Le cancer de l’ovaire reste difficile à dépister

Dernière mise à jour 16/01/14 | Article
Le cancer de l’ovaire reste difficile à dépister
L’incidence du cancer ovarien est faible dans la population générale mais sa mortalité reste très élevée. Ceci est principalement dû au diagnostic souvent tardif de ce type de cancer, dont les symptômes ne sont pas spécifiques.

Plusieurs études ont été menées afin de déterminer si un dépistage systématique du cancer ovarien, en permettant de diagnostiquer la maladie à un stade précoce, pourrait faire chuter la mortalité. Les données actuelles ne montrent pour l’instant pas de bénéfices suffisants pour envisager de mettre en place de telles mesures dans la population générale.

L’importance du dépistage

Le cancer ovarien a une fréquence faible (1/71 femme dans la population générale) mais 70 à 75% des cas ne sont pas détectés avant le stade III ou IV, c’est-à-dire à un stade très avancé. Dans ces conditions, et malgré les progrès des chimiothérapies, le pronostic est très mauvais. Ce qui explique en grande partie la mortalité encore élevée de cette maladie (la survie à 5 ans pour les cancers de stade avancé est environ de 40%).

La question se pose de savoir si la mise en place d’un dépistage, tel qu’il en existe pour le cancer du sein, permettrait d’améliorer la détection de ce cancer. Une estimation indique que si 75% des cas de cancer au stade précoce (I) pouvaient être détectés, contre 25% actuellement, le nombre de décès pourrait diminuer de moitié.

Cependant, pour que le dépistage présente un bénéfice à l’échelle de la société et des patients, il doit permettre une augmentation significative de la survie et de la qualité de vie des patientes ciblées. Or la faible fréquence de la maladie dans la population peut faire craindre un bénéfice absolu faible. D’ailleurs aucune société savante ne recommande actuellement le dépistage des tumeurs ovariennes dans la population générale.

Tests de dépistage envisageables

Deux méthodes ont été étudiées dans le cadre du dépistage des tumeurs ovariennes: l’échographie pelvienne et le dosage du CA-125. Cet anticorps, produit par les cellules ovariennes cancéreuses, est déjà utilisé pour le suivi des traitements du cancer de l’ovaire. Dans le cadre d’un dépistage il présente cependant l’inconvénient majeur d’induire de nombreux faux-positifs et faux-négatifs. Pour améliorer la valeur prédictive du CA-125 il a été proposé d’utiliser un algorithme (dit «de Skates») qui tient compte de l’évolution du taux de CA-125 au cours du temps, mais ces résultats doivent encore être validés.

Les études concernant l’utilisation de l’échographie pelvienne endovaginale ont montré que cette technique permet de découvrir des cancers ovariens à des stades plus précoces, améliorant ainsi leur pronostic, mais au prix d’un taux élevé de faux positifs. Afin de différencier au mieux les masses ovariennes bénignes des masses tumorales malignes, des outils de plus en plus sophistiqués ont été créés (modèles de régression logistique, modèles vectoriels…). Une étude comparative a montré que les scores échographiques les plus performants étaient ceux qui intégraient en plus le dosage du CA-125.

Avantages du dépistage multimodal

Une stratégie de dépistage à deux niveaux a donc été proposée en 1993. Elle repose sur un dosage du CA-125 suivi d’une échographie pelvienne endovaginale en cas de résultat anormal. Une première étude conduite chez 22000 femmes ménopausées a démontré que ce type de dépistage était réalisable à grande échelle et présentait des résultats encourageants. Ils n’ont malheureusement pas été confirmés par l’étude PLCO, menée sur 74000 femmes. Il faudra donc sans doute attendre plusieurs années, et notamment la fin de l’étude UKTOCS (actuellement en cours et incluant plus de 200 000 femmes) pour déterminer si le résultat multimodal se révèle probant.

D’autres pistes à explorer

De nombreuses études font état de l’intérêt de la recherche pour de nouvelles molécules (entre autres le CA 15-3 et 72-4, le MCSF ou encore le YKL-40 et l’ostéopontine). Présentes dans le sérum des patientes atteintes d’un cancer ovarien, ces protéines pourraient permettre d’augmenter la sensibilité des dosages aux stades précoces de la maladie.

Plusieurs tests basés sur la comparaison du profil sérique des protéines chez les patientes et chez des femmes témoins ont été élaborés. Il semble cependant peu probable qu’ils soient commercialisés prochainement, les résultats des évaluations s’étant révélés assez décevants. La détection d’anomalies génétiques discriminantes chez les patientes est également explorée mais aucun test n’a encore été réalisé à grande échelle et la validité reste donc à démontrer.

Encore trop peu de données

Le dépistage d’une pathologie cancéreuse est bénéfique quand il aboutit à une détection de la maladie à un stade plus précoce, devant permettre d’améliorer la survie et la qualité de vie de la population détectée. Une limitation majeure dans le cas du cancer de l’ovaire est le manque de données sur la genèse de ce type de tumeurs. Ceci empêche notamment de déterminer les caractéristiques optimales du dépistage, telles que la tranche d’âge des patientes à cibler, le rythme des explorations, etc.

En conséquence, dans l’état actuel des connaissances, un dépistage dans la population générale n’est pas recommandé. L’échographie endovaginale et le dosage du CA-125 doivent par contre être proposés aux patientes les plus à risque, porteuses d’une mutation BRCA1 ou BRCA2, qui présentent de ce fait un risque héréditaire de cancer de l’ovaire.

Référence

Adapté de «Dépistage du cancer ovarien dans la population générale» par les Prs Patrice Mathevet et Jean-François Delaloye, Département de gynécologie-obstétrique et de génétique, CHUV. In Revue Médicale Suisse 2013;9:1943-9. Avec la collaboration des auteurs.

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