Sperme: les futurs pères doivent prendre garde à ce qu’ils mangent

Dernière mise à jour 08/01/14 | Article
Sperme: les futurs pères doivent prendre garde à ce qu’ils mangent
Des chercheurs canadiens viennent de faire une étonnante découverte expérimentale: une mauvaise alimentation de l’homme avant la fécondation peut avoir des conséquences nocives sur la santé de sa progéniture. Quelles conséquences pratiques?

Chacun le sait: notre alimentation joue un rôle majeur sur notre santé. On découvre qu’elle a une action plus en amont, sur le fonctionnement de certains de nos gènes eux-mêmes, comme l’explique le Pr Walter Wahli, fondateur du Centre intégratif de Génomique de l’Université de Lausanne. On apprend que l’alimentation du futur père (avant la fécondation) peut jouer un rôle important sur la santé de son futur enfant.

Anomalies congénitales

C’est la conclusion surprenante à laquelle parviennent des chercheurs de l’Université McGill. Dans une étude que vient de publier la revue Nature Communications1 ils démontrent que le comportement alimentaire du père a une grande importance sur le développement du fœtus et la santé de l’enfant à naître – et ce avant la conception. Le groupe de chercheurs était dirigé par le Pr Sarah Kimmins (département des sciences animales, département de pharmacologie et thérapeutique de l’Université McGill, Montréal, Québec, Canada).

Cette étude s’est plus particulièrement intéressée à la vitamine B9 (également appelée acide folique ou folate). Elle est présente dans nombre de légumes verts ainsi que dans les céréales, les fruits et la viande. Cette vitamine B9 est tout particulièrement recommandée aux femmes enceintes (en début de grossesse et idéalement plusieurs mois avant qu'elle ne débute) à la dose d’environ 400 μg par jour. Il s’agit ici de prévenir le risque de fausse couche ainsi que de certaines anomalies congénitales comme la spina bifida2. Cette recommandation concerne désormais également les futurs pères.

Souris mâles carencées

«Bien que de l’acide folique soit ajouté en supplément à de nombreux aliments, les hommes qui ont une alimentation riche en matières grasses (ou en produits de restauration rapide) et ceux qui sont obèses courent le risque de ne pas pouvoir métaboliser l’acide folique aussi efficacement que des personnes qui ont des taux normaux de cette vitamine, explique le Pr Sarah Kimmins. Nous savons maintenant que cette caractéristique se transmet du père vers l’embryon avec des conséquences qui peuvent être très sérieuses.»

L’équipe de chercheurs canadiens est arrivée à cette conclusion en extrapolant les résultats d’une étude menée sur des souris de laboratoire, en comparant la progéniture des mâles soumis à un régime alimentaire contenant des quantités réduites d’acide folique avec celle de pères dont le régime en comportait des quantités suffisantes. Ils ont ainsi observé que la carence chez le père était associée à une augmentation de diverses anomalies congénitales chez sa descendance.

Crâne, face et colonne vertébrale

«Nous avons été très surpris d’observer une augmentation de près de 30% des anomalies congénitales chez les portées dont le géniteur avait des taux réduits d’acide folique, souligne Romain Lambrot, (département de sciences animales de l’Université McGill) le premier signataire de cette publication. Nous avons notamment détecté des malformations squelettiques très sévères au niveau du crâne et de la face ainsi que de la colonne vertébrale.»

Comment comprendre? Les chercheurs montrent que c’est l’expression de certains gènes des spermatozoïdes qui est affectée par certaines caractéristiques de l’alimentation paternelle. On parle ici de l’«épigénome», déclinaison de l’épigénétique à l’échelle d’une cellule) des spermatozoïdes qui est affecté par certaines caractéristiques de l’alimentation paternelle. Et ce sont ces modifications qui peuvent ensuite jouer sur le développement, le métabolisme et le risque de maladies chez l’enfant à naître – voire plus tard dans sa vie.

La mémoire des spermatozoïdes

En d’autres termes tout se passe comme si les spermatozoïdes véhiculaient eux aussi une mémoire de l'environnement et de la vie du l’organisme au sein duquel ils sont élaborés. Ceci pourrait notamment expliquer les liens que certains spécialistes commencent à faire entre l’alcoolisme paternel et les anomalies ou troubles observés chez certains nouveau-nés ou plus tard chez certains enfants. On pourrait ainsi parler des conséquences d’un alcoolisme paternel comme il existe des conséquences d’un alcoolisme maternel (syndrome d’alcoolisme fœtal).

Le message qui en résulte est clair: les (futurs) pères doivent (eux aussi) faire attention à leur alimentation. «Notre étude suggère que les pères devraient réfléchir à ce qu’ils mangent, à ce qu’ils boivent, à ce qu’ils fument et se souvenir qu’ils sont les garants de la santé des générations futures, conclut ainsi le Pr Kimmins. Si tout se passe comme prévu, la prochaine étape de notre projet de recherche consistera à travailler en collaboration avec des membres d’une clinique de fertilité afin de déterminer les liens qui peuvent exister chez les hommes entre le régime alimentaire, le surpoids et la santé de leurs enfants.

   

1. L’intégralité (en anglais) de cette étude est disponible ici.  Elle a été pour l’essentiel financée par le programme «Projets pilotes de Génome Québec», le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, les Instituts de recherche en santé du Canada et le Réseau québécois en reproduction.2. En 2009 une information publiée dans TheLancet signalait que l’Ecosse venait d’enregistrer deux fois plus de naissances d’enfants porteurs de spina bifida(anomalie de fermeture du tube neural et de la colonne vertébrale) que ce à quoi on pouvait s’attendre. Cette augmentation fut alors attribuée à une mauvaise observance du traitement préventif: les futures mères ne respectaient pas les recommandations de prise de suppléments d’acide folique si possible au moins trois mois avant la conception, dès qu’un «projet d’enfant» est évoqué dans un couple –et au moins pendant les trois premiers mois de la grossesse.
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