Maladie d'Alzheimer: la prévention s'organise
En Suisse, la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées touchent environ 150’000 personnes, un chiffre qui pourrait plus que doubler d’ici trente ans. Ces affections neurodégénératives se caractérisent par une destruction lente et progressive des neurones, menant typiquement à des troubles de la mémoire, puis d’autres fonctions cognitives, jusqu’à une perte d’autonomie très handicapante au quotidien.
Task force pour une prévention personnalisée
La prévention, meilleure alliée contre la maladie d’Alzheimer
«Au-delà des facteurs génétiques ou liés au vieillissement sur lesquels nous ne pouvons pas agir, environ 40% des facteurs jouant un rôle dans l’apparition de la maladie d’Alzheimer sont modifiables, explique Andrea Brioschi-Guevara, neuropsychologue au CHUV et responsable du programme CareMENS (lire texte principal). Autant d’aspects sur lesquels agir en termes de prévention, comme le niveau d’éducation, l’isolement social, la dépression, des facteurs vasculaires (hypertension mal contrôlée, diabète, obésité), le manque d’activité physique, la consommation de tabac et d’alcool.» Pour les personnes ayant déjà un trouble cognitif, le traitement non pharmacologique est le plus efficace pour prévenir le déclin cognitif et la perte d’autonomie. «La prise en charge peut être notamment neuropsychologique (pour apprendre quels types de mémoire fonctionnent et les activer), logopédique ou physiothérapeutique.»
Dirigée par l’Université de Genève (UNIGE) et les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), une task force internationale comprenant également le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) a mis sur pied un programme axé sur la prévention de la maladie d’Alzheimer. «Nous voulons créer un nouveau centre qui sera dédié aux personnes à risque de développer la maladie d’Alzheimer ainsi qu’à celles se plaignant de problèmes de mémoire ou d’autres troubles cognitifs alors que leurs examens cliniques sont normaux. Ces cas de "plainte cognitive subjective" représentent environ 20% des personnes qui arrivent dans les Centres de la mémoire. Pour toutes les patientes et patients, un protocole permettra de les suivre et de leur apporter des réponses», explique Federica Ribaldi, chercheuse au Centre de la mémoire des HUG et membre de la task force.
La première étape de ce protocole consiste en l’évaluation des facteurs de risque favorisant l’apparition de la maladie d’Alzheimer, du point de vue génétique et des conditions et modes de vie (par exemple, hypertension, sédentarité, isolement social). Un niveau de risque relatif est ensuite communiqué, ainsi qu’un programme de prévention personnalisé pour réduire les différents risques identifiés comme modifiables. Ce programme cible notamment la cognition, l’activité physique, la nutrition et les facteurs de risque vasculaires. «Ces interventions combinées pourraient être efficaces pour retarder le déclin cognitif chez les personnes n’ayant pas encore de troubles cognitifs et particulièrement pour celles à haut risque de développer Alzheimer», poursuit la chercheuse. La dernière mission de ce programme est de proposer un renforcement cognitif au travers de jeux et exercices qui stimulent les différentes formes de mémoire. Une première phase pilote aura lieu à la fin de l’année dans le Centre de la mémoire de Genève. Dès 2025 commencera le déploiement clinique dans un centre spécifique, pour le grand public.
Prévention de la perte d’autonomie
Un autre projet vise à ralentir le déclin cognitif lié à la maladie d’Alzheimer et surtout à limiter la perte d’autonomie. Développé au CHUV et appelé CareMENS (care pour soins et MENS pour esprit et pour MEmoire et NeuroScience), il se déploie à travers la plupart des Centres de la mémoire romands. «Le programme s’adresse aux personnes au stade débutant de la maladie, mais aussi à celles présentant une plainte cognitive subjective, car même si elles n’ont pas de troubles de la mémoire ni de perte d’autonomie, elles sont à risque d’en développer, détaille Andrea Brioschi-Guevara, neuropsychologue au CHUV et responsable du programme CareMENS. Le but est de maintenir, voire d’améliorer, la qualité de vie des personnes atteintes et aussi d’agir sur l’anxiété et la dépression des patientes et patients et de leurs proches.» Le programme CareMENS propose des traitements cognitifs, physiothérapeutiques ou logopédiques aux personnes âgées à risque de développer des troubles.
Un poste de care manager a aussi été créé pour faire le lien entre ces prises en charge médicales et paramédicales et la société, explique la neuropsychologue: «Par exemple, un traitement physiothérapeutique aura pour but d’amener une personne à pratiquer une activité en groupe, comme de l’aquagym, afin de la sortir du cadre purement médical et d’éviter l’isolement.» Enfin, le programme a mis en place des formations pour le personnel des salons de coiffure, cafés, pharmacies ou encore supermarchés qui est en contact régulier avec des personnes âgées. «Le but est de leur apprendre à connaître la maladie et à identifier un trouble cognitif ou du comportement chez la personne âgée. Cela leur permettra de réagir de façon adéquate et de diriger la personne vers un itinéraire de soins adapté», poursuit Andrea Brioschi-Guevara. Les premières observations indiquent que le programme améliore la dimension «participation sociale» de la qualité de vie des bénéficiaires et diminue leur anxiété. Il permet aussi de maintenir leur autonomie malgré une baisse cognitive.
Bientôt un nouveau médicament contre la maladie d’Alzheimer?
À l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement pouvant guérir la maladie d’Alzheimer. Certains permettent au mieux d’atténuer ses symptômes. Mais en janvier dernier, l’agence américaine des médicaments (FDA) a autorisé la mise sur le marché d’un nouveau médicament ayant démontré un effet positif contre cette maladie, le Lecanemab. «Au cours d’une étude clinique de dix-huit mois, ce médicament a permis de réduire la quantité de deux protéines toxiques (amyloïde et tau) présentes dans le cerveau des malades et qui sont impliquées dans le stade initial de la maladie et sa progression, explique le Dr Olivier Rouaud, neurologue au Centre de la mémoire du CHUV. Ces effets se sont traduits par un léger ralentissement du déclin cognitif et de la perte d’autonomie chez des malades au stade débutant. En revanche, dans certains cas, des œdèmes et des micro-saignements ont été observés dans le cerveau, provoquant parfois des symptômes indésirables.» En Suisse et en Europe, le médicament est en attente d’approbation par les autorités compétentes. S’il devient disponible, il ne sera toutefois accessible qu’aux malades au stade débutant, avec des marqueurs biologiques anormaux (comme l’amyloïde) et à très faible risque d’effets indésirables.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 12/03/2023
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