Une pilule et une seule pour préserver la santé de nos artères
Le Pr Nicholas Wald, directeur du Wolfson Institute of Preventive Medecine à Londres, vient de décider de mettre en vente sa polypill via Internet1, sans l’avoir enregistrée. Il y a selon lui une urgence sanitaire justifiant ce court-circuit des autorités de surveillance.
Qu’est-ce que la polypill?
Le Pr Wald a été le premier, en collaboration avec Malcom Law, à faire une modélisation visant à démontrer l’efficacité d’un traitement unique destiné à diminuer les événements cardiovasculaires. Il s’agissait d’administrer à toute la population de plus de 55 ans, une pilule réunissant plusieurs substances actives utilisées en prévention cardiovasculaire, jusque-là prescrites séparément et de façon ciblée. Ce qui aurait permis de réduire de plus de 80% les accidents cardiovasculaires.2
Actuellement et sous nos latitudes, on considère que l’intérêt principal de la future polypill est de faciliter l’observance thérapeutique des patients à risque. Du fait de cet emploi plus ciblé, sa composition peut varier jusqu’à être totalement personnalisée (lire encadré). Mais peut-on impunément associer différentes substances, même si chacune, séparément, a été acceptée par les autorités de surveillance?
«Les substances utilisées sont connues, et n’ont pas d’interactions entre elles, mais il faut tout de même vérifier plusieurs choses: les doses sont-elles efficaces, le comprimé se dissout-il dans un temps raisonnable, les médicaments sont-ils absorbés?», relève Nicolas Schaad, pharmacien des Hôpitaux de La Côte.
Et qu’en est-il des risques de toxicité? «Dans la formule de Nicholas Wald, les statines sont faiblement dosées et le risque d’une atteinte musculaire ou hépatique est très faible. Par contre, le diurétique qu’elle contient n’est pas anodin et pourrait causer des troubles électrolytiques dangereux, chez la personne âgée en particulier. D’où l’intérêt de faire enregistrer une nouvelle association médicamenteuse et d’être suivi par un médecin.»
Que contiennent les «polypills»?
On parle aujourd’hui plus volontiers de «traitement combiné à dose fixe» ou «fixed dose combination therapy». Le nom de polypill étant breveté depuis 2000 par Wald et Law.
La polypill telle que la concevaient ces chercheurs au début de leur concept devait contenir, à petite dose, bêtabloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion (contre l’hypertension et l’insuffisance cardiaque), diurétique, statine, aspirine et acide folique.
Celle qui est proposée actuellement sur leur site se concentre sur une statine (simvastatin), deux médicaments hypotenseurs (losartan, amlodipine) et un diurétique (hydrochlorothiazide).
Les autres traitements combinés en cours de préparation misent en général sur ce type d’association mais gardent l’aspirine et parfois l’acide folique. C’est le cas par exemple de la Polycap de l’étude indienne TIPS, qui devrait bientôt arriver sur le marché.
Trois autres études ont des formules approchantes mais sans acide folique: WHO au Sri Lanka, Poly-Iran en Iran et PILL qui regroupe plusieurs pays.
Enfin, Polypill of America*propose sur son site une combinaison sur mesure, commandée par le médecin et livrée à domicile.
* www.polypillrx.com/
Vers un traitement personnalisé
Pour Julien Castioni, chef de clinique au Service de médecine interne du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), il faut envisager la polypill en termes de santé publique, en particulier pour les pays à bas revenu. «On pourrait traiter les gens de plus de 50 ans présentant un risque cardiovasculaire élevé, compliqués à dépister dans ces pays où la population a difficilement accès aux soins et où les médicaments manquent», explique-t-il. Effectivement, selon les chiffres de l’ONU, les maladies cardiovasculaires ont causé 17,3 millions décès en 2011, dont 80% dans les pays à revenus moyens à faible.
Toutefois, dans les pays industrialisés, les patients attendent un traitement plus personnalisé.
«Chez nous, les patients pourraient recevoir des polypills adaptées. Avec par exemple des formules différentes pour la prévention primaire (notamment sans aspirine) ou secondaire. On pourrait aussi ajouter des substances pour prévenir la démence ou le diabète.»
Des stratégies pour repousser les limites de l'âge? «Disons plutôt que ce type de médicament, en complément de mesures d’hygiène de vie, devrait surtout permettre de vivre mieux à un âge plus avancé, sans les séquelles que peuvent laisser des accidents vasculaires.»