Neuroleptiques
es neuroleptiques sont utilisés en premier lieu dans le traitement des psychoses. Ce groupe de médicaments divise fortement les médecins et les personnes concernées en raison de leurs effets indésirables parfois considérables. Au cours des dernières années, les chercheurs ont mis au point des neuroleptiques dits «atypiques», qui permettent d’éviter certains effets indésirables, même s’ils en provoquent certains autres qui leur sont propres.
«J’ai dû reconnaître que la psychose revient quand je ne prends pas de neuroleptiques. Aujourd’hui, j’ai un médicament qui n’a presque pas d’effets secondaires»
Qu’est-ce qu’une psychose?
Le terme «psychose» est une dénomination générale utilisée pour décrire l’état d’une personne qui ne vit plus la même réalité que celles qui l’entourent. Elle peut par exemple se sentir poursuivie ou menacée sans raison concrète, avoir l’impression que ses pensées sont influencées de l’extérieur ou voir ou entendre des choses qui n’existent pas en réalité (hallucinations). Beaucoup de personnes ayant fait l’expérience de psychoses disent que cet état ressemble à un rêve; en effet, le rêveur ressent lui aussi les événements rêvés comme réels et ne réalise qu’au réveil qu’il s’agissait d’un rêve.
Des épisodes à caractéristiques psychotiques se rencontrent dans différentes maladies. Les personnes souffrant d’un trouble de la personnalité borderline peuvent passer par des phases psychotiques. Les dépressions et les manies sévères peuvent aussi être accompagnées de symptômes psychotiques. Les symptômes psychotiques sont fréquents dans le domaine des troubles schizophréniques. Il arrive souvent qu’une personne souffre plusieurs fois de psychose au cours de son existence. Une crise psychotique brève est généralement suivie d’une longue période sans crise. Cependant, un grand nombre de personnes ne vivent qu’un seul épisode psychotique au cours de leur vie.
Mode d’action des neuroleptiques
Se basant sur un modèle fortement simplifié, les chercheurs en psychiatrie supposent aujourd’hui que, lors des psychoses, les synapses des neurones de certaines régions cérébrales possèdent une concentration anormalement élevée d’un médiateur chimique appelé dopamine. La dopamine joue notamment un rôle dans notre capacité à percevoir et à attribuer de l’importance aux stimuli et influence de façon déterminante l’intensité de notre perception. Un excédent de dopamine aura donc pour effet de renforcer la transmission de certains stimuli. Les neuroleptiques agissent en bloquant les récepteurs de la dopamine, de manière que l’excédent de dopamine ne puisse plus y exercer son action. Ce mécanisme permet d’atténuer la transmission amplifiée des stimuli due à la maladie. Les neuroleptiques agissent cependant également, avec plus ou moins de force, sur d’autres médiateurs chimiques. On a en outre constaté que certaines personnes atteintes de psychose ne présentaient pas d’hyperactivité du système dopaminergique avant le traitement, ce qui limite la validité générale du modèle explicatif susmentionné. Nous savons cependant que les neuroleptiques ont un effet antipsychotique et qu’ils agissent principalement sur le système dopaminergique. C’est sur la base de ces faits qu’a été développée l’«hypothèse de la dopamine» décrite ci-dessus, qui sert aujourd’hui de fondement théorique à presque toutes les thérapies médicamenteuses de la psychose. Il s’agit cependant, comme son nom l’indique, d’une hypothèse, donc d’une supposition.
