Bientôt un dépistage systématique du cancer de l’ovaire?
A partir de quel moment une maladie doit-elle faire l’objet d’un dépistage? Après le cancer du sein et celui du col de l’utérus, la question se pose aujourd’hui pour le cancer de l’ovaire. Une question nouvelle puisqu’il était jusqu’ici tenu pour acquis que ce cancer était difficile à dépister. Or les cartes sont désormais redistribuées avec la publication dans l’hebdomadaire britannique médical The Lancet (1), de la plus vaste étude menée sur ce sujet. Une étude britannique qui conclut que le dépistage du cancer de l’ovaire peut réduire la mortalité d’environ 20% après un suivi de quatorze ans.
Le cancer de l’ovaire n’est pas une lésion fréquente: une femme sur 70 environ est concernée. Mais c’est un cancer qui, le plus souvent, n’est diagnostiqué qu’à un stade avancé de son développement. C’est pourquoi, en dépit des progrès des chimiothérapies, le pronostic est souvent mauvais – avec une survie à cinq ans d’environ 40% pour les cancers de stade avancé. Dès lors, la question se pose de savoir si la mise en place d’un dépistage (sur le modèle de celui proposé pour le cancer du sein) permettrait d’améliorer la détection et le pronostic de ce cancer.
Bénéfice individuel et collectif
La réponse n’a rien d’évident. Pour que le dépistage systématique présente un réel bénéfice, à l’échelon collectif mais aussi individuel, il doit permettre une augmentation significative de la survie et de la qualité de vie des patients. Autant de points nullement acquis pour ce qui est du cancer de l’ovaire. Deux méthodes ont été ici étudiées: l’échographie et le dosage du CA-125 (un anticorps produit par les cellules ovariennes cancéreuses).
Les études concernant l’utilisation de l’échographie pelvienne endovaginale ont montré que cette technique permet de découvrir des cancers ovariens à des stades plus précoces, améliorant ainsi leur pronostic, mais au prix d’un taux élevé de «faux positifs».
Des stratégies de dépistage ont été élaborées dans les années 1990, reposant sur un dosage du CA-125 associé à une échographie pelvienne endovaginale en cas de résultat anormal. Les premiers résultats furent encourageants mais ne furent pas confirmés par la suite. On en restait donc à une absence de dépistage systématique, l’échographie endovaginale et le dosage du CA-125 n’étant proposés qu’aux femmes les plus à risque, c'est-à-dire celles porteuses d’une mutation génétique spécifique (mutation sur le gène BRCA1 ou BRCA2) et qui présentent de ce fait un risque héréditaire de cancer du sein et de l’ovaire. Chez ces femmes une ablation des ovaires (ovariectomie bilatérale) préventive peut aussi parfois être proposée. Un sujet controversé.
Une publication très attendue
C’est dans ce contexte que paraît la publication du Lancet. Très attendue dans les milieux médicaux spécialisés, elleapporte des éléments nouveaux. Ce travail a été mené dans le cadre du United Kingdom Collaborative Trial of Ovarian Cancer Screening (UKCTOCS) et dirigé par les Prs Ian Jacobs et Usha Menon (Institute for Women’s Health, University College London). Il a été financé par le UK Medical Research Council et le Department of Health for England ainsi que par deux charities: Cancer Research UK et The Eve Appeal.
Au total, 202 638 femmes volontaires ont été recrutées entre 2001 et 2005 pour cette étude contrôlée randomisée, et ce à travers treize centres situés en Angleterre, en Irlande du Nord et au Pays de Galles. Il s’agissait de femmes ménopausées (50 à 74 ans) n’étant pas considérées comme à risque de cancer de l’ovaire familial. Dans le cadre de l’étude, un dépistage (annuel) utilisant le marqueur CA125 sérique (interprété avec le Risk of Ovarian Cancer Algorithm, ROCA) associé à une échographie transvaginale était effectué pour certaines participantes.
Après un suivi moyen de 11 ans, 1282 cas de cancer de l’ovaire avaient été diagnostiqués: 630 dans le groupe sans dépistage et, respectivement, 338 et 314 dans les groupes où un dépistage avait été mis en œuvre. Soit, in fine, une réduction significative du nombre de décès avec une réduction de la mortalité moyenne comprise entre 20 et 28%.
Le suivi médian a été de 11,1 ans. Au total, 630 cancers de l’ovaire ont été diagnostiqués (en absence de dépistage) 338 et 314 dans les deux groupes correspondant à deux types de dépistage. Soit, in fine, une réduction significative du nombre de décès avec une réduction de la mortalité moyenne comprise entre 20% et 28%.
Dépistage systématique envisageable
«Notre travail constitue la première preuve obtenue avec un essai contrôlé randomisé que le dépistage peut réduire la mortalité de cancer de l’ovaire, souligne le Pr Usha Menon. Ces résultats sont importants étant donné le peu de progrès réalisé dans les résultats de traitement pour le cancer de l’ovaire au cours des trente dernières années.»
Nous avons demandé au Pr Dominique Stoppa-Lyonnet, spécialiste d’oncogénétique à l’Institut Curie de Paris, de commenter ce travail. «Il s’agit là d’une étude impressionnante par le nombre de femmes suivies et la durée du suivi –l’une des plus grosses études cliniques qui soit, souligne-t-elle. Elle me semble de bonne qualité d’un point de vue méthodologie. La diminution de mortalité par cancer de l’ovaire après criblage est effectivement comparable à celle des cancers du sein. Une différence est que dix fois plus de femmes sont concernées par le risque de cancer du sein. Il faut toutefois s’interroger sur la faisabilité du criblage. S’agit-il d’une échographie de "débrouillage" faite par le gynécologue lui-même dans son cabinet ou d’un examen sophistiqué. Si l’échographie est faite par le gynécologue (ou par le généraliste), une telle approche est envisageable. On pourrait même assimiler cet examen à un prolongement de l’examen clinique pelvien.»
Le Pr Stoppa-Lyonnet s’interroge toutefois sur les risques de «faux positifs» et d’examens exploratoires invasifs (et d’ablations chirurgicales au final non justifiées) qu’ils pourraient entraîner.
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1. Un résumé (en anglais) de la publication du Lancet est disponible à cette adresse: «Ovarian cancer screening and mortality in the UK Collaborative Trial of Ovarian Cancer Screening (UKCTOCS): a randomised controlled trial»
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Cancer du corps utérin
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 900 nouveaux cas de cancer du corps de l’utérus (carcinome de l’endomètre, sarcome de l’utérus), ce qui représente quelque 5 % de toutes les maladies cancéreuses chez la femme. Le risque augmente fortement à partir de 50 ans : près de la moitié des patientes sont âgées de 50 à 69 ans au moment du diagnostic, 45 % ont 70 ans et plus.
Cancer du rein
Chaque année en Suisse, on dénombre près de 900 nouveaux cas de cancer du rein (carcinome des cellules rénales), ce qui représente environ 2 % de toutes les maladies cancéreuses. Les hommes sont davantage touchés que les femmes (deux tiers contre un tiers). Le cancer du rein apparaît généralement à un âge avancé : 44 % des patients ont entre 50 et 69 ans au moment du diagnostic, 45 % ont 70 ans et plus.
Cancer de la vessie
Chaque année en Suisse, quelque 1200 personnes développent un cancer de la vessie, ce qui correspond à environ 3% de toutes les maladies cancéreuses.