Soigner grâce aux psychédéliques
Avoir recours à un psychédélique pour soigner un trouble anxieux, une dépression ou même une addiction, c’est ce que propose par exemple le Service d’addictologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) depuis 2020. «Si la psychothérapie assistée par psychédélique (PAP, ndlr) s’impose partout dans le monde, elle peut se pratiquer sous supervision médicale en Suisse depuis 2014. Désormais, l’Office fédéral de la santé publique est submergé de demandes, tant cette approche suscite l’intérêt», explique le Pr Daniele Zullino, médecin-chef du Service d’addictologie des HUG.
Pourquoi un tel engouement médical pour ces drogues dont la consommation est habituellement associée à un usage récréatif? «Le LSD ou la psilocybine (substance présente dans certains champignons hallucinogènes, ndlr) modifient la connectivité cérébrale. Dans le cadre de la PAP, les patients et patientes explorent ainsi d’autres voies neuronales, ce qui peut lever certains freins et débloquer des situations problématiques. Les perceptions changent, y compris celle du temps, la personne a parfois le sentiment de se connecter avec le monde entier et parvient à relativiser les problèmes qu’elle rencontre. Cette thérapie, qui s’organise sur plusieurs séances, est intéressante pour soigner les troubles pour lesquels les circuits neuronaux sont figés, ce qui survient en cas de dépression par exemple», poursuit l’expert.
Investissement en temps et en argent
À noter que la PAP n’est pas proposée en première intention, elle est destinée aux personnes chez qui les traitements classiques ont déjà été tentés sans succès. De plus, elle nécessite un investissement personnel et également financier, la substance utilisée n’étant pas remboursée. Autre précision importante: ses bienfaits ne sont pas systématiques. En effet, dans un tiers des cas, l’utilisation de psychédélique n’apporte pas de résultat notable. Des contre-indications existent par ailleurs: la PAP n’est en principe pas proposée aux personnes ayant présenté des troubles psychotiques ou bipolaires.
En pratique, la substance se prend le matin à l’hôpital et requiert de rester sur place pendant toute la durée du «voyage» (six à huit heures sous psilocybine, entre dix et douze heures sous LSD). «Un ou une infirmière fait l’évaluation préalable. Cette rencontre est indispensable pour établir un lien de confiance et définir les intentions thérapeutiques de la séance. Il ou elle reste ensuite aux côtés de la personne pendant toute la PAP pour l’accompagner, notamment dans des moments parfois très intenses (lorsque, par exemple, certains traumatismes remontent à la surface), et l’aider à se recentrer sur ses sensations corporelles sans les interpréter», explique Laurent Szczesniak, infirmier responsable de la coordination au Service d’addictologie. Maux de tête, nausées et parfois problèmes d’endormissement la nuit suivant l’expérience font partie des rares effets secondaires possibles.
Le lendemain de la PAP, la personne retourne à l’hôpital pour discuter de son expérience avec le ou la médecin qui la suit en thérapie et qui lui a donc prescrit la substance, ainsi qu’avec l’infirmier ou l’infirmière présente la veille, lors de la prise du psychédélique. «Cela permet de faire part des observations effectuées pendant la séance et de relier cette dernière aux objectifs qui avaient été définis», précise l’infirmier. Et le Pr Zullino de rappeler: «Cette séance s’inscrit dans un suivi psychothérapeutique avec le ou la médecin et ne se suffit pas à elle-même.»
Qu’en est-il des risques de développer une dépendance à ces produits hallucinogènes? «Le LSD et la psilocybine aident en réalité à lutter contre les addictions en agissant sur la dopamine du cerveau, elles n’en développent donc pas», conclut l’expert.
«Le LSD a fait sauter les murs que j’avais construits autour de moi»
Hélène*, 60 ans, explique: «J’ai suivi plusieurs thérapies pendant 25 ans et j’avais l’impression de ne plus avancer. J’ai entendu parler de la psychothérapie assistée par psychédélique et j’ai voulu tester.» Hélène obtient alors un rendez-vous pour cette approche, en complément d’un suivi thérapeutique au long cours: «J’ai fait trois séances sous LSD. C’était assez effrayant au début, car j’ai revécu mes traumas d’enfance. Je savais que j’allais passer par là et la présence de l’infirmière dans la salle était rassurante. Le LSD a fait sauter les murs que j’avais construits autour de moi pour me protéger.» En parlant ensuite de ces expériences avec sa psychothérapeute, Hélène a pu aborder les choses sous un autre angle et ainsi progresser et se sentir beaucoup mieux.»
* Prénom d’emprunt.
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Article repris du site pulsations.swiss