Pilule d’urgence: qui consulte et pourquoi?
Le moyen le plus courant pour prévenir une grossesse après un rapport sexuel à risque est la pilule d’urgence (Norlevo®). Elle est accessible dans toutes les pharmacies suisses ainsi que dans les centres de santé sexuelle et planning familial. Pour faciliter son accès, son prix est modique dans les centres et la gratuité est possible en cas de difficultés financières.1
A Genève, l’unité de santé sexuelle et planning familial a mené une enquête pour mieux définir le profil des utilisatrices de pilules d’urgences. Une première étude a eu lieu en 2008 (139 femmes) et renouvelée en 2011 (90 femmes).
Qui consulte?
En 2011, l’âge des femmes demandant une pilule d’urgence s’échelonnait entre 13 et 28 ans. Mais la majorité de celles qui consultent a entre 16 et 17 ans. Le jeune âge de ces femmes s’explique probablement par des moyens financiers limités. Pour les plus âgées, il est certainement plus pratique d’acheter cette pilule dans la pharmacie la plus proche, bien que le prix y soit sensiblement plus élevé.
L’enquête a révélé également que les jeunes filles entre 13 et 14 ans représentent un nombre infime parmi celles qui viennent pour la contraception post-coïtale. Elles sont un peu plus nombreuses à l’âge de 15 ans. Ces dernières consultent souvent suite à un doute sur une prise de risque éventuel lors de leur première relation sexuelle.
L’accompagnement aux consultations
En 2011, 17% de l’ensemble des femmes qui consultent après un rapport à risque sont accompagnées par leur partenaire. Chez les jeunes filles de 14 et 15 ans ce pourcentage s’élève à 20%. L’enquête montre également que celles qui ne sont pas accompagnées par leur copain viennent avec une ou plusieurs amies, voire même avec des jeunes hommes qui ne sont pas leur partenaire. En 2011, 5% des jeunes filles de 16 ans et 6% de celles de 17 ans ont été soutenues par «un» copain. Dans la pratique, les conseillères en santé sexuelle constatent que beaucoup de celles qui consultent seules ont été incitées à le faire par leur copain ou un(e) ami(e).
L’accompagnement des femmes, particulièrement des plus jeunes, est un soutien important.
Pourquoi prendre la pilule d’urgence?
Les deux motifs principalement évoqués au moment de demander une pilule d’urgence sont l’absence de contraception ou l’échec de préservatif. Ces résultats sont certainement dus au fait que les jeunes filles adoptent plus tardivement une contraception comme la pilule contraceptive, le patch, l’anneau, l’implant ou le stérilet. Cependant, même les femmes plus âgées qui utilisent une méthode de contraception ne sont pas à l’abri d’un accident.2
Une étude française3 menée sur 4650 femmes ayant effectué une interruption volontaire de grossesse (IVG) en 2007, montre que 60% d’entre elles avaient une méthode de contraception au moment de la conception alors que 39% n’utilisaient aucune contraception.
Selon ce qui est rapporté lors des consultations à l’unité de santé sexuelle et planning familial de Genève, un nombre conséquent de couples utilise encore des méthodes de contraception non fiables,comme celle ducalcul des jours fertiles au cours d’un cycle menstruel ou la méthode du retrait avant l’éjaculation. Pourtant, d’après l’enquête de 2008-2011, le nombre de femmes utilisant ces deux méthodes est réduit, probablement parce que, si le couple est convaincu d’utiliser une méthode fiable, la femme n’a pas de raison de demander une pilule d’urgence.
Quelle évolution entre 2008 et 2011?
D’après l’enquête, en 2011 les femmes demandent la pilule d’urgence dans un délai plus rapide après un accident ou une prise de risque sexuel qu’en 2008. Dans les deux graphiques ci-dessous, on constate une augmentation de 9 à 22% du nombre de femmes se rendant au centre dans les 12 heures après le rapport sexuel.
Cela représente un progrès, car plus la pilule d’urgence est prise rapidement après une relation à risque, plus elle est efficace.
Des risques sexuels occasionnels
La plupart des fois, la prise d’une pilule d’urgence est occasionnelle et ne sera pas répétée.
L’enquête a révélé une diminution des prises de pilules d’urgence à répétition entre 2008 et 2011. Dans cette dernière étude, seulement 39% des femmes avaient déjà pris une pilule de ce type dans les 12 mois précédents contre 50% en 2008.
Par ailleurs, en 2011, 34% des femmes évoquent avoir eu d’autres relations sexuelles non protégées (RSNP) avant la prise de la pilule d’urgence. Cette donnée n’a pas été récoltée en 2008.
Parmi les femmes qui évoquent des RSNP antérieurement, 10 ont été revues pour le même motif au cours des 6 mois postérieurs. Elles mentionnaient toujours des RSNP. Ainsi, sur le total des 90 femmes vues pour une demande de pilule d’urgence en 2011, 11% au moins ont eu des relations sexuelles non protégées à répétition, c’est-à-dire dans les 12 mois précédents et les 6 mois suivants.
La pilule d’urgence en centre de santé sexuelle: une occasion de soutien, d’information et d’orientation
La pilule d’urgence ne fonctionne pas à 100%! Ce n’est donc pas une bonne solution de contraception, même si elle ne présente pas de risques pour la santé.4
Lorsque les femmes viennent la prendre en centre de santé sexuelle et planning familial, les conseillers et conseillères prennent le temps d’évaluer leur situation, avec leur partenaire s’il est présent. Dans notre enquête, près d’un tiers des situations recouvrent des situations psycho-sociales complexes:
L’Organisation Mondiale de la Santé5 note, sur la base de plusieurs études, que la mise à disposition facilitée de la pilule d’urgence n’augmente pas la prise de risques dans les comportements sexuels ou dans l’utilisation de contraceptifs. Une étude menée à Zürich arrive à la même conclusion. Le libre accès à la pilule d’urgence, y compris chez les adolescents, ne diminue pas l’utilisation de méthodes contraceptives efficaces.6
1 Un autre moyen d’éviter une grossesse après un rapport à risque est la pose d’un stérilet par un gynécologue dans les cinq jours suivants la relation sexuelle.
2 En 2011, 12% des femmes viennent prendre une pilule d’urgence suite à un oubli de pilule (noté «oubli CO», Contraception Oestroprogestative, dans le graphique).
3 MOREAU Caroline, TRUSSELL James, DESFRERES Julie et BAJOS Nathalie. Medical versus surgical abortion: the importance of women choice. In: Contraception,2011,84 (3):224-229
4 D’après l’Organisation Mondiale de la Santé, la contraception d’urgence ne présente aucun danger pour la santé de la femme. Elle n’a pas d’effets secondaires graves ou durables (moins de 20% des femmes peuvent ressentir un effet secondaire passager), ni de conséquence sur la fertilité future et les risques de grossesses extra-utérine. Elle n’est pas nocive pour le développement du fœtus en cas de grossesse gardée.
5 OMS (2010), Aide mémoire sur l’innocuité des pilules au Lévonorgestrel-seul de la contraception d’urgence (LNG-PCU).
6 SAMARTZIS Eleftehrios P, MERCI-FELD Gabriele S, SEIFERT Burkhardt, KUT Elvan and IMTHURN Bruno. Six years after deregulation of emergency contraception in Switzerland: Has free access induced changes in the profile of clients attending an emergency pharmacy in Zürich? In: The European Journal of Contraception and Reproductive Health Care,2012, 17 (3):197-204.