Les neuroleptiques classiques
On distingue aujourd’hui deux groupes de neuroleptiques: les plus anciens, appelés neuroleptiques classiques ou typiques, et les plus récents, appelés neuroleptiques atypiques. Commençons par les neuroleptiques classiques. Ce groupe contient des médicaments tels que le Haldol©, bien connu, ou le Fluanxol©. Un grand nombre d’entre eux agissent en protégeant des stimuli. Les personnes concernées racontent que lorsqu’elles prennent ces médicaments, elles ont l’impression d’être sous une cloche de verre. Les professionnels déclarent que ces médicaments possèdent un «potentiel antipsychotique élevé». On les utilise surtout lorsqu’il faut contrôler les stimuli externes ou internes ressentis trop intensément lors d’épisodes psychotiques. Un autre groupe de médicaments possède avant tout un effet sédatif. Une personne qui utilise ces médicaments a sommeil, dort mieux, mais fait preuve de moins d’initiative et devient plus passive. Tous ces médicaments peuvent avoir plusieurs effets fort indésirables, en particulier les neuroleptiques à «potentiel antipsychotique élevé», qui provoquent fréquemment des troubles de la motricité. Ils peuvent causer des crampes de groupes musculaires isolés, par exemple des spasmes de la musculature oculaire, durant lesquels les yeux de la personne concernée se déplacent involontairement dans une certaine direction. On appelle aussi ces troubles dans l’accomplissement des mouvements des dyskinésies précoces. La plupart du temps, ils diminuent au cours du traitement ou peuvent être évités par l’utilisation d’un médicament supplémentaire (Akineton©). On a aussi observé une modification de la transpiration, une augmentation de la salivation de même qu’une rigidité musculaire générale, semblable à celle qui se manifeste chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson. L’agitation motrice est aussi fréquente. Les personnes concernées ne peuvent presque plus rester calmement assises. Ces effets indésirables disparaissent en règle générale après l’arrêt du traitement. Il arrive cependant que des dyskinésies tardives surviennent après l’arrêt des médicaments et qu’elles continuent durant toute la vie. La probabilité de leur apparition augmente avec la prolongation de la durée du traitement et l’importance de la dose. Une personne concernée témoigne: «Je souffre de dyskinésies tardives depuis des années. Chaque fois que je m’assieds, mon bassin se plie en avant et je tombe presque de ma chaise. Souvent je ne sors plus de chez moi, car j’ai honte de cette situation.» C’est surtout en raison de ces effets indésirables que de nombreuses personnes concernées considèrent les neuroleptiques classiques comme quelque chose de «diabolique».
«Ce n’est pas agréable d’être psychotique. Mais un épisode survenant à quelques années d’intervalle me semble un moindre mal en comparaison d’une médication constante»
Les neuroleptiques atypiques
Les entreprises pharmaceutiques essaient depuis longtemps de produire des neuroleptiques entraînant moins d’effets indésirables. Les neuroleptiques récents, appelés atypiques, provoquent plus rarement des troubles de la motricité tels que ceux décrits ci-dessus, raison pour laquelle ceux-ci sont surtout utilisés pour le traitement des psychoses depuis quelques années. Ces médicaments s’appellent par exemple Abilify© (aripiprazole), Leponex© (clozapine), Risperdal© (rispéridone), Seroquel© (quétiapine), Solian© (ami-sulpride) ou Zyprexa© (olanzapine). Ils ont aussi des effets indésirables, mais ceux-ci diffèrent en général de ceux des anciens médicaments. Le Leponex© et le Zyprexa© entraînent souvent une prise de poids importante. Ces médicaments peuvent aussi contribuer au développement d’un diabète. Il est médicalement prouvé que l’excès de poids et le diabète sont des facteurs de risque susceptibles d’influencer la durée de vie et ne devraient par conséquent pas être considérés à la légère. Un autre effet secondaire fréquemment observé est une augmentation du taux de prolactine, une hormone produite normalement en plus grande quantité durant la grossesse et l’allaitement. Un taux de prolactine élevé peut entraîner un grossissement de la poitrine et des sécrétions de lait (aussi chez les hommes), de même que des dysfonctionnements sexuels. On a aussi observé dans de rares cas des troubles des battements cardiaques. Pour les éviter, il est recommandé de faire un ECG avant le début du traitement et quelque temps après celui-ci. Dans de rares cas, le Leponex© peut provoquer une modification de la formule sanguine risquant de mettre en danger la vie du patient, raison pour laquelle ce médicament ne peut être prescrit que lorsque la personne concernée fait régulièrement contrôler sa formule sanguine.
Comment les neuroleptiques sont-ils utilisés?
Les neuroleptiques sont principalement utilisés pour traiter les troubles psychotiques sévères aigus. Leur efficacité est démontrée, bien que certains épisodes psychotiques puissent cesser spontanément. On les utilise également pour protéger d’une rechute en cas de troubles schizophréniques. Actuellement, on recommande à une personne qui souffre pour la première fois de trouble schizophrénique de suivre un traitement d’au moins un an pour se protéger d’une rechute. Lorsqu’une personne a souffert de plusieurs crises de schizophrénie, on lui recommande l’emploi de neuroleptiques pendant au moins cinq ans, parfois durant toute sa vie. Les neuroleptiques sont de plus en plus souvent prescrits aux patients «à risque», c’est-à-dire à des personnes qui n’ont pas encore souffert de crise psychotique, mais qui présentent une vulnérabilité élevée pour de telles maladies. Sur le plan éthique, cette pratique est discutable en raison de l’importance des effets indésirables.
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Texte extrait d'une publication Pro Mente Sana (Cliquez sur l'image pour accéder à la brochure pdf ezembed |
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Article original: http://www.promentesana.org/upload/application/60-pmsbrochuremedpsychotropes.pdf