Césarienne forcée: un tel cas pourrait-il se produire en Suisse?
En 2012, une femme italienne, alors enceinte, est prise d’une attaque de panique en Angleterre, où elle séjourne dans le cadre d’une formation professionnelle. Elle fait appel à la police qui la conduit dans un hôpital psychiatrique. Sur place, les médecins décident de l’interner de manière non-volontaire.
Cinq semaines plus tard, sur autorisation de la justice, la patiente est anesthésiée et subit une césarienne forcée. Son bébé lui est retiré pour être confié aux services sociaux. La question se pose de savoir si une telle intervention pourrait se dérouler en Suisse.
L’autodétermination du patient
L’autodétermination est un principe cardinal de la médecine. Le médecin doit obtenir le consentement du patient avant de procéder à une prise en charge médicale. Le consentement peut être donné de manière explicite ou tacite, et pour qu’il soit valable, le patient doit toutefois être capable de discernement1.
A défaut d’obtenir le consentement du patient, l’acte est contraire au droit. Des poursuites pénales, civiles ou disciplinaires contre le corps médical sont alors envisageables.
Lorsque le patient est incapable de discernement, le médecin est tenu de suivre d’éventuelles directives anticipées qui auraient été rédigées par le patient. A défaut, et lorsqu’il y a urgence, le médecin agira dans l’intérêt et selon la volonté présumée de celui-ci2. En l’absence d’une situation d’urgence, la loi désigne quelle personne peut prendre les décisions relatives à la santé du patient.3
Le placement à des fins d’assistance
Le placement à des fins d’assistance est une mesure de protection particulière4. Le placement d’une personne – capable de discernement ou non – dans une institution appropriée peut avoir lieu lorsque, notamment en raison de troubles psychiques, le traitement nécessaire ne peut lui être fourni d’une autre manière5.
Le traitement des troubles psychiques lors du placement (par exemple, l’administration de médicaments) fait l’objet de règles particulières : un traitement peut être administré de force mais à des conditions très strictes qui doivent être cumulativement remplies6:
- Le défaut de traitement met gravement en péril la santé du patient ou autrui;
- Le patient n’a pas la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité du traitement;
- Il n’existe pas de mesures moins rigoureuses.
Pour être admis, le traitement doit être proportionné à la cause du placement et conforme aux connaissances médicales.7
Une césarienne forcée est-elle admissible en droit suisse ?
On entend par «césarienne forcée» l’intervention chirurgicale visant à extraire le fœtus de l’utérus de la mère contre sa volonté clairement manifestée.
En principe, une patiente capable de discernement décide de la prise en charge qu’elle accepte ou qu’elle refuse, même si sa décision peut conduire à la mort. Une césarienne effectuée sans le consentement de la patiente est contraire au droit, même s’il existe objectivement un risque pour la santé de la mère ou du fœtus.
A supposer qu’une femme enceinte soit hospitalisée – en raison de troubles psychiques – dans le cadre d’un placement à des fins d’assistance, seul le traitement de ces troubles pourrait, cas échéant et à des conditions strictes, être prodigué sans son accord. Dans ces circonstances, une césarienne effectuée contre sa volonté serait illégale.
Une césarienne effectuée sans consentement est-elle toujours exclue en droit suisse ?
A supposer que la patiente soit incapable de discernement, et s’il y a urgence (par exemple risque vital pour la mère ou l’enfant), le médecin devra opter pour une prise en charge conforme à l’intérêt de la patiente et à sa volonté présumée.
Si une césarienne urgente s’impose pour des raisons médicales et correspond à la volonté présumée de la patiente incapable de discernement, cette intervention pourrait être conforme au droit.
En résumé
En droit suisse, une césarienne forcée est illégale.
Si la patiente est capable de discernement, elle seule décide si elle donne ou non son accord à la prise en charge envisagée. Le corps médical ne peut lui imposer un traitement même si respecter son autonomie peut avoir des conséquences néfastes pour elle.
Dans le cadre d’un placement à des fins d’assistance en raison de troubles psychiques – situation qui se rapproche du cas de la patiente italienne – seul un traitement forcé des troubles est, cas échéant, envisageable. Une césarienne effectuée sans l’accord de la patiente serait contraire au droit.
Si la patiente est incapable de discernement et qu’il existe une situation d’urgence, la prise en charge médicale doit être conforme à son intérêt et à sa volonté présumée. Dans ces circonstances, une césarienne médicalement justifiée pourrait être licite, même sans consentement.
Références
- Le patient est capable de discernement lorsqu’il est apte à apprécier correctement une situation et à agir en fonction de cette appréciation.
- Les directives anticipées permettent au patient de se prononcer à l’avance par écrit sur la prise en charge médicale qu’il accepte, ou refuse, dans l’hypothèse où il deviendrait incapable de discernement.
- Art. 378 al. 1 du Code civil (CC) et art. 381 al. 1 CC.
- Art. 426ss CC.
- Art. 426 al. 1 CC.
- Art. 434. Al. 1 CC.
- FF 2006 6635, p. 6703.