La place de l’humain dans les soins
Bio express
1971 Naissance à Genève.
1996 Diplôme de médecine.
2001 Thèse de médecine interne (Prix Tissot).
2003 FMH médecine Interne
2012 Famille recomposée avec le Pr Pietro Majno.
2015 Accueil de réfugiés érythréens dans le cadre du programme Famille d’accueil.
2015 Directrice de l’iEH2.
Samia Hurst nous reçoit sur la terrasse ombragée de l’iEH2, sur les falaises de Champel. L’endroit est superbe. Une pelouse éclaboussée de soleil tapisse de vert un vaste parc où des chênes centenaires coulent des jours heureux. L’accueil chaleureux de la bioéthicienne confirme sa réputation d’affabilité. Une simplicité naturelle acquise sans doute en grandissant dans une famille où les palmes académiques n’avaient rien d’extraordinaire.
Sa mère enseigne l’anglais. Son père, le grec ancien. Il sera doyen de la Faculté de Lettres, puis recteur de l’Université de Genève. Dès lors, Samia Hurst fait ses humanités à l’âge de jouer au bac à sable. «La plupart des enfants s’endormaient avec Blanche-Neige ou le Petit Chaperon rouge. Moi c’était Ulysse, l’Odyssée et la guerre de Troie. Maintenant, c’est à mon tour de lire Homère à mes enfants», s’amuse-t-elle.
Les débuts de la bioéthique
En choisissant la médecine, Samia Hurst s’écarte pourtant du creuset familial. Au départ, pour devenir oncologue. Mais en cours d’études, elle découvre que c’est l’être humain face à la maladie et ses dilemmes, qui la passionnent le plus.
En 1995, elle suit les premiers cours de bioéthique donnés par Alex Mauron à la Faculté de médecine. Une initiative pionnière en Suisse. «Cela m’a procuré des outils intellectuels nouveaux. Je me souviens d’une intervention intempestive sur un problème éthique, en pleine visite médicale, qui avait interloqué mon supérieur hiérarchique. Il aurait pu m’en vouloir. Il m’a encouragée, au contraire. J’ai commencé comme ça. Je crois aussi que j’avais besoin de transformer en défis intellectuels les drames existentiels que nous vivions en Clinique», dit-elle.
Après un détour postdoctoral par le National Institute of Health (Washington) de 2001 à 2003, elle rejoint l’Institut d’éthique biomédicale à Genève. Elle s’intéresse notamment à la notion de vulnérabilité. Et, dans la foulée, la définition qu’elle en donne sera reprise en 2013 par la Déclaration d’Helsinki, référence internationale en matière de normes éthiques.
Autre pôle d’intérêt, les questions touchant à l’équité, soit l’égalité dans les soins. Celles-ci prennent un nouveau relief avec l’avènement de la médecine prédictive, qui menace de saper un des fondements du système de santé: l’ignorance du futur. En l’état, personne ne sait s’il va tomber malade, ni de quelle pathologie il risque de souffrir. Du coup, la société mutualise les risques. Chacun accepte de verser une contribution équitable. « Si demain des groups de gens peuvent s’exclure du risque de développer un cancer, ils pourraient se désolidariser en exigeant des primes d’assurance moins élevées», avertit Samia Hurst.
Défis intellectuels
Trouver des solutions, anticiper les changements, tels sont les défis intellectuels auxquels font face les bioéthiciens. «En clinique, notre action est directe et concrète. Je forme les soignants à la consultation d’éthique et suis consultante au Conseil d’éthique clinique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Dans ce cadre, je peux attirer l’attention sur des conflits de valeur potentiels, les priorités et les outils conceptuels à disposition pour les résoudre», reprend la spécialiste.
«Sur le plan national, les réflexions des bioéthiciens nourrissent et parfois infléchissent les politiques de santé. Un exemple concerne la prise en charge des grévistes de la faim en milieu carcéral. Après l’avis rendu à Genève en 2010 par le Conseil d’éthique clinique, et dont certains éléments ont été repris par l’Académie suisse des sciences médicales, plusieurs cantons ont pris des décisions conformes à nos conclusions», se réjouit Samia Hurst.
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Article repris du site pulsations.swiss