Sexualité: quand faire l’amour fait mal

Dernière mise à jour 18/11/20 | Questions/Réponses
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Chez une part importante de femmes, qu’on estime entre 10 et 20%, les rapports sexuels sont synonymes de douleurs. La dyspareunie peut avoir des causes multiples. Moyennant une prise en charge patiente et éclairée, cet inconfort peut disparaître ou, du moins, s’atténuer. Explications.

Paradoxe

Pourquoi les femmes continuent-elles à faire l’amour alors qu’elles ont des douleurs et qu’elles n’ont pas de plaisir? Une étude canadienne* s’est penchée sur la question. Les raisons évoquées sont les suivantes. Les femmes interrogées disent continuer à avoir des rapports sexuels pour répondre aux besoins de leur partenaire et par peur d’être quittées, également par culpabilité, sens du sacrifice ou résignation. Une autre raison citée est le besoin de se conformer à l’image d’une femme idéale.

* Psychosexual aspects of vulvovaginal pain, S. Bergeron, W. M. Likes, M. Steben, in Best Practice & Research Clinical Obstetrics and Gynaecology, éditions Elsevier, 2014.

«Non, il n’est pas normal d’avoir des douleurs lors des rapports sexuels. On ne doit pas l’accepter», s’indigne la Dre Leen Aerts, médecin adjointe et spécialiste en gynécologie et médecine sexuelle aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Trop de femmes pensent encore qu’il est normal d’avoir mal lorsqu’elles font l’amour, et, de l’avis de la spécialiste, encore trop de gynécologues véhiculent cette idée de normalité. Pourtant, ce n’est pas une fatalité.

Qu’est-ce que la dyspareunie?

C’est le fait d’avoir des douleurs pendant ou après un rapport sexuel. Celles-ci peuvent être superficielles, au niveau de la vulve ou de l’entrée du vagin. Elles peuvent également être plus profondes et, dans ce cas, ressenties dans le vagin ou jusque dans l’abdomen. «Certaines femmes sont touchées par ces deux types de douleurs, tandis que d’autres n’arrivent pas à spécifier d’où elles viennent», décrit la spécialiste. Elles peuvent se traduire par des sensations de brûlure, de déchirement ou de coups de couteau. «Chez certaines femmes, il y a comme un mur à l’entrée du vagin, une sorte de blocage qui empêche la pénétration».

D’où viennent ces douleurs?

C’est toute la question! Il faut en rechercher l’origine pour pouvoir les dissiper. Parfois, elles sont présentes dès les premiers rapports sexuels, mais elles peuvent aussi être consécutives à une chirurgie, à un accouchement traumatique, à des infections urinaires à répétition, à des expériences sexuelles très négatives, à des abus, à un viol. Des facteurs biologiques, relationnels, sexologiques et/ou psychologiques peuvent ainsi être en cause, d’où la nécessité d’une évaluation poussée. Avec le temps, il y a le risque que les facteurs s’accumulent.

Sur le plan biologique, qu’est-ce qui peut rendre les rapports douloureux?

Une maladie de la peau comme le lichen, des mycoses à répétition, la présence d’une cicatrice après un accouchement, un traitement de radiothérapie, une contraception hormonale, la préménopause et la ménopause peuvent entraîner des perturbations au niveau des tissus et par conséquent un certain inconfort. Le tissu à l’entrée du vagin est très sensible aux variations hormonales, par exemple. Les contacts peuvent être douloureux si la peau est fragilisée, sèche et pas assez lubrifiée.

Et sur un plan plus psychologique?

