soulagement réparateur attendu.
Référence
Adapté de: «Etre là quand on ne peut rien faire: accompagnement du deuil périnatal», Dr Kerstin Weber, Dr Elodie Girard, Dr Alessandra Canuto, Simona Toma, Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise (SPLIC), Département de santé mentale et psychiatrie; Jocelyne Bonnet, Direction des soins; Dr Manuella Epiney, Département de gynécologie et d’obstétrique; HUG, Genève. In Revue médicale suisse 2014: 10: 390-2. En collaboration avec les auteurs.