Oreilles décollées, une fatalité?
5% de la population présente un décollement plus ou moins prononcé des oreilles.
Chaque individu naît avec ses caractéristiques physiques, qu’il pourra considérer en grandissant comme des atouts ou, au contraire, des défauts. À l’instar d’un nez bossu, de grains de beauté ou encore de dents écartées, les oreilles décollées sont l’une des particularités fréquemment citées comme source de complexes. On estime qu’environ 5% de la population est concernée par ce phénomène congénital présent dès la naissance. Le décollement ne risque pas d’évoluer dans le temps, même s’il semble plus visible lorsque l’enfant grandit et que son visage s’affine. «Chez un bébé, tout le monde trouve cela mignon, remarque le Dr Anthony de Buys Roessingh, médecin-chef au Service de chirurgie de l’enfant et l’adolescent du Centre universitaire hospitalier vaudois (CHUV). Ce n’est que vers 6-7 ans, lorsque les premières railleries surviennent dans la cour d’école, que les enfants peuvent commencer à nourrir un malaise.»
Une décision qui doit venir de l’enfant
Dès lors, si le mal-être grandit, une correction chirurgicale peut être envisagée. D’un point de vue purement physiologique, il faudra attendre que la croissance des oreilles soit terminée, vers l’âge de 7 ans. Ensuite, la volonté réelle du jeune patient est interrogée. «Personnellement, j’attends que l’enfant soit mature et qu’il exprime lui-même en consultation son souhait d’être opéré, explique Anthony de Buys Roessingh. Chez les filles, cette maturité survient généralement vers 8 ans, soit un peu plus précocement que chez les garçons qui viennent me voir plutôt vers 9 ans.»
Suite à leur demande, le médecin objective le décollement en mesurant la distance entre le pavillon et la saillie arrière de l’oreille (la mastoïde). Mais cette mesure est finalement relative, car il peut y avoir un décollement important sans que l’enfant n’en soit gêné ou, au contraire, un faible décollement qui suscite un gros complexe. «Comme pour tout ce qui touche à la perception de son propre corps, c’est totalement subjectif et personnel», confie le spécialiste.
Opération rapide, mais délicate
L’otoplastie est une intervention chirurgicale d’environ une heure et demie, réalisée en ambulatoire (le patient sortira de l’hôpital quelques heures après) et sous anesthésie générale. Les deux oreilles sont corrigées en même temps, le plus souvent par voie postérieure (arrière de l’oreille).
Après une incision de la peau au niveau du pli naturel (sillon rétro-auriculaire), le cartilage de l’oreille est affiné et assoupli, de façon à améliorer le relief. Le pavillon est ensuite positionné par rapport au crâne à l’aide de points profonds avec des fils non résorbables. Pour finir, la peau est refermée avec des points de suture à fils résorbables, qui seront ôtés quelques semaines après l’opération. Parfois, de petites incisions sont également pratiquées à l’avant de l’oreille. Elles seront dans ce cas dissimulées dans des replis naturels.
Est-ce douloureux?
«Non, l’intervention en soi n’est pas douloureuse, mais les suites opératoires sont contraignantes», prévient le Dr de Buys Roessingh. En effet, un pansement constitué de bandes élastiques doit être porté durant une semaine autour de la tête pour protéger les oreilles. En cas de douleur modérée, des antalgiques peuvent être prescrits dans les jours qui suivent l’opération, ainsi que des antibiotiques pour limiter le risque d’infection.
Après une semaine, le pansement est retiré et un bandage de contention plus léger doit être porté durant trois semaines pour éviter que l’oreille ne soit accrochée en jouant ou lors d’un mouvement nocturne. Durant cette période, il est fortement déconseillé de pratiquer des activités physiques et sportives, afin de limiter le risque d’hématome et d’infection. Les lunettes éventuelles seront maintenues par un élastique derrière la tête pour ne pas gêner la cicatrisation. «Les complications suite à l’opération restent très rares, ajoute le chirurgien pédiatre. Parfois, la cicatrice derrière l’oreille peut s’hypertrophier, mais il est possible de la traiter rapidement.»
Une prise en charge qui manque
Considérée comme une intervention de chirurgie esthétique de confort plutôt que réparatrice, l’otoplastie (qui coûte environ 3100 francs) n’est pas prise en charge par l’assurance maladie de base. Pour un remboursement total ou partiel de l’intervention, il faudra se tourner vers une assurance complémentaire spécifique. «C’est regrettable, car l’opération est parfois une véritable nécessité pour des enfants chez qui ce complexe entraîne des répercussions psychologiques importantes, souligne le spécialiste. Dans une étude que nous menons actuellement, il apparaîtrait qu’une grande partie d’entre eux seraient victimes de harcèlement scolaire.»
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Paru dans Planète Santé magazine N° 45 – Juin 2022