Dans la rencontre sexuelle, de nombreux ingrédients entrent en jeu. Or, le stress, l’anxiété, la fatigue, un état dépressif, un traumatisme (abus sexuel) ne sont pas propices au lâcher-prise et au plaisir. Le contexte relationnel est aussi déterminant. Une insatisfaction dans la relation de couple, le fait de ne pas se sentir en sécurité ou encore des disputes fréquentes avec son partenaire peuvent être des freins à une sexualité épanouie et entraîner blocages et douleurs. La dyspareunie peut également être associée à un autre trouble sexuel, comme une baisse de la libido par exemple. «Parfois, c’est parce que la femme éprouve des douleurs durant les relations sexuelles qu’elle n’a pas envie de faire l’amour», nuance la spécialiste. Car à la longue, les facteurs souvent s’accumulent. Il se peut au début qu’un problème physique (infection par exemple) soit en cause. Puis, par peur d’avoir mal, la femme va contracter les muscles de son bassin, ce qui va augmenter les frottements, diminuer la lubrification et renforcer les sensations douloureuses. Et le problème s’auto-entretient.

Ces douleurs ont-elles des conséquences sur la vie sexuelle et sur le couple?

Forcément. La façon dont le partenaire réagit est importante. S’il se fâche ou à l’inverse s’il a trop peur de faire mal sont des réactions qui peuvent péjorer la situation. De son côté, si la femme continue à avoir des rapports sexuels alors qu’elle ressent des douleurs, elle risque de développer un rapport très négatif à l’égard de la sexualité. Or, «une vie sexuelle satisfaisante participe à la santé et à la qualité de vie. Chacun a droit à une sexualité épanouie», rappelle la Dre Aerts. La relation de couple peut aussi être mise à mal. «Il arrive fréquemment que la femme ou l’homme évite les relations sexuelles, par peur d’avoir mal ou de faire mal. À la longue, c’est toute l’intimité qui s’en va». Le mieux est de dialoguer, de chercher des solutions ensemble, trouver des positions qui ne soient pas douloureuses, voire renoncer à la pénétration. Et, si besoin, consulter.

Faut-il consulter seule ou en couple?

C’est à chaque femme de le décider, mais la présence du partenaire peut être utile pour que le spécialiste (gynécologue, sexologue) puisse mieux comprendre la problématique et donner des informations à chacun. Le professionnel peut ainsi se faire une idée de la relation de couple, de l’attitude du partenaire et du contexte relationnel. «Il n’est pas facile de parler des problèmes sexuels dans le couple, souvent on n’ose pas dire les choses car on a peur de blesser l’être aimé». Consulter ensemble permet d’ouvrir le dialogue.

Comment remédier à ce trouble?

« Souvent, les patientes que nous recevons ont déjà vu plusieurs gynécologues, sans succès, car on ne prend pas assez en compte leurs plaintes », déplore la Leen Aerts. C’est par une approche pluridisciplinaire et personnalisée que l’on peut appréhender au mieux cette problématique. Selon la situation, un traitement gynécologique, une sexothérapie, une thérapie de couple, une psychothérapie (EMDR par exemple), des séances d’ostéopathie ou de physiothérapie (lire encadré), etc. devront être mis en œuvre, parfois de manière combinée. «Si on ne tient pas compte de tous les facteurs, le risque est grand que les douleurs persistent», souligne la spécialiste. Une vision holistique est donc à privilégier pour espérer diminuer ou faire disparaître ces symptômes et retrouver une sexualité satisfaisante.

Physiothérapie et sexualité

Souvent, les douleurs sont associées à une très grande contraction des muscles pelviens. Des physiothérapeutes spécialisés peuvent aider les patientes qui ont, avec le temps, développé ce type de mécanismes de défense. «Des muscles sont trop contractés à l’entrée du vagin entraînent des frottements et donc des douleurs puis des blocages», explique Dre Leen Aerts, médecin adjointe et spécialiste en gynécologie et médecine sexuelle aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Dans d’autres situations, un trop grand relâchement musculaire peut provoquer des douleurs profondes, du fait du contact du pénis avec les organes au niveau de l’abdomen. Un traitement de physiothérapie permet de prendre conscience de son corps et d’améliorer la coordination des muscles des zones génitales et pelviennes.

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Paru dans L’Illustré le 11/11/2020.

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