L’aspirine diminue-t-elle le déclin mental?
L’aspirine a de multiples vertus. Elle permet notamment de réduire les récidives en cas d’attaques cardiaques et elle a même des effets préventifs sur le cancer. Grâce à ses propriétés anti-inflammatoires, pourrait-elle aussi réduire les risques de démences ou ralentir le déclin des facultés cognitives chez les personnes âgées? C’est la question que se sont posés des médecins de l’Université de Gothenburg, en Suède. Leurs conclusions, publiés dans la revue médicale BMJ(British Medical Journal), sont en demi-teinte.
Femmes à risque
Les médecins suédois ont sélectionné un peu plus de 500 femmes de 70 à 92 ans qui avaient toutes un risque élevé de développer une maladie cardio-vasculaire. De ce fait, elles risquaient plus que d’autres de souffrir de certaines démences, notamment de la maladie d’Alzheimer. A certaines d’entre elles, choisies au hasard, ils ont prescrit une faible dose quotidienne d’aspirine, tandis que les autres recevaient un placebo. Puis ils les ont toutes revues 5 ans plus tard.
Toutes ces volontaires ont été soumises, au début et à la fin de l’étude, à une batterie de tests de leurs facultés cognitives, et notamment à un mini-examen couramment utilisé, le MMSE (Mini Mental State Examination). Il s’agissait de répondre à des questions du type : «où sommes-nous?», «quelle est la date d’aujourd’hui?», ou encore de faire des calculs simples.
Léger déclin des capacités mentales
Résultat: durant ces 5 ans, le score aux tests avait, en moyenne, diminué chez toutes les femmes étudiées. Cependant, chez celles qui avaient bien suivi les prescriptions et régulièrement pris de l’aspirine, il avait légèrement moins décliné que chez celles qui n’avaient pas consommé le médicament ou qui ne l’avaient fait qu’irrégulièrement.
Christophe Bula, chef du Service de gériatrie et de réadaptation gériatrique du CHUV, relativise toutefois cette bonne nouvelle. «La différence entre ces groupes est très faible et on ne peut pas exclure qu’il s’agisse du fruit du hasard.»
En outre, et c’est encore plus décevant, les chercheurs n’ont observé aucun effet du médicament sur la vitesse à laquelle les femmes développaient une démence.
L’automédication déconseillée
«En l’état, nous n’avons pas de raison de recommander aux femmes de plus de 70 ans de prendre régulièrement de l’aspirine pour prévenir la démence», souligne le médecin du CHUV, qui déconseille aussi l’automédication. D’autant que le médicament n’est pas anodin, puisqu’il peut provoquer des hémorragies digestives ou des problèmes rénaux.
Mais Christophe Bula reste malgré tout optimiste. Soulignant le «sérieux» de l’étude menée par ses collègues suédois, il «attend avidement la suite», espérant qu’un suivi de ces volontaires pendant une plus longue période apportera des résultats plus concluants.