Les traumatismes passeraient d’une génération à l’autre
De quoi on parle?
Les faits
Le 21 novembre dernier, en pleine période d’hostilité entre Israël et le Hamas, un autobus explose à Tel-Aviv.
Le gouvernement israélien évoque un «attentat terroriste».
Le bilan
Cet attentat à la bombe a fait près d’une vingtaine de blessés. En plus des dommages corporels, combien d’entre eux resteront traumatisés par cet événement?
Les événements d’une intensité exceptionnelle, comme l’explosion d’un bus à Tel-Aviv le 21 novembre dernier qui a fait une vingtaine de blessés, les massacres répétés en Syrie, les tsunamis, mais aussi les viols, les braquages ou les accidents de voiture, sont susceptibles de créer un traumatisme profond chez les victimes et les témoins. «La peur de mourir ou d’être sérieusement blessé, qu’elle concerne soi-même ou un proche, conduit, dans 3 à 4% des cas, à un état de stress post-traumatique», explique le Dr Daniel Smaga, psychiatre à Genève et président de la Société suisse de psychotraumatologie. Si de telles expériences ont un impact fort sur notre psychisme, elles peuvent aussi influencer la lecture de nos gènes.
Le syndrome de stress post-traumatique (PTSD) se traduit, d’abord, par de la nervosité, un manque d’intérêt pour autrui, de l’anxiété, une vigilance accrue et des troubles du sommeil. «On observe, chez les victimes de PTSD, un changement considérable du fonctionnement social, familial et professionnel, qui conduit à l’isolement. Le moindre élément susceptible de rappeler le drame déclenche une attaque de panique (mains moites, souffle court, cœur qui s’emballe). Le personnage de Rambo en est le parfait exemple. De retour du Vietnam, il fait des cauchemars à répétition et est en proie à des flash-back. Ses visions récurrentes le stoppent dans son présent», détaille leDr Nader Perroud, psychiatre aux Hôpitaux universitaires de Genève.
Le poids de l’environnement
Mais les traumatismes semblent capables de s’imprimer en nous de manière plus profonde, jusqu’à modifier la transcription de nos gènes. Car notre environnement a une influence sur l’expression génétique. Pour comprendre comment ce phénomène s’applique au PTSD, il faut savoir que toute exposition à un stress, physique ou psychologique, entraîne une série de réponses immédiates. Or nos gènes y participent directement par la production de protéines et de l’hormone cortisol, par exemple. «Dans le cas d’un stress important, explique Ariane Giacobino, généticienne aux Hôpitaux universitaires de Genève, les gènes impliqués dans la réponse au stress subissent des modifications chimiques que l’on appelle «méthylations génétiques». Réversibles, ces modifications touchent uniquement la lecture des gènes, en l’empêchant ou en l’activant, et non la séquence génétique elle-même qui, elle, reste intacte.» Toutefois, ces marques peuvent devenir permanentes. C’est ce que tendent à démontrer des études menées sur des vétérans américains, chez qui les symptômes persistent. La méthylation génétique en serait la signature.
Plus étonnant encore, ces méthylations génétiques pourraient se transmettre aux générations suivantes: «En suivant la descendance des victimes de traumatismes, on remarque qu’elle présente des symptômes de stress post-traumatique semblables à ceux de ses parents, alors même qu’elle n’a rien vécu de tel. Ces enfants sont plus déprimés, plus anxieux et risquent davantage de développer un trouble psychiatrique», affirme Nader Perroud. Des traces de ces méthylations pourraient même persister jusqu’à trois voire quatre générations, chez les souris du moins. Mais ces hypothèses restent très controversées, précise Denis Duboule, généticien, professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et à l’Université de Genève: «A chaque nouvelle génération, les gènes sont «nettoyés». Ils passent par une déprogrammation, qui efface les méthylations, par nature réversibles. Les réponses au stress sont faites pour être effacées. Sinon, on ne pourrait pas vivre! Aussi, à part chez les plantes, il n’y a pour l’instant aucune évidence convaincante quant à la transmission héréditaire des caractères acquis.» Le généticien soulève également la difficulté d’identifier génétiquement ces méthylations, qui sont très mouvantes. «En cas de stress, des millions de tissus et de noyaux sont touchés. On ne sait pas où regarder!»
Nouvelles thérapies
De plus, le rôle des facteurs génétiques par rapport à des facteurs culturels, psychologiques ou d’éducation, est très difficile à évaluer: «La victime d’un traumatisme va, d’une certaine manière, transmettre une part de sa douleur à ses proches en racontant plusieurs fois l’histoire vécue», explique Daniel Smaga, lui aussi très prudent. Difficile, dans ces conditions, de déterminer l’origine de la fragilité psychique des enfants des personnes traumatisées. Toutefois, si cette transmission était avérée, elle pourrait ouvrir la voie à de nouvelles thérapies de déprogrammation des gènes, déjà en marche dans les traitements contre le cancer. En attendant, l’épigénétique – nom donné à cette nouvelle discipline – passionne, parce qu’elle pose des questions existentielles tant sur l’origine de nos souffrances psychiques, que sur la possibilité de chacun de nous à s’autodéterminer.
Pas tous égaux face au stress post-traumatique
De même que nous ne naissons pas égaux face à la cigarette, nous ne le sommes pas non plus face au syndrome de stress post-traumatique (PTSD).A la suite d’un incident très violent, certains individus vont développer des symptômes de stress post-traumatique. D’autres, au contraire, se relèveront sans trop de mal. Pourquoi? Les scientifiques tablent sur une vulnérabilité individuelle au PTSD ou, dit autrement, une forme de «résilience génétique».
Autrement dit: des facteurs génétiques empêcheraient sa survenue. Selon la généticienne Ariane Giacobino, «30% de cette vulnérabilité serait attribuable à notre ADN. Une étude faite sur les victimes de l’ouragan en Floride en 2004 a montré la présence d’une variation génétique du gène responsable du transporteur de la sérotonine chez celles qui avaient développé un PTSD». Malgré tout, il reste difficile de déterminer ce qui est inné et ce qui est acquis. Comment savoir si on est prédisposé? «Les personnalités joviales, qui prennent les choses à la légère, seraient plus résilientes», répond le psychiatre Nader Perroud. «Un état psychique fragilisé avant l’événement et la prise régulière de drogues favorisent au contraire la survenue d’un PTSD», ajoute Daniel Smaga.
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