Les réseaux de soins, un modèle unique?
La nouvelle loi encourage les patients et assurés à s’affilier à un réseau de soins. En contrepartie de certaines restrictions, notamment quant au libre-choix du médecin et au respect d’un budget fixé par les assureurs, les affiliés paient une quotepart réduite à 10% et au maximum de 500 francs par an. En revanche, ceux qui ne veulent pas rejoindre un réseau sont pénalisés par une quote-part de 15%, et au maximum de 1000 francs par an; mais, pouvoir est donné au Conseil fédéral de l’augmenter. Personne aujourd’hui ne conteste plus guère l’existence des réseaux de soins en tant que tels. C’est essentiellement contre ce caractère quasi obligatoire de l’affiliation à un réseau, et contre la perte du libre-choix du médecin, que le référendum a été lancé.
«En juin 2008, plus de 70% des Suisses ont dit oui au libre-choix du médecin, et plus de 90% des électeurs vaudois et genevois, rappelle le Dr Michel A. Matter, président du Comité référendaire suisse Libre-choix du médecin pour tous. Nous défendons la diversité de l’offre, dans un marché ouvert, et qui ne pénalise pas les patients. Nous refusons la monoculture d’un seul système de soins que serait le Managed care généralisé, dans lequel le patient peut être lié pour trois ans.» D’ailleurs, la perte du libre-choix ne touche pas qu’au médecin, mais aussi à l’hôpital, à l’EMS et à la pharmacie, puisque les assureurs pourront avoir des contrats d’exclusivité avec ces institutions.
«Une inégalité déjà présente»
Cofondateur du Réseau Delta à Onex, le Dr Marc-André Raetzo relativise les effets de la nouvelle loi: «Va-t-on pénaliser les gens qui ne veulent pas s’affilier à un réseau, puisqu’ils devront payer plus cher? Mais ils paient déjà plus cher! Dans notre réseau, nous avons amélioré la prise en charge des gens et diminué les coûts de manière massive, de sorte que nos patients paient 20 à 25% de primes en moins que les autres. Par conséquent, l’inégalité de traitement est déjà présente.»
Le Dr Raetzo conteste également l’étendue de la perte du libre-choix brandie par les référendaires, dans la mesure où dans de nombreux cas, elle n’existe pas: «Si vous allez à l’hôpital, vous n’avez pas le libre choix de votre docteur. Vous êtes en urgence? Vous n’avez pas le choix de votre docteur. Dans le réseau, vous avez le choix parmi 300 médecins de premier recours sur 450 à Genève: est-ce une limitation inacceptable? En plus, ces 300 médecins se sont engagés dans un processus de qualité, et disposent d’un label.»
Pour les opposants, d’autres défauts de la loi sont montrés du doigt. En particulier, ils craignent une main-mise des assureurs sur le système, même si la loi prévoit qu’ils ne puissent pas gérer eux-mêmes des institutions dispensant des traitements médicaux: «Indirectement, ou directement en cas de généralisation du système, ce seront les assureurs qui dirigeront les réseaux, via les contrats qu’il passeront avec eux. Or, la vision économique défendue par les assureurs risque d’engendrer une perte de qualité au niveau des soins», avertit le Dr Matter, d’où un risque de rationnement des soins.
Et si, au contraire, les réseaux pouvaientdicter leur loi aux caisses-maladie? «La responsabilité financière (assumée par les prestataires de soins au sein d’un réseau – ndlr) fait que les assurances nous fichent la paix, affirme Marc-André Raetzo. Mieux, nous pouvons les mettre en concurrence, et refuser de travailler avec celles qui ne veulent pas se mettre d’accord avec nous. Cela, un réseau a les moyens de le faire. Pas un médecin tout seul.»
Le retour des «listes unilatérales»
Il est une autre disposition de la loi qui inquiète, notamment dans le milieu médical: c’est la possibilité, pour les caisses-maladie, de promouvoir des «formes particulières d’assurance maladie», des modèles dans lesquels l’assuré accepte de ne recourir qu’à des prestataires de soins désignés par la caisse. On retrouve là le problème récurrent des fameuses «listes unilatérales» de médecins agréés, souvent arbitraires et floues, et que personne ne peut contester. C’est, estiment certains, la porte ouverte à la chasse aux bons risques et surtout, un préjudice considérable pour le patient, parfois forcé de changer de généraliste ou de gynécologue, si son praticien est rejeté par l’assureur.
Ce que les électeurs auront à trancher, finalement, c’est la question de savoir si les réseaux de soins doivent devenir le modèle unique, et quasi obligatoire, de l’assurance de base, au nom de la maîtrise des coûts de la santé.
Les grandes lignes de la réforme
Quote-part et participation aux coûts: un assuré ne voulant pas choisir d’adhérer à un réseau assume une quote-part supérieure à celle d’un assuré qui s’y est affilié.
Coresponsabilité budgétaire: les fournisseurs de prestations regroupés dans un réseau assument la responsabilité financière des coûts des soins médicaux.
Durée des contrats: jusqu’à trois ans. L’assuré pourra changer d’assureur, mais pas de modèle d’assurance.
Formes particulières d’assurance: les caisses pourront proposer des contrats particuliers, limitant l’accès à certains médecins agréés par elles.
Interdiction aux assureurs d’être propriétaires d’un réseau de soins.
Modification de la compensation des risques, qui interdit dans le futur la chasse aux bons risques.
Limitation de l’intérêt du système des «listes».