Gaz hilarant: l’anesthésique qui fait oublier la douleur

Dernière mise à jour 20/02/12 | Article
Patiente sous gaz hilarant
Cela n’a rien d’une plaisanterie. L’inhalation de gaz hilarant rend euphorique, s’accompagne de rires, d’une sensation de flottement et de distorsions auditives et visuelles. Rien de bien neuf sous le soleil. Précisions.

Au XVIIIe siècle déjà, on s’adonnait à cette pratique récréative dans les fêtes foraines. Ce produit connaît régulièrement des regains d’intérêt, mais, selon l’association genevoise Nuit blanche, «sa consommation demeurerait marginale en Suisse, et, aurait plus cours dans les soirées privées que dans les clubs». Les cas d’abus seraient plutôt rares. Il n’y aurait guère que dans les milieux initiés qu’on aurait constaté des phénomènes d’addiction.

En médecine, le gaz hilarant, appelé aussi très sérieusement protoxyde d’azote (N20), est un anesthésique bien connu. «Employé à l’origine en médecine dentaire, il a ensuite été utilisé en chirurgie, principalement pour renforcer l’effet d’autres anesthésiques. A lui seul, il n’est pas assez puissant pour plonger totalement le patient sous narcose», explique le Dr Lennart Magnusson, médecin-chef du Service d'anesthésiologie et réanimation à l’Hôpital cantonal de Fribourg.

Apprécié pour la multiplicité de son action, ce gaz est à la fois relaxant, euphorisant, antalgique et amnésiant. Contrairement à d’autres agents anesthésiques volatils, il a l’avantage d’être inodore et de montrer ses effets rapidement. Aussi, il suffit d’enlever le masque pour que les sensations d’euphorie et de flottement retombent.

En dépit de ses qualités, «le N20 tend, en anesthésie, à être de moins en moins utilisé au profit d’autres produits plus efficaces», nuance le Prof. Christian Kern, Chef du service d’anesthésiologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). On lui reproche d’augmenter l’incidence des vomissements et des nausées indésirables après une intervention chirurgicale. «Par ailleurs, poursuit Walid Habre, Prof. associé à l’Unité d’anesthésie pédiatrique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), son utilisation est contre-indiquée en cas de soupçon de maladie coronarienne ou de déficit en vitamine B12 (patients éthyliques, dénutris, etc.)». Les pathologies cardio-respiratoires, les traumatismes crâniens ou la présence d’air enfermé dans une cavité (otite, sinusite, dilatation intestinale, pneumothorax) sont d’autres contre-indications, car l’inhalation du gaz risque d’augmenter la pression et de provoquer de graves lésions.

En dehors du bloc opératoire, le N2O est employé en salle d’accouchement pour soulager les douleurs provoquées par les contractions. Une pratique toutefois plus populaire en Grande-Bretagne et dans les pays nordiques que chez nous, où on lui préfère de loin la péridurale.

Mais c’est surtout en pédiatrie que cette technique, réputée très sûre, est un allié de choix. Le protoxyde d’azote est alors mélangé à de l’oxygène sous une formule équimolaire (50% de chaque substance) appelée «MEOPA». Ce mélange est utilisé pour de petites interventions douloureuses (sutures, prises de sang, piqûres, ponctions lombaires, pose de sondes, etc.) dès l’âge de trois ans et avec le consentement de l’enfant et de ses parents. «Plongé dans une sédation consciente, ce dernier est guidé dans sa rêverie dans laquelle on intègre ses propres sensations, décrit le Dr Martine Nydegger, anesthésiste à l’Hôpital de l’enfance à Lausanne. Le MEOPA peut provoquer maux de tête et nausées, mais il est généralement bien toléré. Il est réputé très sûr, avec un atout majeur, celui d’éviter que l’enfant ne développe une phobie des soins!»

Nom de code: E942

Le protoxyde d’azote est l’un des principaux gaz naturels à effet de serre. En 2009, le N2O représentait 6% du total des émissions dans l’atmosphère en Suisse. On l’utilise aussi bien en médecine que dans l’industrie, et comme additif alimentaire E942. Incolore et à l’odeur doucereuse, ce gaz propulseur permet par exemple d’augmenter le volume de la crème chantilly.

Les effets euphoriques du gaz hilarant sont réels, mais demeurent inexpliqués. Son inhalation en pratique récréative n’est pas sans risques. Conditionné sous pression et à basse température, son inhalation directe est très dangereuse, en raison du risque de gelures du nez, des lèvres et des cordes vocales. De plus, ses inhalations répétées font courir un danger mortel d’asphyxie à cause de l’absence d’oxygène. Enfin, une exposition excessive et prolongée a notamment des effets toxiques sur les globules rouges et les fonctions neurologiques.

Plus d’informations sur le site d’Addiction suisse: www.suchtschweiz.ch/fr/

Du gaz chez le dentiste

L’utilisation du gaz hilarant en médecine dentaire suscite un intérêt croissant, mais n’est pas très répandue en Suisse romande. Felix Adank, porte-parole de la Société suisse des médecins dentistes (SS0), estime que moins de 10% des cabinets en sont équipés. Et pour cause, «cela nécessite une formation particulière et beaucoup d’investissement personnel de la part du praticien, explique le Dr Juliane Leonhardt Amar, médecin-dentiste à Genève. Il faut à la fois assurer la partie technique liée à l’appareil, prodiguer les soins et gérer le patient dont l’état de conscience est modifié».

Chez les adultes, cette technique peut être utile chez certains patients anxieux, mais n’est pas la panacée, nuance la spécialiste: «Tout le monde n’apprécie pas le sentiment de perte de contrôle que le gaz peut provoquer. Il existe aujourd’hui des techniques de soin (dont le laser) et d’anesthésie très efficaces et beaucoup moins douloureuses.»

Par contre, le gaz hilarant est une solution très intéressante chez les enfants souffrant d’une anxiété modérée face à l’anesthésie et aux sensations désagréables liées aux soins dentaires, comme les vibrations de la fraise par exemple. Les spécialistes en médecine dentaire pédiatrique y ont recours en combinaison de stratégies comportementales (respiration, vidéos, explications adaptées à l’âge de l’enfant, etc.) visant à réduire le stress du jeune patient.

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