Les droits du patient mineur
Il ressort du Code civil que le mineur –soit toute personne qui n’a pas 18 ans révolus– n’a pas l’exercice des droits civils (art. 17 CC). Dans la mesure où une décision médicale –soit une décision touchant la santé– ressort d’un droit strictement personnel, la question de savoir si le mineur peut consentir seul à une prise en charge (traitement, opération, etc.) nécessite d’examiner sa capacité de discernement.
En effet, le mineur capable de discernement exerce ses droits strictement personnels de manière autonome (art. 19c al. 1 CC) alors que le mineur incapable de discernement est représenté pour ce faire par ses représentants légaux (art. 19c al. 2 CC), soit en principe son père et sa mère (art. 304 al. 1 CC). Or, la capacité de discernement –soit la faculté d’agir raisonnablement au sens de l’art. 16 CC– est une notion juridique qui dépend d’une appréciation de plusieurs facteurs, étant précisé que le Code civil ne fixe pas un âge déterminé à partir duquel le mineur a la capacité de discernement.
Capacité de discernement selon l’âge
En pratique, et sauf situations exceptionnelles, le médecin peut néanmoins présumer qu’un petit enfant (soit un enfant de moins de 12 ans) n’a pas la capacité de discernement pour faire un choix en matière médicale, alors qu’un jeune proche de l’âge adulte (soit un enfant de 16 ans et plus) a une telle capacité de discernement.
C’est dans la tranche d’âge intermédiaire que la situation sera éventuellement plus problématique, comme la capacité de discernement dépend du degré de développement de l’enfant. Il s’agira alors pour le médecin de déterminer in concreto si le patient mineur a la faculté de comprendre sa maladie, d’apprécier les conséquences d’une décision et de communiquer son choix en toute connaissance de cause. Le médecin devra pour ce faire tenir compte de l’âge de l’enfant, de la nature du traitement ou de l’intervention proposée et de sa nécessité thérapeutique. S’il aboutit à la conclusion que le patient mineur est capable de discernement, ce dernier pourra théoriquement décider seul –c’est-à-dire sans l’accord de ses parents– s’agissant de la prise en charge qui lui est proposée.
En pratique…
Bien entendu, une telle situation est très schématique et se trouve relativement éloignée de la pratique médicale. En effet, les parents sont très souvent présents lors des consultations médicales concernant leur enfant, de sorte que la décision sur le traitement est fréquemment prise de concert, sans formalisme.
Il existe toutefois des situations où le choix du patient mineur ne correspond pas à ce qui est souhaité par les parents. On pense par exemple au cas où une nouvelle cure de chimiothérapie serait proposée et que le patient mineur ne veuille plus d’un tel traitement, même si cela aura des conséquences sur l’issue probable de la maladie.
Dans ce cas, l’examen in concreto de la capacité de discernement est d’une extrême importance, car il permet de déterminer qui –du patient mineur ou des parents– a formellement la capacité de décider.
Le respect du secret médical
Il existe également des situations où le patient mineur consulte un médecin en souhaitant que ses parents n’en soient pas informés. On pense par exemple au cas où une patiente mineure consulte le médecin pour pratiquer un avortement. Si la patiente est capable de discernement, elle seule pourra décider de l’avortement. De plus, le médecin sera alors tenu au secret médical vis-à-vis de sa patiente et ne pourra donc pas informer les parents sans son accord.1 La facturation dans ces situations pose néanmoins de délicats problèmes auxquels il convient de porter attention afin de préserver la confidentialité. On relèvera que l’éventuelle absence d’implication des parents est en quelque sorte compensée par le fait que le médecin devra en tout cas adresser la patiente à un centre de consultation spécialisé pour mineurs (art. 120 al. 1 ch. c CP).
Prélèvement d’organes ou essais cliniques
Il convient encore de relever que certaines lois prévoient un consentement du représentant légal indépendamment de la capacité de discernement du mineur, ce en principe lorsque la capacité de consentir du mineur peut se trouver au centre d’une tension entre son droit à l’autodétermination et son besoin de protection et de soins, par exemple dans le cadre du prélèvement d’organe sur un mineur vivant2 ou encore de recherches cliniques3.
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1. La violation du secret professionnel par le médecin peut faire l’objet de sanctions pénales ou disciplinaires.
2. Art. 13 al. 2 let. f de la Loi sur la transplantation d’organes, de tissus et de cellules (Loi sur la transplantation).
3. Art. 22 al. 1 let. b de la Loi fédérale relative à la recherche sur l’être humain (LRH).
Paru dans Planète Santé magazine N° 32 - Décembre 2018