Immunothérapie anti-cancer: les promesses du parasite de la toxoplasmose

Dernière mise à jour 26/01/15 | Article
Immunothérapie anti-cancer: les promesses du parasite de la toxoplasmose
Traiter le cancer grâce à un parasite présent dans les excréments de chat? C’est le pari de chercheurs américains qui ont mis au point un vaccin thérapeutique à partir du parasite de la toxoplasmose. Une invention qui ouvre de nouvelles perspectives en matière de traitements par immunothérapie.

Traiter le cancer grâce à l’immunothérapie semble une voie plus que prometteuse. «Nous vivons en effet une période de grand enthousiasme pour ces thérapies. Mobiliser ou débloquer le système immunitaire, qui est contourné ou désactivé par les tumeurs, constitue une approche thérapeutique très intéressante», commente le Dr Pedro Romero, professeur ordinaire et chef de laboratoire au Centre Ludwig de l’Université de Lausanne pour la recherche sur le cancer. Plusieurs recherches en immunothérapie et vaccins thérapeutiques contre le cancer ont été brevetés. Certains sont déjà autorisés sur le marché.»

Tests prometteurs sur les souris

Parmi les brevets déposés figure celui des chercheurs de la Dartmouth's Geisel Medical School, l’Ecole de médecine de l’Université du New Jersey, qui ouvre de nouvelles voies en matière d’immunothérapie. Leurs travaux ont consisté à traiter, sur des souris, les cancers du poumon, des ovaires et de la peau (mélanomes). Ils ont utilisé le Toxoplasma gondii, un parasite atténué, transformé et baptisé «cps» par ses inventeurs.

Sous sa forme sauvage, ce parasite, hébergé dans les intestins des chats notamment, est responsable de la toxoplasmose (lire encadré). «Comme d’autres immunothérapies, celle-ci vise à débloquer le frein que les cellules cancéreuses mettent aux défenses immunitaires, commente le Dr Pedro Romero. Mais son originalité réside dans l’utilisation d’un parasite, beaucoup plus complexe que les virus oncolytiques (ndlr: qui ont la capacité de détruire les cellules cancéreuses) et les bactéries utilisés habituellement dans ces thérapies pour déclencher les réactions du système immunitaire.»

«Le parasite s’installe plus particulièrement à l’intérieur des cellules responsables de l’activité phagocytaire», poursuit le Dr Romero. Pour rappel, les phagocytes font partie du système immunitaire. Ces sortes de cellules éboueuses réagissent et détruisent notamment les bactéries, les virus et autres intrus dans l’organisme.

Parasite inactivé, mais efficace

Les chercheurs américains ont observé que, quand Toxoplasma gondii infecte un organisme sain, celui-ci contre-attaque vigoureusement en produisant des cellules tueuses naturelles ainsi que des lymphocytes (ou lymphocytes T cytotoxiques) fondamentaux dans la réponse immunitaire. Cette contre-attaque en force est similaire à celle de l’organisme réagissant à une tumeur.

Partant de ce constat, les chercheurs ont donc fabriqué leur vaccin «cps». Il contient le parasite en question sous une forme modifiée et inoffensive même au sein d’un organisme animal ou humain au système immunitaire défaillant. Le parasite mutant atténué ne peut en effet plus se répliquer, mais il infecte les cellules phagocytiques et déclenche la réponse immunitaire de l’hôte. Il possède donc des propriétés indéniables pour aider l’organisme à se défendre contre le cancer.

«Biologiquement, ce parasite a trouvé comment stimuler l’exacte réponse immunitaire qu’on souhaite pour combattre le cancer. Le cancer peut éteindre les mécanismes défensifs du corps, mais introduire des T. gondii dans un environnement tumoral peut redémarrer le système immunitaire», se réjouit le Pr David J.Bzik, spécialiste en microbiologie et immunologie et membre de l’équipe de recherche de l’Ecole de médecine du New Jersey.

Comme le précise le Dr Barbara Fox, associée à la recherche, «la biologie de ce micro-organisme est fondamentalement différente des stratégies immuno-thérapeutiques basées sur d’autres microbes qui, typiquement, ne font que stimuler les cellules immunitaires de l’extérieur.»(1) Le «cps» agit en somme comme un cheval de Troie: «En obtenant un accès privilégié à l’intérieur des puissantes cellules de l’immunité innée, notre T. gondii muté reprogramme le pouvoir naturel du système immunitaire pour déblayer les cellules tumorales et le cancer», souligne la spécialiste.

La création de ce vaccin anti-cancer ouvre donc de nouvelles perspectives, mais pas dans l’immédiat. «D’autres recherches sont encore nécessaires avant que les premiers essais sur des humains ne soient autorisés», tempère le Dr Romero.

L’agent de la toxoplasmose

Toxoplasma gondii est le parasite responsable de la toxoplasmose, une maladie infectieuse parasitaire très répandue. Transmise avant tout à l’homme lors de la consommation de viande crue, elle est généralement inoffensive pour les personnes en bonne santé, qui, dans de rares cas, peuvent ressentir des symptômes similaires à ceux d’un rhume.

La toxoplasmose peut en revanche avoir de graves conséquences (notamment neurologiques) chez la femme enceinte et le fœtus, ainsi que chez les personnes immunodéprimées (malades du cancer, personnes atteintes par le virus VIH, etc.).

On soupçonne également ce parasite, sous sa forme naturelle, de provoquer des cancers, notamment du cerveau.

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(1) Source: http://geiselmed.dartmouth.edu/news/2014/putting-a-parasite-to-work/ 
 

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