La dépression masculine, un autre visage
Les femmes sont deux fois plus concernées que les hommes par la dépression. Fatigue, perte de motivation, tristesse… bien que certains symptômes soient les mêmes, il existe des signes spécifiques qui caractérisent la dépression masculine, une maladie qui reste nettement sous-diagnostiquée. Parmi eux: des réveils précoces, l’abus de substances (alcool en premier lieu), une hausse de l’agressivité et de l’impulsivité, une hyperactivité, voire des pertes de contrôle. Du point de vue physique, la perte de poids, la tachycardie, l’hyperventilation, les bouffées de chaleurs comptent parmi les symptômes les plus remarquables. Contrairement à ce qu’il se passe chez la femme, la dépression masculine se manifeste davantage sur le plan comportemental qu’affectif. Aussi, la susceptibilité et la méfiance exacerbées de l’homme dépressif ont plutôt tendance à l’isoler sur le plan social et médical.
Par ailleurs, le fait qu’un homme soit affecté par cette pathologie semble moins accepté socialement. En effet, considérés à tort comme plus «combatifs», ils sont plus volontiers victimes de clichés et confrontés à une stigmatisation plus importante. Le repli sur soi et l’absence de soins les confinent alors à une fuite en avant, entre culpabilité et dévalorisation. En résulte un risque de suicide trois à cinq fois plus élevé chez ces hommes, qui passent à l’acte faute de dépistage et de prise en charge.
Outils de dépistage
Les hommes n’étant pas considérés comme une population à risque, ces cas de dépression ne sont pas toujours dépistés. Les outils tels que les échelles de dépistage ne font d’ailleurs pas mention de cette catégorie à proprement parler. Or, déceler la dépression chez les hommes semble d’autant plus crucial que ces derniers ne font pas assez appel à l’aide et ne se font pas prescrire de traitements adaptés suffisamment tôt. Un dépistage précoce permettrait en effet une prise en charge adaptée et une baisse du taux de suicide.
Côté outils pratiques, seule l’échelle de Gotland et ses critères spécifiques permettent à l’heure actuelle de dépister la version masculine de la maladie. «The SAD PERSON scale» (échelle d’évaluation des personnes suicidaires) s’intéresse, quant à elle, aux risques de suicide.
Réticence aux traitements
Si, pour les hommes, la demande de soins est donc une étape plus compliquée, les traitements sont aussi plus difficilement admis. Ces derniers préfèrent souvent faire appel à la médecine d’urgence plutôt qu’entamer un suivi psychiatrique sur le long terme.
Lorsqu’un recours aux médicaments est envisagé, la réponse des hommes et des femmes aux traitements, là encore, diffère. Les diverses classes d’antidépresseurs sont en effet plus ou moins rapides et efficaces selon le sexe du patient. De plus, les éventuels effets secondaires, et notamment les troubles sexuels, sont moins bien tolérés par les hommes, qui interrompent de ce fait plus facilement le traitement. Les interactions avec les psychotropes doivent aussi être détectées.
Sur le plan psychologique, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) ou les psychothérapies interpersonnelles sont les aides les plus abordables et efficaces chez les hommes. L’instauration d’une bonne hygiène de vie et la méditation en pleine conscience (Mindfulness) s’avèrent aussi très utiles pour enrayer la maladie ou prévenir la récidive.
Un enjeu de santé publique
- La dépression (masculine et féminine) concerne plus de 300 millions de personnes dans le monde, soit un quart de la population mondiale.
- C’est la première cause de mortalité chez les hommes entre 15 et 44 ans, les plus de 75 ans étant aussi particulièrement vulnérables.
- C’est la première pathologie mondiale en termes de handicaps et de coût social dans le monde, devant le VIH et les maladies cardiaques.
- Plus courante dans les pays développés, près d’un citoyen sur huit déclare être ou avoir été victime de dépression, et parmi eux, la moitié n’ont pas été traités.
- Entre 2005 et 2015, le nombre de personnes affectées a augmenté de 18%.
- Enjeu de santé publique jusqu’ici sous-estimé, des études sont menées, des outils de dépistage spécifiques développés et la prévention s’est récemment accrue dans plusieurs pays.
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Adapté de «Dépression masculine», Drs Annick Gerber Favre, Kim Hoang Nam Nguyen, Scheherazade Fischberg, Service de médecine de premier recours, Département de médecine communautaire de premier recours et des urgences, HUG. In Revue Médicale Suisse 2016;12:1614-9.
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