La luminothérapie pour remplacer les antidépresseurs?

Dernière mise à jour 26/01/20 | Article
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«C’est une saison qui me déprime!» On estime que 2 à 4% de la population seraient touchés par la dépression saisonnière. Si la luminothérapie est souvent indiquée dans ces cas spécifiques, elle pourrait aussi avoir une action capitale sur des troubles plus profonds. Explications.

Le chiffre

10 à 15% des individus sont concernées par le blues hivernal, qui se caractérise notamment par une fatigue générale, un mal-être, des problèmes de concentration, ou encore un attrait pour le sucre.

Un café en tête-à-tête avec sa lampe de luminothérapie tous les matins d’hiver, voici le rituel de Nathalie*. «Je présentais tous les symptômes de la dépression hivernale: humeur maussade, manque d’énergie et d’entrain, irritabilité, fatigue… confie-t-elle. Depuis cinq ans, la luminothérapie est devenue un réflexe quotidien dont je vois en quelques jours les effets sur mon humeur, et qui ​me permet de passer l'hiver sans avoir recours à un traitement médicamenteux.»

De la lumière pour remplacer les médicaments dans le traitement de la dépression, qu'elle soit saisonnière ou non? C’est aujourd’hui une réalité. Une récente étude française menée par une équipe du CHU de Strasbourg et parue dans Sleep Medicine Reviews nous en apprend davantage sur les vertus de la luminothérapie. Cette méta-analyse, menée sur des personnes atteintes de dépression modérée à sévère, conclut que la luminothérapie seule apporte les mêmes résultats qu’un traitement antidépresseur. Ni plus, ni moins. Autre découverte majeure, l’association de luminothérapie et d’antidépresseurs présente un effet nettement supérieur à la monothérapie. «La combinaison de ces deux traitements est plus efficace que s’ils sont utilisés seuls, ce qui suggère que l’on peut la proposer en traitement de première intention pour stimuler et accélérer le taux de réponse», conclut le Dr Pierre-Alexis Geoffroy, psychiatre, médecin du sommeil et principal auteur de l’étude.

C’est là certainement la grande nouveauté de ces travaux. Si la luminothérapie «a déjà fait ses preuves pour les dépressions saisonnières - qui se définissent par la récurrence d’épisodes dépressifs en automne/hiver et une amélioration nette de l’état lors des saisons ensoleillées –  les études récentes montrent clairement que ce traitement peut aussi avoir un réel bénéfice dans les dépressions non saisonnières, explique la Dre Sylfa Fassassi, médecin associée au Service de psychiatrie générale du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). La possibilité d’utiliser la luminothérapie en traitement adjuvant pour ces pathologies est à encourager.»

Bien choisir sa lampe de luminothérapie

Des lampes de luminothérapie, vous en trouverez de nombreuses sur Internet ou en magasin, à des prix très différents. «Il est essentiel de s’assurer que la lampe porte bien la norme CE, qui assure une certaine qualité», prévient la Dre Hélène Richard-Lepouriel, médecin adjointe responsable de l'Unité des troubles de l'humeur aux HUG. Autre exigence: qu’elle émette une luminosité de 10’000 lux, la puissance nécessaire pour pouvoir bénéficier du traitement «avec une exposition quotidienne de 30 à 40 minutes». Suivez strictement les recommandations d’utilisation, en plaçant la lampe à bonne distance du visage (généralement 60 à 80 cm, à adapter selon les directives de l’appareil), pour en retirer tous les bénéfices. «Il est également important de s’exposer le matin, tôt, afin de favoriser le réveil et d’emmagasiner de la lumière pour la journée.» Et ce, pendant quelques semaines jusqu'à la période de rémission spontanée habituelle, au printemps ou en été. Notez enfin que les lampes de luminothérapie peuvent être remboursées par la caisse maladie en cas de prescription médicale pour «dépression saisonnière automne-hiver».

De l’œil au cerveau

Mais comment de simples rayons agissant de façon locale peuvent-ils se montrer aussi efficaces qu’un médicament? Tout se jouerait dans l’œil. La lumière, captée par les cellules de la rétine, est transmise jusqu’à l’hypothalamus de notre cerveau, où elle bloque la conversion de la sérotonine en mélatonine, un procédé permettant de réguler les rythmes circadiens jour/nuit. Pour résumer, tandis que la journée nous avons besoin d’un bon stock de sérotonine – neurotransmetteur impliqué notamment dans certains troubles psychiatriques comme la dépression –, le soir, c’est la mélatonine qui favorise l’endormissement. «Chez les personnes atteintes de dépression hivernale, le peu de lumière emmagasiné le jour ne permet pas à ce mécanisme de transformation de fonctionner correctement, explique la Dre Hélène Richard-Lepouriel, médecin adjointe responsable de l'Unité des troubles de l'humeur aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). La sérotonine continue alors à être transformée en mélatonine durant la journée, comme si c’était la nuit.» Conséquence: le manque de sérotonine provoque un état dépressif, tandis que l’accumulation de mélatonine entraîne une hypersomnie durant la journée.

