Double menton: pouvoir lui dire non sans opération
En anglais double menton peut se dire unwanted submental fat.Ce qui permet de faire l’économie de qualifier le triple. «Avoir deux mentons, double menton, triple menton»: se dit d'une personne replète qui a le dessous du menton fort gras. On dit de même: avoir un menton à double – voire triple – étage.
Se voir dans le miroir
C’est, bien souvent, une source de souffrance chez celles et ceux qui sont concernés. Et l’inconfort, la gêne sont d’autant plus grands que le porteur juge mal de l’affaire. «On m'a dit autrefois que j'avais un peu trop de menton: je viens de me regarder dans le miroir, pour savoir ce qui en est; et je ne sais pas trop bien qu'en juger», écrit La Rochefoucauld, cité par Littré.
Le double-triple menton est aussi l’un des terrains d’action préféré des chirurgiens esthétiques. Ils ont, au fil du temps, développé une série de techniques et procédés dont les résultats sont rarement évalués de manière objective. Un nouveau procédé ne nécessitant pas d’intervention vient de franchir la première étape de son expérimentation. Il pourrait modifier les équilibres de ce qui constitue un important marché dans le secteur de l’esthétique.
Amas graisseux
Concrètement le double menton n’est rien d’autre qu’un amas graisseux qui s'installe petit à petit sous le menton. Une excroissance qui alourdit le visage en ruinant progressivement son profil. Tout le monde le sait: le double menton tend à vieillir prématurément l'aspect de la personne. On le sait moins: un double menton n'est pas forcément lié à l'obésité. Il peut apparaître chez une personne ayant un poids de santé dans les normes généralement acceptées.
C’est le développement anormal des adipocytes (sorte de cellulite) dans cette partie du corps qui est à l'origine de l’amas graisseux provoquant le double menton. Cet amas fait généralement que la peau prend une consistance molle et flasque, parfois avec un aspect «en peau d'orange», granuleux et capitonné. Une fois installé il ne disparaît pas. Seule une intervention médicale ou médico-chirurgicale pourra tenter de le faire disparaître.
Techniques sur le marché
La demande étant croissante, les techniques médicales proposant une réduction-disparition du double menton se sont multipliées au fil des années. Les professionnels peuvent ainsi proposer aujourd’hui l'infiltration d'un liquide dit hypo-osmolaire qui va provoquer l'explosion des cellules graisseuses. L'élimination des déchets ainsi constitués se faisant par le système lymphatique puis via les urines. Il existe aussi la «morpholiposculpture», présentée comme une alternative à la liposuccion mais sans chirurgie. On compte encore avec la «liposuccion» ou «lipoaspiration», dont les améliorations techniques ont permis d’en envisager l’emploi dans les régions du visage et du cou.
Précision: l'ensemble de ces techniques ne peut être réalisé que par des chirurgiens spécialisés en chirurgie plastique esthétique ou réparatrice.
«Brûleur de graisse»
C’est dans ce contexte que l’on découvre les premiers résultats d’une nouvelle étude. La technique consiste à injecter un composé «brûleur de graisse». Dénommé «ATX-101», ce composé est présenté comme capable de «décomposer» les cellules adipeuses et de «gommer» ainsi le double menton. Il vient de faire l’objet d’un essai clinique international rigoureux dont les conclusions suggèrent son efficacité et son innocuité. Les auteurs de ce travail parlent d’«améliorations significatives »1.
Le composé ATX-101 a été testé dans un essai de phase III (essai randomisé en double aveugle) auprès de 363 personnes dotées d’un fort double menton (dont 75% de femmes). Les participants pouvaient recevoir jusqu'à quatre injections de deux doses d’ATX-101 ou des injections de placebo. Le tout sur une période de douze semaines et à la dose de 1 ou 2 mg par cm2. Ce «ATX-101» est une version synthétique de l'acide désoxycholique (acide biliaire) qui attaque la membrane des cellules graisseuses induisant ainsi leur décomposition.
Effets secondaires et effet placebo
Les auteurs de ce travail rapportent que ces injections ont permis de réduire de manière notable l'excès de graisse par rapport au placebo. Tant du point de vue médical que de l’avis des patients. A douze semaines, 59,2% des participants étaient satisfaits avec la dose de 1 mg et 65,3% avec la dose de 2 mg. Avec une réserve cependant: plus de 90% des participants ayant reçu l’ATX-101 ont perçu des effets secondaires, pour la plupart bénins et transitoires (douleur au site d'injection, gonflement, engourdissement, ecchymoses, rougeurs). Mais certains ont néanmoins préféré abandonner.
On ne peut par ailleurs manquer d’être surpris par l’impact de l’effet placebo, qui est ici mis en lumière via l’auto-évaluation de l’efficacité du traitement par le patient. Plus d’un patient sur quatre (28,7%) ayant reçu des injections de placebo estime que son apparence s'est améliorée.
Pour les auteurs de ce travail, l'ATX-101 est un traitement non chirurgical efficace et bien toléré pour l'excès de graisse sous le menton. Il reste désormais à en comparer le rapport coût-bénéfices avec celui des traitements chirurgicaux présents aujourd’hui sur le marché. Et à réfléchir au possible recours à l’effet placebo.
1. Ce premier essai vient de faire l’objet d’une publication dans le British Journal of Dermatology. Un résumé (en anglais) de cette publication est disponible ici. Cette étude a été cofinancée par les firmes Bayer HealthCare et Kythera Biopharmaceuticals, Inc. Les six auteurs travaillent dans différents laboratoires situés en Allemagne (Charité-Universitäts medizin, Berlin; Global Clinical Development Dermatology, Bayer HealthCare, Berlin), en Angleterre (University of Manchester; McDiarmid-Hall Clinic, Derriford, Plymouth) et aux Etats-Unis (Kythera Biopharmaceuticals, Calabasas, Californie).