Prééclampsie: coup de projecteur sur les formes atypiques
A l’échelle de la planète, la prééclampsie demeure l’une des principales causes de morbidité et de mortalité maternelle et fœtale. C’est dire l’importance d’une prise en charge rapide et efficace. Régulièrement, les classifications et les définitions des sociétés médicales sont mises à jour, car la prééclampsie est difficile à définir. Plus qu’une pathologie, c’est un syndrome constitué d’un ensemble de signes et de symptômes qui touche la femme enceinte ou qui vient d’accoucher.
Triade classique
Par le passé, on définissait la prééclampsie comme une triade constituée de trois symptômes, hypertension, protéinurie et œdème). Mais cette définition a changé. Aujourd’hui, la prééclampsie est considérée comme un syndrome materno-fœtal complexe, alliant une hypertension artérielle (supérieure ou égale à 140/90 mmHg) et une atteinte organique unique ou multiple. Elle peut prendre une forme atypique, qui se décline en quatre types différents de par leur terme d’apparition ou leur absence de signes typiques.
La prééclampsie sans protéinurie
Comme décrit plus haut, la prééclampsie «classique» s’accompagne d’une perte de protéines dans les urines de la future mère. C’est d’ailleurs le recueil de ces urines sur 24 heures, analysées au laboratoire, qui confirmera le diagnostic. Cependant, il peut y avoir prééclampsie sans perte de protéines. Depuis 2013, l’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) a d’ailleurs supprimé la présence de protéines comme étant un critère de prééclampsie «classique». Ainsi, les prééclampsies sans protéinuries ne devraient plus être considérées comme atypiques.
La prééclampsie sans hypertension artérielle
L’hypertension artérielle est le principal facteur qui pousse un médecin à suspecter une prééclampsie chez la femme enceinte. Pourtant, une forme atypique sans hypertension existe. C’est le cas lorsque la patiente présente un syndrome HELLP (que l’on peut traduire par hémolyse, augmentation des enzymes hépatiques et taux abaissé de plaquettes), qui peut s’additionner à une prééclampsie existante. Dans 15% des cas, il n’y aura pas d’hypertension chez la patiente, mais le diagnostic doit absolument être considéré. Les symptômes de la femme enceinte seront une destruction des cellules sanguines, une élévation des enzymes hépatiques et une baisse des plaquettes (thrombopénie), avec douleurs au niveau du foie et vomissements.
La prééclampsie avant vingt semaines d’aménorrhée
Plus rare, la prééclampsie avant vingt semaines d’aménorrhée se présente avec une hypertension et une protéinurie. Il est recommandé en premier lieu de rechercher les éventuels diagnostics différentiels, comme la néphrite lupique ou le syndrome hémolytique et urémique, car la prééclampsie se déclenche habituellement plus tard, au cours du deuxième ou du troisième trimestre de grossesse. Si la prééclampsie est avérée, le traitement sera l’interruption médicale de la grossesse, avec contrôle de l’hypertension artérielle de la patiente et administration de sulfate de magnésium pour éviter toute crise convulsive.
La prééclampsie du post-partum
La prééclampsie est naturellement associée à la femme enceinte et guérit une fois que la patiente a accouché. Pourtant, des cas de prééclampsies peuvent survenir jusqu’à six semaines après l’accouchement. Il est donc recommandé aux femmes enceintes à risque de surveiller leur tension, en les informant des signes de gravité qui doivent les pousser à consulter (mal de tête persistant, bourdonnement d’oreille, «mouches» devant les yeux…).
En bref
La prééclampsie reste donc une pathologie à multiples facettes, qu’il ne faut surtout pas réduire à quelques symptômes particuliers. Les formes atypiques notamment sont à prendre en compte, une fois les diagnostics différentiels écartés, pour assurer la meilleure prise en charge thérapeutique de la future mère et de son bébé.
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Références
Adapté de «Les présentations cliniques atypiques de la prééclampsie», Dresse Agnès Ditisheim, Prs Michel Boulvain, Olivier P. Irion, Antoinette Pechère-Bertschi, Unité d’hypertension, Services d’endocrinologie, diabétologie, hypertension et nutrition et de médecine de premier recours, Département d’obstétrique et de gynécologie, HUG et Université de Genève. In Revue Médicale Suisse 2015:11:1655-8, en collaboration avec les auteurs.
L’hypertension artérielle: aussi une (dangereuse) affaire de femmes
Hypertension artérielle
On parle d'hypertension artérielle lorsque la pression systolique est supérieure à 140 millimètres de mercure (mmHg) et/ou lorsque la pression diastolique est supérieure à 90 mmHg.