Un test prénatal sans risques pour dépister la trisomie
«La trisomie est une anomalie chromosomique grave pour laquelle il n’y a aujourd’hui aucun traitement. Une stratégie est donc de la dépister tôt afin de laisser aux parents le choix de poursuivre ou non la grossesse», explique le Pr Marc Abramowicz, médecin-chef du Service de médecine génétique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Une stratégie de prévention accessible à tous les futurs parents qui le souhaitent et qui consiste en un test précoce de dépistage des trisomies 21, 18 et 13, en deux étapes.
Une détection en deux étapes
Le premier test est proposé à toute femme enceinte entre la 11e et la 14e semaine de grossesse et permet de déterminer le risque d’anomalies chromosomiques chez l’enfant. Il est calculé sur la base d’une échographie, d’une analyse sanguine et de l’âge de la maman (le risque augmentant avec l’âge). Le résultat est considéré comme faible lorsque le risque de trisomie est inférieur à 1/1000. Cela signifie qu’il faudrait plus de 1000 naissances pour trouver un cas de trisomie. Dans ce cas, on estime qu’il n’est pas nécessaire de poursuivre les tests et on peut alors rassurer les futurs parents. Un résultat supérieur à 1/1000 ne prouve pas la présence d’une trisomie, mais d’autres examens sont dans ce cas nécessaires. C’est là que le test prénatal non invasif (NIPT pour non invasive prenatal test, en anglais) entre en jeu et change la donne par rapport à ce qui se faisait auparavant. Réalisé à partir d’une simple prise de sang, ce test analyse le matériel génétique du fœtus (son ADN) libéré par le placenta dans le sang de la femme enceinte. Il ne comporte donc aucun risque pour l’enfant et est particulièrement fiable. «Ce test a une valeur prédictive négative très élevée, ce qui signifie que si le test est négatif, c’est-à-dire s’il indique qu’il n’y a pas de risque de trisomie, il aura presque toujours raison», explique le Pr Abramowicz.
Éviter des fausses couches
C’est justement cette valeur prédictive négative très forte qui rend ce test si précieux car il permet, dans la très grande majorité des cas, d’éviter le recours à l’étape suivante, soit un test diagnostique invasif par biopsie de placenta ou par amniocentèse. Avant l’arrivée du NIPT, on pratiquait l’amniocentèse directement après la première étape, en cas de risque élevé de trisomie. Or cet examen comporte des risques de fausse couche de l’ordre de 1 sur 200.
Grâce à l’arrivée du NIPT, l’amniocentèse n’est aujourd’hui pratiquée qu’en troisième ligne, lorsque le risque calculé lors des deux premières étapes est positif, ce qui concerne seulement 2 femmes sur 1000. «On estime que cette stratégie de dépistage combinée en deux étapes permet d’éviter environ quarante fausses couches par année en Suisse», se réjouit le spécialiste. Une vraie victoire, donc, et une révolution dans le dépistage de la trisomie.
Des faux positifs et des faux négatifs
Mais arrive-t-il aux tests de se tromper? Le but de cette stratégie combinée est de minimiser le risque de faux négatifs, soit de manquer un diagnostic de trisomie chez un fœtus atteint. «Une fois sur 1000, une patiente que l’on avait rassurée à tort aura un bébé atteint de trisomie 21, ce qui est très peu sur le plan statistique, mais dramatique et difficile à accepter sur le plan personnel», estime le professeur de médecine génétique.
Quant à l’amniocentèse, bien qu’elle soit un test diagnostique et non de dépistage (contrairement aux deux premières étapes), il arrive qu’elle se trompe dans l’autre sens et produise des faux positifs. «Il s’agit de cas rares dans lesquels certains îlots placentaires sont porteurs de trisomie, alors que le bébé ne l’est pas.» Le test prénatal non invasif constitue une véritable avancée dans le dépistage des trisomies, mais pas seulement. Depuis que cette stratégie existe, elle continue d’être explorée et permet maintenant de déceler d’autres anomalies génétiques plus rares. «Avec le même type d’approche, on peut détecter certaines anomalies chromosomiques supplémentaires (mais avec une valeur prédictive moins fiable que pour la trisomie) ou des récidives familiales de certaines maladies rares telles que la mucoviscidose. C’est utile pour certaines familles avec des antécédents, par exemple», conclut le Pr Abramowicz.
Une discipline en constante évolution
La médecine génétique est une discipline qui évolue très vite, mais elle comporte deux grandes limites, selon le Pr Marc Abramowicz, médecin-chef du Service de médecine génétique des HUG. «La première, c’est qu’il faut pouvoir interpréter les résultats que l’on obtient, or on connaît l’alphabet génétique, mais on ne comprend pas toujours les mots, il faudra pour cela le recul du temps. La deuxième limite est que tout ce qui est techniquement faisable n’est pas forcément souhaitable sur le plan familial, sociétal ou éthique. Ce sont des questions qu’il faut continuer à se poser avec les autres médecins, les patients, leurs familles et avec tous les citoyens.»
_______