Du LSD pour traiter l’anxiété
D’autres troubles traités par le LSD
Hormis les troubles anxieux, le LSD permet de traiter la dépression, dans le cadre d’une psychothérapie et quand les autres traitements ne sont pas efficaces. Des études et des traitements réalisés indiquent également que la substance a des effets positifs pour lutter contre le trouble obsessionnel compulsif et les addictions. «Le LSD pourrait aussi être utile dans le cas de maladies neurodégénératives, car il renforce la neuroplasticité, explique Gregor Hasler, chercheur et professeur ordinaire à l’Université de Fribourg. Des études dans ce sens sont en cours.» À part le LSD, d’autres psychédéliques sont utilisés pour soigner certains troubles, comme la psilocybine, aux effets proches du LSD, et la MDMA.
Le LSD a été découvert puis synthétisé dans les années 1940 par le chimiste bâlois Albert Hoffman. Depuis une dizaine d’années, il connaît un regain d’intérêt dans le cadre thérapeutique, pour ses effets bénéfiques sur de nombreux troubles psychiques, dont l’anxiété.
Un psychédélique aux effets très divers
Une fois administré, le LSD atteint le cerveau et se fixe aux récepteurs normalement destinés à la sérotonine, un neurotransmetteur. «C’est un mécanisme très spécifique mais qui produit des effets très variés, explique Gregor Hasler, chercheur et professeur ordinaire à l’Université de Fribourg. Cela entraîne une modification profonde du flux d'informations dans tout le cerveau. Des régions qui ne se parlent pas habituellement entrent en dialogue.» Cette plus grande connectivité entre les différentes régions du cerveau favorise la plasticité cérébrale: la capacité des neurones à créer de nouvelles connexions et à se réorganiser, par exemple lors d’apprentissages. Un effet qui perdure durant les semaines suivant la prise de LSD et pendant lesquelles la psychothérapie qui y est associée est «catalysée».
En plus des effets sur le cerveau, le LSD produit de nombreux effets subjectifs, pendant environ 6 à 12 heures. Dissolution du «moi» ou de la conscience d’être soi, sensation de ne faire qu’un avec l’univers, excitation émotionnelle, perte de la notion du temps et impression que les pensées vont plus vite, etc. «Le LSD altère aussi momentanément les perceptions visuelles et auditives, explique Louise Penzenstadler, médecin adjointe agrégée au Département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Le LSD est un traitement en général bien toléré, avec pas ou peu d’effets secondaires (parfois de l’anxiété transitoire, des nausées ou des maux de tête) et la majorité des personnes traitées sont satisfaites.Il n’y a pas non plus de risque d’addiction.»
Le LSD pour lutter contre l’anxiété
Des études réalisées avec des personnes en phase terminale de différentes maladies et présentant une anxiété liée à la fin de vie, ont montré que le LSD a un effet anxiolytique. «C’est également le cas pour les personnes dépressives ayant des symptômes anxieux et pour le trouble du stress post-traumatique», détaille Louise Penzenstadler. Pour l’instant, on ne sait pas exactement comment le LSD agit contre l’anxiétéCela pourrait notamment passer via son action sur l’amygdale, une zone du cerveau impliquée dans la gestion de la peur et de l’anxiété. Pour la médecin, «le traitement facilite l’accès aux émotions. Il permet ainsi aux personnes de se confronter avec des situations anxiogènes qu’elles ont pu vivre dans le passé et de retrouver des sensations physiques qui rappellent cet état d’anxiété. Cela les aiderait à dépasser certains de ces souvenirs anxiogènes. Le LSD peut également générer une sensation d’amour-propre très forte, ce qui active certaines ressources que les gens n’avaient pas jusque-là.»
Au cours des séances de psychothérapie qui suivent l’administration du traitement (lire encadré), les gens peuvent prendre de la distance et changer leur point de vue sur leur maladie ou leur problème. Des études montrent également que l’état hallucinogène ou mystique procuré par le LSD joue un rôle important: «Plus il est présent, plus les bénéfices pour la thérapie sont grands, explique Gregor Hasler. On ignore toutefois si les effets bénéfiques du LSD contre l’anxiété sont purement psychothérapeutiques, biologiques (liés à la neuroplasticité) ou les deux.L’effet placebo est également important et difficile à contrôler. C’est une chose à étudier.»
Qui peut recevoir un traitement de LSD?
«Il est réservé aux personnes qui ont déjà essayé plusieurs traitements sans succès, explique Louise Penzenstadler. Elles doivent aussi avoir un suivi psychologique. Au préalable, une évaluation est réalisée pour exclure les contre-indications, comme une maladie cardiovasculaire instable, un trouble psychotique ou bipolaire, un risque génétique et la prise de certains médicaments.» Le nombre de personnes pouvant être traitées par le LSD est actuellement limité par le fait que les équipes médicales doivent obtenir une autorisation pour chaque patiente et patient auprès de l’Office fédéral de la santé publique. Pour Gregor Hasler, «Il faudrait permettre l’accès au traitement à des personnes avec une situation moins sévère et élargir l’indication à d’autres troubles.Pour l’instant, le LSD est utilisé en dernier recours, alors que l’on pourrait commencer la thérapie avec cette substanceplutôt qu’avec des antidépresseurs.» Les deux spécialistes s’accordent pour dire que de nombreuses études sont encore nécessaires et avec un nombre de personnes plus grand, notamment pour évaluer les indications et les doses les plus adéquates.
La psychothérapie assistée par psychédélique
Pratiquée au Réseau fribourgeois de santé mentale et aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), la psychothérapie assistée par psychédélique commence par une ou plusieurs séances préparatoires permettant d’établir les questions que la personne se pose, ses attentes et/ou les comportements qu’elle souhaite changer.Lors de la séance suivante, une dose de LSD est administrée: la personne est généralement allongée sur un lit, dans une chambre neutre pour ne pas l’influencer. L’effet commence après environ trente minutes à une heure. «Un masque de sommeil pour les yeux et de la musique sont proposés, ce qui permet aux personnes de se concentrer et de renforcer leurs sensations intérieures et un état de "transe", raconte Louise Penzenstadler, médecin adjointe agrégée au Département de psychiatrie des HUG. Pendant toute la journée, la personne est surveillée par le personnel soignant. Le lendemain, on réalise un entretien d’intégration pour qu’elle revisite la séance et explique toutes les étapes par lesquelles elle est passée et ce qu’elle a ressenti. Le matériel récolté est ensuite interprété lors de séances de travail avec une ou un psychothérapeute.» La séance peut être renouvelée après un à deux mois selon les cas, au maximum trois fois par année.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 04/12/2022
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Anxiété
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