Les populations vulnérables ne sont pas toujours celles qu’on imagine
Les personnes âgées, celles souffrant de plusieurs maladies ou encore celles immunodéprimées ont eu accès au vaccin contre le Covid-19 en priorité, car la Confédération avait établi qu’elles étaient plus à risque de développer une forme grave de la maladie. Selon vos recherches, d’autres auraient dû bénéficier de ce privilège. De qui s’agit-il?
Dr Kevin Morisod: Les autorités ont établi cette liste de personnes vulnérables en ne considérant que les profils médicaux et les données cliniques. Aucun déterminant social n’a été pris en compte alors qu’une partie de la population n’avait par exemple pas la possibilité de se protéger en appliquant les gestes barrières ou en s’isolant de quelqu’un infecté (notamment pour les personnes vivant en structures communautaires). Certains individus ne pouvaient pas non plus faire de télétravail. Ces personnes étaient donc aussi vulnérables que celles que vous avez citées.
La pandémie a-t-elle permis de changer les choses?
La pandémie a permis de remettre cette question sur le devant de la scène, mais à l’heure actuelle, l’équité en santé n’est pas une priorité nationale. Cependant, des projets cantonaux émergent. À Unisanté par exemple, nous nous sommes intéressés notamment aux patients qui fréquentent souvent les urgences. Ce sont des personnes qui, pour des raisons diverses, ne vont pas chez le médecin et arrivent à l’hôpital lorsque leur état s’est dégradé. Elles n’ont peut-être pas les moyens financiers pour des soins de ville, ne connaissent pas bien le système de santé suisse et n’ont pas de médecin généraliste, par exemple. Nous avons donc mis sur pied une équipe mobile «vulnérabilités» composée d’infirmiers spécialisés et d’assistants sociaux. Elle assure le suivi après le passage à l’hôpital et aide à réinsérer cette patientèle dans le système ambulatoire.
De manière générale, quels sont les facteurs de vulnérabilisation de certaines populations?
Ils sont nombreux. Parmi eux: le niveau socio-économique. Les gens sont-ils au chômage ou ont-ils un travail? Quel est leur revenu? Ces facteurs ont un impact sur le niveau de stress et sur le bien-être mental, car les personnes sans emploi ressentent parfois de la honte ou d’autres sentiments difficiles. Par ailleurs, celles avec un plus faible niveau d’éducation ont une espérance de vie en bonne santé moindre par rapport à celles avec un plus haut niveau d’éducation. L’enfance joue aussi un rôle important, si on a été victime de violence étant enfant ou qu’on est orphelin, cela aura des répercussions sur la santé à l’âge adulte.
Comment agir pour gommer les inégalités en santé?
Le personnel soignant doit être formé et sensibilisé au contexte social et à ses conséquences sur la santé des gens. Pour mieux comprendre son impact, il faut aussi faire de la recherche participative avec des populations vulnérables et ensuite mener une communication ciblée pour chaque groupe spécifique afin de leur permettre d’avoir un meilleur accès aux soins et un bon suivi.
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