Médecins – Pharmaciens: collaborations et économies
Leurs formations sont complémentaires et leurs activités variées: on les trouve actifs dans les hôpitaux, dans la pratique privée, dans la recherche ou dans l’industrie.
En principe, le médecin consulte, diagnostique et prescrit ; le pharmacien dispense mais a aussi un rôle important de trieur. Parmi bien d’autres activités, il doit valider la prescription du médecin, un gage de sécurité pour le patient. Il a parfois une vision plus globale du malade, si celui-ci est soigné par plusieurs thérapeutes. Alors qu’on reconnaît aux médecins, très médiatisés, des compétences scientifiques, on oublie un peu le pharmacien, qui peut paraître plus « commercial » dans son officine : s’il est moins clinicien, ses compétences pharmacologiques sont très étendues et indispensables.
Alors que tout semble ainsi idéal, il y a bien sûr des zones de friction, garantes de mésententes et de jalousies. Deux exemples : la propharmacie (remise directe des médicaments par le médecin), d’actualité dans plusieurs cantons alémaniques, ne réjouit pas les pharmaciens ; la télémédecine (vidéo-consultations) dans les officines fâche les médecins !
Tout ceci pourrait contribuer à faire s’éloigner ces deux maillons indispensables du système de santé, également influencés par plusieurs intervenants extérieurs : firmes pharmaceutiques et caisses maladie, pour n’en citer que deux.
Quoi qu’il en soit, il paraît évident qu’une collaboration sans concurrence est nécessaire. Le bien-être du patient, qui a droit aux meilleurs soins au meilleur prix, doit primer !
Conscients de ces difficultés, ainsi que de l’inexorable augmentation du coût des traitements, et désireux de relancer une saine collaboration entre professionnels responsables, des collègues visionnaires ont lancé les cercles de qualité Médecins-Pharmaciens.
Un cercle de qualité (CQ) a pour but de prescrire le meilleur traitement au moindre coût. Il est constitué d‘un à deux pharmaciens et de cinq à dix médecins généralistes. Le pharmacien organise et anime des rencontres durant lesquelles on aborde l’aspect scientifique du traitement et de la prescription, mais aussi et surtout l’aspect économique. Chaque médecin est amené, grâce à des statistiques très précises fournies par l’OFAC (principal office de facturation des pharmaciens), à se remettre en question sur sa manière de prescrire. Il peut comparer ses prescriptions à celles de ses collègues du CQ ainsi qu‘à d‘autres médecins aux activités comparables ne faisant pas partie de cercles (groupe témoin, GT).
La prescription est améliorée et il est évident que ces cercles ont généré de substantielles économies (plusieurs dizaines de milliers de francs par année et par médecin, cf. tableau 1).
En ces périodes de changements, qui ont vu par exemple l’arrivée des médicaments génériques, maintenant largement admis et prescrits, les cercles ont permis de mieux s’y retrouver et de s’interroger de manière très précise, grâce à des revues de littérature scientifique indépendante, sur certaines pratiques douteuses de l’industrie pharmaceutique. Un exemple concret : peu avant l‘arrivée des génériques du médicament contre les brûlures d‘estomac Antra® (omeprazol), une firme a mis sur le marché un médicament quasiment identique, le Nexium® (esomeprazol), présenté comme une nouveauté à grands renforts de publicité. Bien que la littérature scientifique ait émis de forts soupçons de manœuvre commerciale sans avantage pour le patient, beaucoup de médecins se sont laissés convaincre des bienfaits de cette molécule (bien entendu plus chère que l‘oméprazol) et ont abondamment prescrit le Nexium et (depuis deux ans) ses génériques.
Les tableaux 2a et 2b montrent la différence de prescriptions entre les médecins d‘un CQ à La Chaux-de-Fonds et ceux du groupe témoin.
Difficile pour les thérapeutes de ne pas tomber dans de tels pièges sans l’aide de professionnels et de colloques appropriés. Le médecin doit donc contrebalancer les arguments des délégués médicaux de l’industrie par des événements scientifiques comme les cercles de qualité pour y voir clair.
Quand médecins et pharmaciens unissent leurs compétences, ils deviennent meilleurs et, pour ceux qui les fréquentent, les cercles de qualité sont devenus une source scientifique indispensable, pour le bien des patients ! Les pharmaciens d’officine indépendants aimeraient toutefois que cette activité soit mieux reconnue et souhaitent créer de nouvelles collaborations, par exemple avec les réseaux de soins.