Face à cette défaillance, la luminothérapie permet de compenser le manque de lumière naturelle et de relancer le bon fonctionnement du système. «Dans certains cas de dépression non saisonnière, ce mécanisme est également dysfonctionnel, d’où l’intérêt de la luminothérapie en traitement adjuvant». Elle peut en effet compléter l’action des antidépresseurs et permettre une plus grande rapidité d’action. «Avec la luminothérapie, les améliorations se voient dès la première semaine, contre deux à quatre semaines pour un traitement par antidépresseurs, constate la Dre Fassassi. Cette rapidité d’action est un avantage certain pour les patients qui souffrent de dépression sévère.»

Autre avantage de la luminothérapie, l’absence quasi totale d’effets secondaires liés à son utilisation. Si quelques cas bénins de maux de tête ou d’irritation des yeux ont été relevés, ils restent extrêmement rares, tandis que ceux des antidépresseurs (troubles de la libido, nausées, troubles du sommeil, prise ou perte de poids…) sont observés chez une majorité de patients. «Il est important aussi de rappeler que les lampes de luminothérapie n’émettent pas d’UV mais uniquement le spectre de la lumière visible, rappelle la Dre Richard-Lepouriel. Il n’y a donc pas de risque de cancer de la peau.»

De la lumière sur ordonnance

«Pour en retirer des bienfaits optimaux, j’ai un peu tâtonné au début, confie Nathalie. Désormais je m’expose tous les matins au petit-déjeuner, cinq jours par semaine minimum. J’ai remarqué que lorsque je cassais cette régularité, les bénéfices étaient moindres.» De la même façon qu’un médicament, la luminothérapie doit être dosée selon la gravité des symptômes et le profil du patient. D’où l’importance d’en discuter avec un médecin avant utilisation. «Une évaluation médicale permet de personnaliser le traitement et est nécessaire pour traiter les dépressions bipolaires pour lesquelles il faut surveiller le risque de virage en manie**, précise la Dre Fassassi. Consulter son médecin permet de s’assurer de l’absence de potentielles contre-indications, comme lors de l’existence de pathologies oculaires.»

Ces mises en garde placées de côté, pourquoi la luminothérapie est-elle si peu présente sur les ordonnances de patients dépressifs? Elle reste en effet une option thérapeutique rarement prescrite en Suisse, où 5% de la population consomme des antidépresseurs chaque semaine, un chiffre en constante hausse. «Beaucoup de gens ne connaissent pas cette alternative, la perçoivent comme un gadget ou trouvent son utilisation trop contraignante, regrette la Dre Richard-Lepouriel. C’est pourtant un traitement qui fonctionne bien. Il faut faire évoluer les mentalités à son sujet.»

Contre la dépression, plusieurs remèdes

D’autres alternatives aux antidépresseurs, utilisées parfois en complément de ceux-ci, ont fait leurs preuves. Dans la plupart des cas, la psychothérapie est incontournable et a des effets durables. Il existe de nombreuses approches (thérapie de soutien, thérapie cognitive et comportementale, thérapie familiale et interpersonnelle, psychothérapie analytique…) et le choix de l’une plutôt que de l’autre reste subjectif. Les groupes de parole ainsi que des séances de relaxation ou d’ergothérapie peuvent également s’avérer thérapeutiques.

Un autre traitement, la sismothérapie, est administré depuis plusieurs années, de manière très encadrée. Elle consiste à provoquer des convulsions à l’aide d’un courant électrique (électrochocs) appliqué sur la tête d’un patient en anesthésie générale, qui ne sent donc rien. Cette méthode présente de bons résultats dans les dépressions sévères.

Dans le domaine de la phytothérapie, le millepertuis, une plante commune, est bien connu pour ses vertus anti-dépressives. Enregistré comme médicament depuis quelques années, il est indiqué pour combattre un état dépressif passager et nécessite – comme toutes les approches complémentaires – un accompagnement médical, notamment en raison de ses nombreuses interactions pharmacologiques avec des médicaments usuels.

* Prénom d’emprunt.

** Au sens psychiatrique, la manie, ou l'accès maniaque, se caractérise par une modification de l’humeur et la survenue de certains symptômes comme une hyperactivité, une euphorie, des troubles du sommeil ou encore une mégalomanie.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 26/01/2020.

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